Cette décision est sans surprise. Le pétro-gouvernement Harper est dans le déni complet de toutes conséquences en termes de changements climatiques du projet d’exploitation des sables bitumineux albertains, mais surtout, il s’est déjà lourdement investi en appui à l’industrie à un point tel qu’il ne peut plus prendre la moindre distance.
Subventions gouvernementales à l’industrie extractive ; modification des législations environnementales pour faciliter les nouveaux projets et le transport du bitume ; loi mammouth qui nient les souverainetés autochtones ; attaques en règle contre les groupes environnementaux qui sont présentés comme des « menace à la sécurité nationale » ; réforme de l’Assurance-emploi pour relocaliser les travailleurs vers l’Alberta, « réforme » de son propre Ministère de l’environnement et mise à pied des chercheurEs pour éviter toute évaluation scientifique contraignante ; espionnage des communautés autochtones et leaders écologistes ;… la liste est sans fin des manœuvres du gouvernement Harper pour soutenir l’industrie des sables bitumineux et diminuer l’opposition.
Une opposition autochtone galvanisée
Mais la sauce prend mal au contraire. J’étais le 14 juin dernier à Kanesatake alors que la communauté Mohawk célébrait le succès de la Marche des peuples pour la terre mère partie quelques semaines plus tôt de Cacouna. 700 km de marche et de rencontres avec les communautés autochtones et non-autochtones, avec des comités citoyens résolus à s’opposer à ces nouveaux projets le long des tracés de la ligne 9 et du projet Energy East. La lutte débute à peine au Québec et dans l’est du pays, mais ici comme ailleurs, des communautés autochtones comme celle de Kanesatake se tiendront debout devant les géants pétroliers et elles pourront faire dérailler les projets si elle savent mobiliser les groupes environnementaux, citoyens et tous les autres dans leur sillon.
Non à l’opportunisme parlementaire, oui à l’opposition extraparlementaire
Les communiqués de presse et les déclarations étaient visiblement prêts. Quelques minutes à peine après que le ministre des Ressources naturelles Greg Rickford ait annoncé le feu vert d’Ottawa, tant Justin Trudeau que Thomas Mulcair promettaient la fin du projet Northern Gateway s’ils sont élus aux prochaines élections de 2015.
Quelle crédibilité leur accorder alors que le premier défiait récemment Stephen Harper d’en faire davantage pour convaincre les américains d’accepter le projet KeystoneXL et que le parti du second se permettait de soutenir le développement de l’industrie bitumineuse lors de son récent Congrès à Montréal ? Et quelle vision mettent-ils de l’avant quand du même souffle, ils prétendent préférer le développement de projet de pipeline vers l’Est plutôt que vers l’Ouest ?? Le St-Laurent n’est surement pas moins à risque que la région de Kitimat !
Ces prises de position ne sont que du vent qui n’ont rien d’une part rien à voir avec la lutte contre les changements climatiques et d’autre part, rien à voir avec une vision plus large et plus nécessaire encore de la construction d’une société durable non-basée sur l’extractivisme et les combustibles fossiles.
La solution est ailleurs, dans la construction d’une large alliance des progressistes du Québec, du Canada et des communautés autochtones contre l’industrie des sables bitumineux et ses pipelines, à l’ouest, à l’est, au Sud, … partout ! Car il ne s’agit pas de rejeter un pipeline d’un côté pour le remplacer par un autre de l’autre. Nos solidarités doivent être fortes et conséquentes ! Cette alliance est présentement en construction dans le cadre du processus du Forum social des peuples qui se tiendra à Ottawa en aout prochain.
Marquer l’Histoire
À Kanesatake, j’ai mentionné que la marche des peuples pour la terre-mère sera un jour présentée dans les livres d’histoire comme l’action citoyenne qui aura lancé l’ouverture de la chasse aux pipelines dans l’est du pays !
Mais au delà du symbole, il est clair que cette chasse n’aura réellement du succès que si la mobilisation est la plus large possible. Et conséquemment, que si les secteurs des mouvements sociaux traditionnels (syndicats, étudiants, femmes, etc..) se joignent aux mouvements environnementalistes et autochtones pour refuser ce développement fossile.
La balle est donc justement dans le camp de ces derniers (environnementalistes et autochtones) qui doivent maintenant convaincre les autres d’agir non seulement pour protéger tel ou tel écosystème, mais pour ébranler LE système, ce que justement plusieurs autres secteurs de la société civile s’évertuent à faire sans grand succès face à un gouvernement arrogant, batailleur et surtout prêt à tout pour arriver à ses fins.
Mais le Canada est un pétro-État construit sur une pétro-économie. La fin des pipelines au Canada signifie la fin du développement de l’industrie des sables bitumineux ; mais surtout, le début d’une ère où nos gouvernement seront obligés de construire l’économie autrement.
À court terme, construire l’opposition aux pipelines au Canada représente la meilleure opportunité de construire une opposition significative au gouvernement actuel de Stephen Harper.
À Vancouver hier, les manifestants annonçaient le début d’une guerre ouverte contre Northern Gateway et le gouvernement canadien. Recours devant les tribunaux, désobéissance civile, blocages, référendums… tout est à l’ordre du jour et les chances de succès sont réelles. En 2014-2015, cette « guerre » doit s’étendre à tout le pays car il s’agit du principal outil réel que nous ayons de mettre fin à un gouvernement rétrograde et de forcer sans aucun doute les autres partis à revoir significativement leurs propres politiques.
Pour sauver le monde, la lutte climatique est fondamentale. Pour changer le Canada, tous les mouvements sociaux doivent reconnaitre qu’elle est incontournable.