Dans l’édition de cette semaine de Presse-toi à gauche, Yvan Perrier a découvert un « pot aux roses douteux et empoisonné pour les syndicats » dans la proposition « d ’entente de principe » que propose le gouvernement aux salarié.e.s de la fonction publique ; René Charest souligne que les politicien.ne.s néolibéraux ne reviennent jamais sur leurs réformes, n’en font jamais le bilan et nous reproduisons une entrevue avec Angela Davis et Assa Traoré menée par la revue Ballast.
Yvan Perrier souligne les bourdes du premier ministre Legault ainsi que celles de son ministre des Finances qui avance des informations trompeuses sur l’allure des négociations. De plus, ce qui était présenté comme une offre globale de l’État-employeur était refusée par de nombreuses organisations syndicales. De plus, l’auteur dénonce des manœuvres du gouvernement digne de l’époque de Maurice Duplessis, manœuvres qui visent à inciter à une signature rapide des organisations syndicales en agitant une carotte alléchante à prendre immédiatement ou à laisser. Il déplore que les syndicats soient laissés à eux mêmes alors que l’opposition à l’Assemblée nationale, dont Québec solidaire qui devrait être un allié naturel dans ce dossier, concentre ses tirs sur la ministre Marguerite Blais en pleine crise des CHSLD.
René Charest souligne que l’ancien ministre de la santé Gaetan Barrette refuse de porter le blâme pour les ratés du système en ces temps de pandémie. Pour l’auteur, il ne s’agit pas d’un trait de personnalité mais d’une démonstration que « le néo-libéralisme est incapable de faire son auto-critique et de revoir ses orientations » Il craint pour les lendemains de la crise que le gouvernement Legault ne procédera pas comme annoncé à un examen du système de santé sauf en surface. Il souhaite des Etats généraux en santé et services sociaux afin de faire une vraie analyse des conséquences des politiques néolibérales imposées au système au cours des dernières années.
Angela Davis n’a plus besoin de présentation : militante de gauche et féministe, elle est une figure de proue de la lutte contre le racisme aux États-Unis. Assa Traoré est la sœur d’un jeune noir français, Adama, tué par la police française en 2016. Elles échangent sur la lutte pour plus de justice contre le racisme dans le contexte de la reprise des luttes aux États-Unis et en France. Elles concluent en ces termes : nous sommes « face à un État et une justice qui nous ont déclaré la guerre : les deux systèmes les plus puissants du monde… »
De plus, Claude Vaillancourt appelle à éviter de reprendre nos vieilles habitudes et revenir aux pratiques d’avant la crise, l’ex-coordonnateur de la Coalition solidairité santé Jacques Benoit s’insurge contre les tentatives de réécrire l’histoire et de protéger l’image de l’ex-ministre de la santé Gaétan Barrette pour l’état dans lequel il a laissé le système de santé, Sauvetage féministe invite à une semaine de mobilisation, Marc Bonhomme explique comment le gouvernement fédéral s’allie aux grandes banques dans une tentative de « sauver le système » et appelle à une « prise de contrôle populaire de l’épargne nationale. » Enfin, Yves Bergeron réagit à l’annonce du plan de déconfinement de la ministre de la culture et n’y voit qu’improvisation et incompréhension des besoins de réformes structurelles du secteur des arts au Québec.
SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
Deux analyses de faits : une sur la situation des personnes migrantes et l’autre sur la situation au Moyen-Orient. Suivies d’analyses de fonds sur la capitalisme numérique et sur ces liens avec le patriarcat. Tout cela pour rendre compte de la situation internationale.
Le capitalisme ne peut pas répondre aux besoins des travailleurs migrants et leurs familles
La crise du Covid a permis aux pays de l’Union Européenne de retirer leurs bateaux militaires en mission appelée Sophie qui a permis de sauver environ 45 000 personnes. À la situation des personnes migrantes s’est ajoutée l’état désastreux des camps, qui en plus d’être des foyers de contagion sont aussi insalubres : mettre 40 000 personnes entassées dans un endroit qui devrait en contenir 7 000 et cela sans service démontre clairement l’état des lieux.
Mais les pays de l’Union Européenne refusent de voir cette état de fait et recoure même à l’entreprise privée dans leurs pratiques de refoulement.
Au sort des personnes migrantes s’ajoute la propagande raciste latente dans la société encouragée par l’extrême droite.
L’auteur poursuit son propos en décrivant la situation en Belgique. Il montre aussi que si les États acceptent de régulariser les personnes sans papiers c’est pour « utiliser la main d’oeuvre migrante à bon marché pendant la crise pour répondre aux besoins dû manque de main d’oeuvre dans les secteurs en pénurie. »
La dernière partie de l’article porte sur un programme de revendications à mettre de l’avant pour unir toutes personnes travailleuses, les migrant-e-s, les sans papier en prenant l’argent servant aux dépenses militaires pour le bien-être des personnes non régularisées. .
« La seule issue de sortie réaliste de la crise des réfugiés est une lutte unitaire de tous les travailleurs, indépendamment de leur origine, de leur genre ou encore de leur orientation sexuelle, pour arracher les leviers de l’économie des mains de l’élite capitaliste. Il sera ainsi possible de disposer des moyens nécessaires pour mettre fin aux guerres, à la misère, à la destruction de l’environnement. Seule l’instauration d’une nouvelle société, une société socialiste démocratique, sera de nature à voir naître un monde où la liberté de circulation sera réelle et débarrassée de la logique d’exploitation. »
Donc comme le titre l’indique : le capitalisme ne peut rien pour les personnes migrantes.
Cet entrevue de Gilbert Achcar fait ressortir deux point essentiels de la conjoncture actuelle au Moyen-Orient : la crise pétrolière et les mobilisations de masse.
Sur la crise pétrolière. Gilbert Achcar insiste pour faire la distinction entre pays pétroliers riches qui vont mieux s’en sortir malgré la Covid (Arabie saoudite) et les pays exportateurs à forte population (Iran, Irak, Algérie) qui seront obligés de prendre des mesures d’austérité provoquant ainsi l’indignation de leur population.
Il rajoute aussi que « La guerre du pétrole saoudienne a frappé l’économie iranienne, ce qui était la première et principale intention de Riyad. La combinaison de toute cette situation est catastrophique pour l’Iran. Sa capacité à consolider son influence dans la région grâce à ses troupes de soutien en Irak, en Syrie et au Liban sera sérieusement limitée. »
Sur les mouvements de masse, les mobilisations au Soudan sont décrites. Et des parallèles sont aussi faites avec le Printemps arabe de 2012. « Le mouvement ne s’est jamais été complètement éteint. Malgré les complications survenues après 2013, le processus révolutionnaire s’est poursuivi avec des explosions occasionnelles dans toute la région, du Maroc à la Tunisie, du Soudan, à l’Irak et à la Jordanie. Puis une nouvelle vague de protestations a commencé en décembre 2018 au Soudan, et s’est étendue à l’Algérie, à l’Irak et au Liban. Les médias ont appelé ce processus le deuxième printemps arabe. »
Deux leçons de toutes ces mobilisations peuvent être retenues ; l’importance de l’organisation démocratique à la base comme au Soudan et l’importance de l’Internationalisme « Le printemps arabe a mis la gauche internationale dans la position de soutenir les régimes ou mouvements populaires dans les pays dont les gouvernements étaient en conflit avec Washington. Cela a posé un défi pour de nombreuses secteurs de la gauche qui sont habitués à regarder le monde à travers une simple opposition binaire impérialisme / anti-impérialisme. »
La stratégie du choc du capitalisme numérique
Cet article très concret nous fait voir une vision d’apocalysme : le développement de l’industrie du numérique et du hi tech. L’auteure parle même de Screen New Deal.
Naomie Klein commence par décrire comment le gouverneur de New York pour préparer l’après Covid se lie avec toutes ces entreprises du numérique. Mais surtout elle démontre comment ce capitalisme va profiter de la pandémie pour réajuster son discours et pousser le développement du numérique. C’est un secteur industriel qui se développe sans contact, sans humain et sans risques biologiques.
Cet entrepreneuriat avait amorcé son discours autour de la compétition avec la Chine. L‘auteure démontre comment leurs prévisions exposent la supériorité chinoise d’ici 2030. Évidemment des enjeux stratégiques et de sécurité nationale sont aussi évoquées. C’est ce discours qui va se réenligner avec le Covid 19 pour parler de protection contre les virus.
À travers toute cette démonstration des objectifs réels du capitalisme numérique, l’auteur montre que la démocratie est le talon d’Achille de cette domination. « En bref, la démocratie – cet engagement public enquiquinant dans la conception d’institutions et d’espaces publics critiques – s’annonçait comme le plus grand obstacle à la vision que Schmidt entendait imposer, d’abord de son perchoir au sommet de Google et d’Alphabet, puis en tant que président de deux puissantes instances conseillant le Congrès américain et le ministère de la Défense. Cet engagement encombrant du public et par des travailleurs mêmes de ces méga-firmes a, du point de vue d’hommes comme Schmidt et de Jeff Bezos PDG d’Amazon, ralenti de façon exaspérante la course à l’armement de l’intelligence artificielle, en empêchant des flottes de voitures et de camions sans conducteur potentiellement mortelles de circuler, protégeant les dossiers médicaux privés pour qu’ils ne deviennent pas une arme utilisée par les employeurs contre les travailleurs, empêchant les espaces urbains d’être couverts par des logiciels de reconnaissance faciale, et bien plus encore. »
Pour elle, la technologie ne doit pas être bannie, elle peut servir l’intérêt public à condition que les bonnes questions soient posées et répondue collectivement et démocratiquement.
Comment le patriarcat et le capitalisme renforcent-ils conjointement l’oppression des femmes ?
C’est à une analyse féministe des plus développées que cet article nous apporte en illustrant avec brio la liaison du patriarcat et le capitalisme... leur fusion en fait.
L’auteure commence par définir le patriarcat comme oppression et comme système « On appelle « patriarcat » l’oppression que les femmes subissent en tant que femmes de la part des hommes. Cette oppression se reproduit de multiples façons au delà de l’aspect strictement économique : par le langage, la filiation, les stéréotypes, les religions, la culture… Cette oppression prend des formes très différentes selon par exemple qu’on vit au Nord ou au Sud de la planète, en milieu urbain ou en milieu rural. »
Elle rassemble ce mode de domination sous les caractéristiques suivantes :
« Les femmes sont « surexploitées » sur leur lieu de travail »
« La domination se caractérise par une absence totale ou partielle de droits. »
« La domination s’accompagne toujours d’une violence, qu’elle soit physique, morale ou « idéelle ».
Les rapports de domination s’accompagnent le plus souvent d’un discours qui vise à faire passer les inégalités sociales pour des données naturelles »
« S’il n’y a pas de luttes, le type de discours de « naturalisation » peut très bien être intériorisé par les opprimées »
Pour le capitalisme, elle place au coeur de ce système le travail gratuit des femmes.Elle chiffre ce travail et montre que cela coûterait cher au capitalisme de payer les femmes. Ainsi pour le capitalisme et le travail gratuit et le travail rémunéré (fameux salaire d’appoint) des femmes est vital. C’est là que le capitalisme se sert des dominations patriarcales :« L’oppression des femmes a précédé le capitalisme mais ce dernier l’a profondément modifiée »
Ces dominations sont aussi présente dans la famille. Elle analyse ainsi la famille :
« Dans nos sociétés, la famille joue un rôle fondamental dans la reproduction des divisions (et de la hiérarchie) à la fois entre les différentes classes sociales et entre les genres »
« La famille joue en outre un rôle de « régulateur » du marché du travail »
« Quelle que soit la période, le travail domestique des femmes permet à l’État de faire des économies en matière d’équipements collectifs et au patronat de payer moins cher ses salarié-e-s.
La fonction d’autorité de la famille a été largement entamée par les évolutions récentes du statut des femmes dans la société, au profit de sa fonction « affective »
« la famille a un immense avantage : c’est une institution relativement souple (ses formes se sont diversifiées considérablement en l’espace de trente ans). Elle peut jouer un rôle de soupape non négligeable face aux contraintes subies par les salarié-e-s dans leur vie professionnelle »
L’auteure complète son essai par une périodisation historique allant des premières sociétés agricoles, féodale, capitaliste marchande, de la prolétarisation des femmes, de la Première Guerre mondiale et du XXième siècle.
Un texte éminemment pertinent à lire pour parfaire une formation féministe.
Bonne lecture
Un message, un commentaire ?