Une somme de 25 $ qui sera quadruplée en 2011 puis multipliée par huit en 2012 pour atteindre 200 $ peu importe le revenu annuel. Ainsi, que l’on gagne 150 000$ ou 20 000$, la « contribution » sera du même montant pour tout le monde. Seuls les plus démunis des démunis en seront exemptés. Quant aux entreprises, elles n’y sont pas assujetties.
Le gouvernement Charest pallie ainsi au manque à gagner entraîné par les baisses d’impôt de 2008 qui, on le sait, avaient profité davantage aux plus fortunés. On se souviendra d’ailleurs que, contrairement aux souhaits d’une majorité de la population, le gouvernement Charest avait choisi de transformer en baisse d’impôts, les 700 millions reçus en transferts du gouvernement fédéral pour financer nos services de santé et d’éducation. Trois ans plus tard, c’est aux contribuables aux revenus moins élevés qu’on demande de fournir le plus grand effort compte tenu de l’uniformité de la taxe peu importe le niveau de revenu.
Si l’iniquité de la mesure rend la pilule amère, celle-ci devient encore plus indigeste quand on réalise que les revenus nouveaux générés par cette taxe ne serviront aucunement à améliorer les services existants, encore moins à en créer de nouveaux. La « contribution » servira plutôt à éponger la hausse du coût des médicaments, facteur majeur de la hausse constante des coûts de la santé.
Québec dépense par habitant 10% de moins en santé que la moyenne des provinces canadiennes (4890$ contre 5452$ en 2009) mais la portion de ces dépenses consacrée aux médicaments dépasse, elle, de 20% la moyenne canadienne (20.5% contre 16.4%). Et les médicaments constituent le poste des dépenses de santé qui a connu la plus forte augmentation depuis 25 ans, passant de 10 à 20% des dépenses de santé au Canada.
Le poids plus grand des médicaments dans les dépenses de santé du Québec s’explique en grande partie par les avantages compétitifs consentis aux pharmaceutiques. Ainsi, le gouvernement du Québec autorise le remboursement par le Régime général d’assurance médicaments du Québec d’un médicament innovateur pendant 15 ans après son inscription sur la liste des médicaments remboursés. Et ce, même si le brevet du médicament est échu et qu’il existe une copie générique moins chère.
Pour justifier ce coûteux privilège, unique en Amérique du Nord, accordé en 1994 à l’industrie pharmaceutique, Québec faisait le pari que les recettes fiscales entraînées par les investissements de cette industrie dépasseraient les coûts occasionnés par les avantages consentis. Un pari qui, selon certaines données, aurait été gagnant dans les années suivant l’adoption de cette mesure mais qui, aujourd’hui, coûte cher au trésor public.
La règle des 15 ans, comme on l’appelle, coûtera cette année 193 millions $ aux contribuables, pour des retombées estimées à 12 millions $. Les Québécois versent donc 180 millions $ aux compagnies pharmaceutiques, soit le montant recueilli par le gouvernement en 2010-11 grâce à la contribution santé », affirme Élisabeth Gibeau, de l’Union des consommateurs.
La conclusion qui s’impose est que la contribution santé a peu à voir avec la santé. Instaurée par le gouvernement Charest, cette taxe non seulement est inéquitable au plan fiscal, mais elle ne contribuera d’aucune façon à améliorer les services de santé. Sous le couvert d’une dépense de santé, cette ponction additionnelle dans le budget des ménages servira uniquement à subventionner en pure perte des entreprises qui sont déjà parmi les plus prospères dans le monde.
Luc Dufresne et Jean-Claude Landry
Gazette de la Mauricie