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Si Israël est resté silencieux, cet assassinat ciblé porte la marque des services secrets de l’État hébreu, habitués à traquer et à tuer les commanditaires des attaques sur son sol et ses citoyen.nes. « J’ai donné l’ordre au Mossad d’agir contre les chefs du Hamas où qu’ils se trouvent », avait prévenu Benyamin Netanyahou, au lendemain des attaques terroristes du 7 octobre. « Leurs heures sont comptées. Où qu’ils soient, ce sont des hommes morts », avait renchéri le ministre de la Défense, Yoav Gallant.
Selon l’agence de presse semi-officielle iranienne Fars, affiliée aux Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), Ismaïl Haniyeh, a été assassiné par un « projectile à courte portée » tiré de son lieu d’hébergement à Téhéran dans une opération que l’Iran impute à Israël, a annoncé samedi le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime.
« D’après les enquêtes et investigations, cette opération terroriste a été menée en tirant un projectile à courte portée avec une ogive d’environ 7 kilogrammes depuis l’extérieur du lieu d’hébergement d’invitées provoquant une forte explosion », ont-ils indiqué dans un communiqué publié par l’agence officielle Irna.
Mais le New York Times avance un autre scénario. Ce serait un engin explosif, placé depuis deux mois dans l’appartement, qui aurait tué le chef du Hamas et un de ses gardes du corps. La résidence, surveillée par les Gardiens de la révolution, aurait donc souffert d’une importante faille de sécurité. Les services de renseignements iraniens auraient, eux aussi, été incapables de prévenir un tel acte. Un véritable camouflet infligé à l’État théocratique.
Selon le média Axios, la bombe aurait été déclenchée par des agents du Mossad se trouvant sur le sol iranien. Ce n’est pas la première fois qu’Israël arrive à tuer des personnalités en Iran. De nombreux responsables du programme nucléaire iranien ont trouvé la mort dans des attentats à la bombe. L’Israël n’a jamais revendiqué ces assassinats.
L’assassinat d’Ismail Haniyeh, négociateur en chef et chef politique du Hamas, détruit la perspective d’un accord de cessez-le-feu imminent. Netanyahou s’est toujours opposé à un accord qui mettrait fin à la guerre. À cet égard, le journal israélien Haaretz a révélé que lors des précédents cycles de négociations, Netanyahu a activement et stratégiquement divulgué des informations sensibles aux médias à des moments critiques afin de saboter les négociations entre Israël et le Hamas.
Quels sont les objectifs poursuivis par Netanyahu en assassinant Ismail Haniyeh à ce moment et à ce lieu ?
Pourquoi Israël essaye-t’il d’entraîner l’Iran dans une guerre totale au Moyen-Orient alors qu’il n’a pas la capacité économique d’entrer dans cette guerre ?
Pour le régime de Téhéran c’est Israël qui était certainement derrière l’assassinat audacieux de Haniyeh. Le gouvernement israélien a délibérément placé l’Iran dans une position de honte face aux Palestiniens afin de maximiser la possibilité de représailles iraniennes. A noter que l’assassinat a eu lieu quelques heures seulement après l’investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian.
L’ancien chef adjoint du Conseil de sécurité nationale d’Israël a également souligné que Benjamin Netanyahu veut déclencher une guerre plus large et y entraîner les États-Unis. Bien qu’Israël paierait un lourd tribut si l’Iran entrait dans une guerre à grande échelle au Moyen-Orient, le déclenchement de la guerre et l’escalade des conflits en Israël serviraient les intérêts de Netanyahu de diverses manières. Dans ce qui suit, nous verrons pourquoi Netanyahu a bénéficié de l’assassinat d’Ismail Haniyeh.
Les six objectifs d’Israël en assassinant Haniyeh
- Premier objectif : l’assassinat de Haniyeh, détruirait la perspective d’un accord de cessez-le-feu imminent.
Netanyahou s’est toujours opposé à un accord qui mettrait fin à la guerre à Gaza. À cet égard, le journal israélien Haaretz a révélé que lors des précédents cycles de négociations, Netanyahu avait activement et stratégiquement divulgué des informations sensibles aux médias à des moments critiques afin de saboter les négociations entre l’Israël et le Hamas.
Joe Biden, le président des États-Unis d’Amérique, en réponse à une question sur la question de savoir si Netanyahu prolongerait la guerre pour le bien de sa vie politique, a répondu : « Il y a de nombreuses raisons de conclure que oui ». Netanyahu sait que l’accord sur les otages israéliens avec le Hamas ferait s’effondrer son gouvernement et mettrait fin à son règne de Premier ministre. Il est également probable que s’il était condamné par la justice israélienne, cela signifierait une réactivation de son procès pour corruption, qui pourrait le conduire en prison. C’est pourquoi le négociateur Netanyahou est réticent à conclure les négociations, et tente de parvenir à une impasse par tous les moyens.
- Deuxième objectif : l’assassinat de Haniyeh, risque d’affaiblir Kamala Harris si elle remporte l’élection présidentielle américaine.
Alors que l’administration Biden a toujours accusé le Hamas d’avoir empêché la conclusion d’un accord, des indications semblent montrer que Harris pourrait adopter une approche différente en ce qui concerne Israël et le Hamas, et rendre possible un accord entre eux. Après une visite à Washington la semaine dernière, Kamala Harris a déclaré : « Comme je l’ai dit au Premier ministre Netanyahu, le moment est venu pour cet accord d’être conclu. »
- Troisième objectif : l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh, a également affecté les négociations potentielles entre les États-Unis et l’Iran.
L’élection de Massoud Pezeshkian, avait fait de la reprise des négociations du JCPOA1 et de la détente des relations étrangères, le centre de sa politique étrangère dans les débats électoraux. Bien que cela ait pu ouvrir une petite fenêtre pour la relance de la diplomatie, l’escalade de la tension provoquée par cet assassinat a gravement affaibli la perspective de construire un consensus à Téhéran en faveur de telles négociations. Cette idée d’affaiblissement est renforcée par le fait que certains responsables politiques iraniens pensent qu’Israël a assassiné Haniyeh avec le soutien de l’administration Biden. L’ambassadeur d’Iran aux Nations unies a également écrit dans une lettre au président du Conseil de sécurité des Nations unies que l’attaque « n’aurait pas pu avoir lieu sans l’autorisation et le soutien des services de renseignement des États-Unis ».
- Quatrième objectif : étant donné l’opposition de longue date d’Israël à l’amélioration des relations américano-iraniennes, il est très peu probable l’assassinat de Haniyeh lors de l’investiture de Pezeshian soit une coïncidence.
C’est exactement au moment où un présidant partisan de rapprochement avec pays occidentaux est investi que Netanyahu a cherché à forcer les États-Unis à entrer en guerre avec l’Iran. Bien que l’accent des États-Unis ait été mis davantage sur le programme nucléaire iranien, le désir d’Israël d’une attaque directe des États-Unis contre l’Iran est un secret de polichinelle.
Il faut rappeler que le rapprochement du présidant Obama avec l’Iran en 2015 a déplacé l’équilibre des forces régionales loin des États du Golfe et d’Israël, et a bouleversé l’équilibre des forces entre l’Iran et Israël. Pour le régime iranien l’un d’objectifs de JCPOA était d’être censé augmenter les capacités d’armement conventionnel de l’Iran en allégeant les sanctions contre l’Iran dans l’accord nucléaire promis par Obama. JCPOA a autrefois joué un rôle essentiel à la création de la ceinture de sécurité des pays dits de l’Axe de la Résistance (Iran, Syrie, et Liban), qui était censée protéger ces pays des attaques israéliennes.
- Cinquième objectif : Israël a pendant des années cité les divisions entre les diverses factions palestiniennes comme un obstacle majeur aux pourparlers de paix.
La semaine dernière via les efforts de la Chine, un accord a été conclu sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale pour gouverner Gaza après la guerre. Ismail Haniyeh a joué un rôle important dans la conclusion de cet accord de Pékin signé par toutes les factions palestiniennes, du Fatah au Hamas.
Le soutien des pays de “l’Axe de la Résistance” à la cause palestinienne est purement verbal. Et pendant ce temps là, Israël a eu les mains libres pour assassiner Haniyeh afin de tenter :
– d’empêcher la paix avec les Palestiniens,
– de mener dans une impasse la poursuite des négociations avec Yahya Sinwar à Gaza pour l’échange de prisonniers,
– de contrôler avec l’aide de la coalition menée par les Etats-Unis, les représailles probables de l’Iran et ses alliés.
- Sixième objectif : l’assassinat d’Ismail Haniyeh par Israël est destiné à provoquer une réponse iranienne, qui pourrait facilement dégénérer en une guerre plus large et engager les États-Unis au Moyen-Orient plus que jamais.
En avril, l’administration Biden a redoublé ses efforts pour contrôler les conséquences de lancements de missiles iraniens contre Israël après la destruction du consulat iranien à Damas, afin d’empêcher une escalade incontrôlable des tensions au Moyen-Orient.
Mais cette fois, à la veille des élections présidentielles américaines, l’administration Biden ne peut pas empêcher de manière décisive le Moyen-Orient de sombrer dans la guerre totale, à moins qu’elle ne veuille tracer des lignes rouges publiques contre Netanyahu. Cela pourrait viser le soutien électoral des démocrates, et Biden préfère qu’Israël fasse ce qu’il veut pour se défendre.
Tout de suite après l’assassinat, des dizaines d’officiers de haut rang des renseignements, ainsi que des responsables de la sécurité ont été arrêtés, sous l’accusation d’être des espions ennemis. Seulement deux semaines avant l’assassinat le ministre des renseignements s’est vanté d’éradiquer tous les nids d’espions dans l’ensemble du pays.
Dans cette situation le régime mène une guerre verbale virulente contre Israël pour sauver la face devant une telle humiliation.
« Israël a commis une « erreur stratégique » qui va lui « coûter cher » en tuant la semaine dernière à Téhéran le chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh », a déclaré le 8 octobre à l’AFP le ministre iranien des Affaires étrangères par intérim Ali Bagheri, après une réunion extraordinaire de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Il a accusé Israël - qui n’a pas commenté la mort d’Ismaïl Haniyeh - de vouloir « étendre la guerre » dans la région, tout en jugeant qu’il n’a « ni la capacité ni la force » pour combattre l’Iran.
Dans une lettre adressée au nouveau chef du Hamas, Yahya Sinwar, le général Esmail Ghaani a présenté ses condoléances à Yahya Sinwar pour le martyre de l’ancien chef du Bureau politique du Hamas. « Il ne fait aucun doute que le sang du martyr Haniyeh influencera la dure vengeance du régime sioniste par la République islamique ».
La récente visite de Netanyahu aux États-Unis a montré qu’il est peu probable que les États-Unis se laissent entraîner dans une guerre directe avec l’Iran.
Il est par contre probable que l’Iran réponde à la terreur sur son propre sol par un renouvelement de sa dissuasion défensive envers Israël. Mais la probabilité que l’Iran entre délibérément dans une guerre à grande échelle est nulle étant donnée la faiblesse de son infrastructure économique et de longues années de sanctions économiques.
Vu le degré très élevée de détestation du pouvoir iranien par son propre peuple, un défaite militaire mènerait sans aucun doute à un chute du régime. Et comme dans tous les régimes dictatoriaux, sauvegarder et conserver le pouvoir politique vient avant toutes autres considérations.
Le 13 août 2024
Note
1 - Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action - JCPOA), signé le 14 juillet 2015 par les parties suivantes : l’Iran, les pays du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies — les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni — auxquels s’ajoute l’Allemagne. Cet accord imposait des restrictions à l’activité nucléaire iranienne en échange d’un allègement des sanctions. Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l’impasse après, en 2018, le retrait unilatéral des États-Unis qui ont réimposé de sévères sanctions économiques à Téhéran.
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