dimanche 9 décembre 2007 Michèle Sibony - UJFP
Les anticolonialistes israéliens le constatent avec anxiété, la presse israélienne l’annonce : le gouvernement israélien est en train de préparer une attaque de grande envergure sur Gaza, prévue à relativement courte échéance, quelques semaines ? Une campagne d’alerte commence, qu’il nous appartiendra de relayer le plus largement pour tenter d’empêcher l’écrasement programmé d’un million et demi de personnes.
La situation actuelle à Gaza est celle d’un siège renforcé, de 24h sur 24 la fourniture d’électricité a déjà été réduite à 12h sur 24 en signe de punition contre les Kassams. Elle va être à nouveau réduite à 8h par jour. Actuellement n’entrent plus à Gaza depuis juin tous les produits, emballages et matières premières contenant fer ou plastique, y compris dans leur emballage, donc aucun matériel de construction par exemple, mais également bien d’autres produits essentiels à la vie. Les seules nourritures qui peuvent franchir la porte de Gaza sont : farine, sel, sucre, huile, en provenance de l’UNRWA. Ni pain, ni produits laitiers, ni œufs, ni fruits et légumes, ni médicaments, ni vêtements chauds, ni pièces détachées d’aucune sorte, ni rien d’autre. Même la pêche devenue une activité dangereuse en raison des tirs et des morts « collatérales » s’est pratiquement arrêtée. L’Egypte joue sa partition en fermant la porte de Rafah, l’autre issue de la prison. On enregistre en ce moment 80% de taux de chômage.
Voilà pour la population : un million et demi de personnes prises en otage, n’attendant rien d’autre que les avions israéliens. C’est dans ce contexte, que le gouvernement vient de voter l’autorisation d’assassinats « ciblés » contre les militants du Hamas, et qu’il étudie la possibilité d’une opération militaire de grande envergure sur Gaza.
Il faut achever de décrire ce contexte par la situation inter palestinienne extrêmement tendue, à Gaza comme en Cisjordanie, par les affrontements fratricides entre membres du Hamas et membres du Fatah, et aussi par l’examen du lendemain d’Annapolis : Cette « rencontre » semble poser les bases d’une reddition palestinienne, et des aspirations nationales, sous le seul contrôle américain, et sans aucune médiation envisagée. On voit mal comment des négociations posées dans un tel cadre auraient une chance d’aboutir, justement parce qu’elles ne portent pas sur Gaza définie, rappelons-le, comme « entité hostile ». Terrible expression qui sort Gaza et toute sa population du champ politique et humain, ni Etat ni territoire occupé, ni êtres humains reconnaissables, juste une entité indéfinissable autrement que par son unique caractère d’hostilité : de là à l’extermination il n’y a plus long chemin.
M. Abbas a toutes les chances de sortir perdant de ces négociations, et le Fatah avec lui, perdant pour son peuple, ne lui laissant que le choix du désespoir et de la radicalisation. Plongé dans une situation désespérée qui le déconnecte de tout horizon politique, occupé qu’il est, c’est le cas de dire, et à plus d’un titre, par l’armée et la colonisation galopante, et aussi par la recherche de sa subsistance quotidienne et d’un minimum de sécurité pour ses enfants, les témoignages de ce peuple de Cisjordanie et de Gaza abondent qui disent combien il n’y a plus d’attente ou d’espoir du côté du politique et combien seules les conditions de la survie dictent comportements et réflexions. Un sondage effectué par JMCC, à la veille d’Annapolis, en Cisjordanie et à Gaza faisait apparaître que 63% des interrogés ne croyaient pas au succès d’Annapolis, considéraient que cet échec affaiblirait le Fatah et Mahmoud Abbas, et risquerait de provoquer un nouveau soulèvement dans les territoires occupés.
Enfin en Israël, les préoccupations électorales du Général Barak, ministre de la défense, qui sera candidat aux prochaines élections contre Olmert doivent être prises en compte : Barak n’a cessé de dénoncer les risques d’Annapolis, parce qu’à ses yeux Abbas, n’est pas un partenaire de négociations fiable. Il ne s’agirait pas qu’Olmert puisse réussir à Annapolis ce que lui-même a échoué à Camp David. D’ailleurs là-dessus, Barak a raison : aucune chance ! Précisément pour les prochaines élections il aura besoin de faire la preuve que son échec à Camp David n’en était pas un, Annapolis la lui apportera : Il n’y a pas de partenaire je vous l’avais dit, ce n’est pas moi, ce sont les Palestiniens.
Par contre il devra démontrer l’efficacité de son propre projet : la manière forte, redorer le blason de l’armée après l’échec du Liban, clairement attribué, lui, à Olmert, et le redorer à très bon marché, sur une Gaza affamée et armée de Kassams, ce sera facile et sans danger. Goliath contre David !
Il faudra attendre un peu, cependant, pour ne pas fâcher le gouvernement américain, en frappant trop tôt, ce qui ferait dire au Hamas, et peut-être à d’autres : voilà le vrai but et le résultat d’Annapolis. Mais bientôt, au prochain Kassam sur Sderot, rappeler à tous que tout a été essayé : les avertissements, les sanctions, la limitation de l’énergie, redire qu’il n’est plus possible de rester silencieux face aux Kassams, qu’Israël place sa sécurité au dessus de toute autre considération et qu’il a le droit de se défendre.
Cela a aussi l’insigne avantage de faire entrer Israël et sa population plus avant dans la logique américaine de la guerre des civilisations. Et dans l’affrontement de l’ennemi nouvellement modelé, dissolvant le résistant palestinien et l’amalgamant à la cohorte déjà constituée des « terroristes musulmans », au Liban en Irak en Iran...
Dans cette lecture qui tente de s’imposer progressivement, c’est l’axe du mal qu’Israël a combattu au Liban contre le Hezbollah, et non la destruction du sud Liban sous les bombes qu’il a conduite l’été 2006, se soldant par une défaite militaire, et c’est à nouveau l’axe du mal à travers le Hamas que combattra Barak à Gaza, et non un acharnement criminel et gratuit sur une population désarmée qui devra subir les bombardements. Ces deux événements sont ainsi liés comme deux batailles d’une même guerre régionale. Ce qui annonce d’autres batailles à venir, celle de l’Iran ?
Pendant ce temps la situation générale semble se modifier : la révélation du gel du programme d’enrichissement de l’uranium iranien depuis 2003, et donc des mensonges de Bush, pourrait être le signe d’une accalmie dans les menaces de guerre de Washington. Le Liban semble s’acheminer vers un accord pour désigner un président. La démonstration du Hezbollah - qui a réussi avec ses manœuvres sans armes dans le sud, à suspendre toutes les communications militaires dans le nord d’Israël et même pour les forces de la FINUL - a sans doute obligé à la recherche d’un équilibre des forces. Ces modifications pour souhaitables qu’elles soient pourraient laisser Gaza en première ligne.
Et cette fois, vu le rapport des forces, la victoire ou l’échec ne peuvent dépendre que de la capacité d’un mouvement d’opinion international déterminé à avertir, protester, exprimer une solidarité active matérielle et morale avec Gaza, empêcher le massacre.
Source : http://alternatives-international.net/article1485.html