Nous assistons présentement à une lutte rhétorique entre Kim Jong Un et Donald Trump qui cherchent surtout à attirer l’attention des autres nations. Cette joute verbale apporte toutefois son lot de craintes : sommes-nous à l’orée d’une 3e guerre mondiale ? Un conflit nucléaire est-il sur le point d’éclater ? Une schizophrénie militaire semble dicter la conduite de ces deux chefs d’État qui font les frais du journalisme spectaculaire dépourvu d’analyses approfondies qui pourraient remettre en cause cette rhétorique belliqueuse. Il importe de contextualiser la crise de la Corée du Nord et le régime dictatorial de Kim Jong Un en fonction de la nouvelle rivalité impérialiste qui anime le 21e siècle.
Bien qu’elle soit majoritairement dirigée contre l’administration américaine, la rhétorique de Kim Jong Un n’épargne pas son peuple. La plupart des observateurs politiques du pays oblitèrent le fait qu’un dictateur doit simuler un rapport de force avantageux face à une superpuissance hégémonique comme celle des États-Unis. C’est ainsi qu’il justifie ses actions et sa domination sur l’appareil d’État : lui seul sait comment résister à la domination américaine. Et c’est ainsi qu’il parvient à convaincre le peuple de se ranger derrière lui, tout en éloignant les détracteurs de son régime.
À mon sens, une telle attitude traduit plutôt la fragilité de la dictature nord-coréenne. De nombreuses rumeurs circulent, d’ailleurs, à savoir qu’une véritable opposition politique s’organise là-bas. Celle-ci trouve nécessairement un appui chez Donald Trump et son secrétaire d’État, Rex Tellerson, qui répète à qui veut l’entendre que les Etats-Unis ne souhaitent pas intervenir en Corée du Nord. Une destitution de Kim Jong Un par le peuple nord-coréen lui-même ferait bien l’affaire de l’administration américaine qui n’aurait pas à se salir les mains pour obtenir ce qu’elle désire.
La Chine, quant à elle, n’a pas intérêt à ce qu’une telle confrontation se concrétise. Cette dernière a besoin d’une paix relative sur le continent asiatique afin de consolider son hégémonie économique qui se dirige maintenant vers la Mer de Chine. Sans l’appui de la superpuissance chinoise (une complicité qui perdure depuis l’armistice de la Guerre de Corée), la Corée du Nord se retrouverait rapidement en faillite, surtout que les États-Unis font énormément pression sur la Chine pour qu’elle suspende définitivement ses importations de charbon du « royaume » de Kim Jong Un. Les missiles suivis par la détonation d’une bombe hydrogène (pas encore confirmé) semblent être une réponse non seulement vers les Etats-Unis, mais aussi envers la Chine. Un jeu dangereux, car la Chine est le principale soutien de la Corée du Nord.
Le nouveau Président de la Corée du Sud, Moon Jae-In, veut une paix négociée. La population sud-coréenne, quant à elle, espère, depuis plusieurs années, une réconciliation entre les deux Corée. Le Japon, le principal allié des États-Unis en Asie, priorise plutôt la possibilité de prendre le contrôle de la Mer de Chine par le truchement d’un conflit entre la Chine et les États-Unis. La Corée du Nord représente un « irritant » considérable dans les relations diplomatiques entourant la Mer de Chine. En somme, la situation est beaucoup plus complexe que ne le laisse croire Donald Trump, dont le discours ressemble curieusement à celui de Harry Truman dans les années 1940 : utiliser la menace de guerre pour susciter une alliance qui pourrait déstabiliser l’ennemi.
Nous constatons maintenant les effets de la prise en charge de la Maison-Blanche par les militaires John Kelly, H.R. McMaster et John Matis qui contrôlent le processus décisionnel de l’administration Trump. Matis prétend, toutefois, que la crise de la Corée du Nord peut encore se résoudre par une solution diplomatique. De toute évidence, aucune solution facile ne se dessine à l’horizon pour un problème qui perdure depuis les années 1950. La Chine n’est plus la même qu’à cette époque. Elle constitue désormais un système capitaliste autoritaire qui doit protéger ses intérêts, c’est-à-dire empêcher une perturbation politico-économique de la Corée du Sud et des États-Unis, indirectement, en raison de leur forte présence là-bas. La solution se retrouve entre les mains de la Chine et de ses alliés au sein de l’administration Trump (Matis et Tellerson) qui doivent constamment gérer l’impulsivité du président en matière de politique étrangère.
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