Le sol est un bon puits carbone et les spéculateurs, les businessmen et les multinationales y voient une belle occasion de se faire de l’argent, d’augmenter leurs chiffres d’affaires. Et cette fois ci cela risque de faire mal comme on le dit. Très mal même car cette fois l’enjeu est de taille et l’agriculture est aussi la cible de ce commerce carbone.
L’agriculture qui pourtant avait bien été reléguée depuis plusieurs années à un rôle minimal dans ces négociations sur les changements climatiques est donc de retour mais visiblement contre les populations et pour le bonheur de la finance carbone et du système financier mondial. Un retour applaudi par certains mais qui pour nous pose problème.
La grande majorité des documents de proposition de préparation à la REDD (communément appelé R-PP) en élaboration en Afrique pointe l’agriculture comme le moteur principal de la déforestation, se gardant bien de préciser que c’est l’agriculture industrielle avec son modèle productiviste et son utilisation intensif de produits chimiques qui l’est, au détriment de l’agriculture paysanne qui a toujours su au fil des décennies prendre soin du climat et protéger l’environnement.
Ces accusations, dont l’objectif est encore une fois de rendre responsable un secteur afin de mieux lui appliquer des mesures de « sanctification » avec le concours de la finance carbone sont simplement criminelles d’autant plus si l’on considère le rôle historique et les responsabilités des peuples autochtones dans la conservation des écosystèmes à travers leurs pratiques traditionnelles respectueuses de l’environnement.
Alors que le système alimentaire qui génère entre 44 et 57% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et pourrait être le secteur par lequel l’on réduit une bonne part des émissions et refroidisse la planète, il devient le secteur par lequel le plus de business se fera.1 Les terres agricoles comme on le sait, possèdent cette capacité de stocker le carbone et de contribuer au refroidissement de la planète. Du coup, elles deviennent dignes d’intérêt et tout est maintenant mis en œuvre afin que l’agriculture qui avait été longtemps négligé puisse revenir dans les négociations et prendre la place de ‘’grande contributrice ‘’ à l’atténuation.
A Paris cette prise en otage qui fait que l’agriculture se retrouve aujourd’hui empêcher de jouer le rôle de nourrir la planète mais se retrouve aujourd’hui dans une perspective purement commerciale à travers la finance carbone va se faire plus claire et le monde va légitimer un système que nous savons bien ne résoudra pas les changements climatiques.
La REDD sera bien installée dans le marché carbone et elle aura la caution de tous pour « braquer » l’agriculture.
La REDD+ grâce au marché carbone et aux nouvelles dispositions qui risquent d’être mises en place va commercialiser le carbone forestier et dorénavant le carbone foncier. Ce nouveau marché carbone foncier qui est un nouveau mécanisme de marché viendra accentuer les accaparements de terres et conduire les communautés à la précarité et à l’extrême pauvreté. Comme le marché carbone n’a jamais été pour le bien-être des communautés et des populations, ce nouveau marché carbone foncier ne sera pas un marché pour aider les communautés mais un marché pour enrichir les multinationales et élites, y compris africaines, à travers des outils comme la spéculation, la vente du carbone, la promotion des fausses technologies de réduction de Gaz à effet de serre, les Droits de Propriété Intellectuel.
La spéculation n’ayant jamais été du côté des peuples, il faut s’attendre à des dégâts bientôt dans les combats que les multinationales vont se livrer sur le continent Africain. Comme le dit ce dicton Africain : « quand des éléphants se battent, ce sont les herbes qui paient le prix » et les paysans, éleveurs et autres producteurs africains ne devrait pas être cette herbe devant les intérêts du néolibéralisme.
Une autre réalité bien présente et qui montre clairement que la REDD ne sera pas la solution des communautés, la solution du peuple est qu’en ce moment en Afrique la quasi-totalité des projets pilotes REDD+ voient la présence des Institutions Financières Internationales avec la Banque mondiale en tête. Ces institutions qui sont loin d’être des philanthropes sont permanemment présentes et « facilitent » les processus. Ainsi on retrouve très clairement la Banque Mondiale comme agence d’exécution d’un projet de la COMIFAC (Commission des Forets d’Afrique Centrale) au niveau du Bassin du Congo, ou même l’AFD qui a travers le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D), un mécanisme de refinancement de la dette soutien financièrement à la Cote d’Ivoire, mais bien évidement avec des conditionnalités comme la présence et l’utilisation « d’expertise » française.
La REDD ne sera donc pas cette contributrice à la réduction des GES car non seulement elle balbutie sur ses choix institutionnels, mais aussi sur sa stratégie et sur son mode opératoire tout en aggravant les problèmes socio-économiques des communautés à la base.
Etant confié pour une grande partie à la merci de structures ministérielles n’ayant pas de réels pouvoirs sur les questions essentielles comme le foncier, le droit coutumier, la REDD+ se dirige bien vers le mur, vers la contestation par les communautés marginalisées qui en lieu et place des séances de consultations reçoivent des séances de partages d’informations et sont mises devant le fait accompli.
Il demeure donc illusoire de continuer à penser que la REDD+ puisse défende les droits des communautés et les droits des paysans et fournir un vrai cadre de dialogue avec les acteurs des sociétés civiles locales. Elle va plutôt renforcer son « mariage » avec le secteur privé et les banques. Il importe donc de faire barrage à cette fausse solution et construire un rapport de force pour mettre en œuvre une véritable justice sociale et mettre fin aux inégalités.
Publié par Flamme d’Afrique : http://cop21.flammedafrique.org/?p=article-details&art_id=29&auth_=7284458
1 Voir La Via Campesina et GRAIN, “Souveraineté alimentaire : 5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population”, décembre 2014, https://www.grain.org/e/5101