Le militantisme de ceux et celles qui se réclamaient du socialisme dans le mouvement de grève des enseignants et enseignantes à travers le pays était du jamais vu depuis les grandes luttes menées par l’Industrial Workers of the World (IWW), les occupations des usines de General Motors (GM), les grèves dans les ports de la côte ouest (Seattle, Oakland) de la côte est (Baltimore, New York) et j’en passe.
La victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez à New York, d’Ilhan Omar au Minnesota, d’Ayana Pressely au Massachusetts et de Rashida Tlaib à Michigan comme démocrates à la Chambre des représentants, durant l’élection de mi-mandat en 2018, a mis à l’avant-scène nationale, et même au sein du Congrès, l’idée du socialisme. Immédiatement, leur présence à la Chambre des représentants fut remarquée. Elles ont contesté Mme Pelosi pour le poste de la Présidente de la Chambre des représentants. La riposte est venue très vite de la part de Mme Pelosi, qui a affirmé au nom de la classe politique que « l’idée du socialisme » était antiaméricaine et n’avait jamais existé aux États-Unis. Mme Pelosi devrait visiblement relire son histoire des États-Unis.
Les nouvelles élues se sont mises à l’œuvre pour créer une coalition de progressistes afin de changer la direction du Parti à la Chambre et reconnaître cette nouvelle génération élue en 2018 qui a donné la majorité à la Chambre des représentants. Elles ont ensuite présenté la plateforme du « Green New Deal » que les démocrates et les républicains ont de la misère à reconnaître comme une part intégrale de la lutte contre les changements climatiques.
Elles ont pris la parole dans les différents médias et dans leurs nombreuses tournées pour dénoncer la politique étrangère des États-Unis et surtout le soutien à Israël, le racisme de l’administration Trump, la pauvreté, et pour promouvoir un programme de santé universel, la gratuité scolaire, etc. Leur stratégie est de s’adresser non seulement à leurs districts fédéraux, mais plus généralement à l’ensemble de la classe ouvrière et les plus démuni-e-s aux États-Unis. Bernie Sanders n’est plus seul.
Mais la riposte de la classe politique vise à déstabiliser ces femmes et à les isoler de la population. MSNBC, qui se présente comme un réseau progressiste différent de CNN et FOX, lance depuis deux mois des attaques sans relâche contre Mmes Ocasio-Cortez, Omar, Pressely et Tlaib, parce qu’elles se sont donné le nom de « The Squad » (L’équipe) pour se démarquer de la classe politique traditionnelle, et surtout des démocrates. MSNBC les accuse de faire le travail des républicains et de contribuer à la réélection de Trump, un discours dont Sanders est aussi la cible depuis 2016.
Ilhan Omar et Rashida Tlaib avaient planifié une visite d’état en Israël, mais Benjamin Netanyahu, soutenu par les pressions et les accusations d’antisémitisme contre la Représentante Omar et la Représentante Tlaib, leur a interdit une telle visite, sous prétexte qu’elles soutiennent la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanction (BDS) contre Israël.
Une question mérite toutefois d’être posée ici : pourquoi se présenter pour le Parti démocrate, tout en le critiquant sans cesse ? Il faut comprendre ici la stratégie des militantes et militants socialistes en fonction du système électoral américain. Le système électoral des États-Unis est sous le contrôle des deux principaux partis, soit le Parti démocrate et le Parti républicain. Ces deux partis contrôlent le processus des primaires, les élections fédérales et aussi les élections dans les états et les villes. Si les socialistes veulent être élu-e-s à la Chambre, au Sénat ou à la Présidence, il faut passer par les primaires démocrates ou républicaines, sinon ils et elles doivent faire signer une pétition avec des milliers de noms dans au minimum vingt états, sans quoi ils et elles ne seront même pas sur le bulletin de vote. Tant que le système ne changera pas, les candidats doivent choisir. Pour les militants(es) socialistes, le choix est assez clair : c’est le Parti démocrate. Surtout que le Parti républicain n’a jamais soutenu le peuple travailleur et est maintenant devenu autoritaire, réactionnaire et sur une pente glissante fascisante.
Il ne faut pas oublier que le Parti démocrate, sous Franklin Delano Roosevelt, a mis en place le « New Deal », qui a été le seul moment dans l’histoire où les États-Unis se sont dotés d’un plan social pour la population. Ceci a influencé le Medicare et le Medicaid de Lyndon Baines Johnson en 1964. Ainsi le Parti démocrate, même s‘il est toujours un parti défendant une faction au sein de la bourgeoise américaine, a néanmoins dans son histoire mis de l’avant un programme qu’on peut qualifier de social-libéral. C’est dans cette optique que les militants et militantes qui adhèrent à l’idée du socialisme rejoignent le Parti démocrate. Ils et elles tentent d’influencer, avec une coalition progressiste autour d’eux et elles, le Parti démocrate à prendre des positions politiques qu’on peut qualifier de centre gauche, sans pour autant délaisser leurs prises de position ouvertement socialistes.
En somme, comme l’a écrit Antonio Gramsci, la gauche radicale socialiste doit exposer clairement et ouvertement ses positions et ses idées. La défense de ces positions et ces idées constitue pour Gramsci la guerre de position, qui doit être complémentée par des luttes pour des réformes radicales dont le peuple travailleur a besoin.
Cette stratégie, mise en place par le DSA et les militants et militantes socialistes, ne nie pas l’importance des réformes, mais inscrit ces dernières à l’intérieur d’une stratégie plus large dont le principe directeur est la lutte des classes. Ce n’est pas chose facile à faire, et c’est pourquoi nous tenterons de suivre, dans les prochaines semaines, les différentes formes prises par cette stratégie, dont l’objectif est le renouveau du mouvement socialiste aux États-Unis, qui est si important pour nous ici au Québec.
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