Édition du 17 décembre 2024

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Amérique latine

L’Equateur a fait le choix d’une économie post-pétrole

Une initiative révolutionnaire est en marche en Equateur. La renonciation à l’exploitation du pétrole amazonien pour contribuer à sauver la planète, avec compensation internationale. Conférence à Genève.
Une révolution écologique préparant un monde post-pétrole se joue en Equateur. Dans le cadre d’un symposium sur les ressources naturelles, Genève accueillait le mois passé une conférence sur ce qu’on appelle l’initiative Yasuni.

Ce projet fait référence à l’engagement de l’Equateur de ne pas exploiter le pétrole des sous-sols du parc naturel Yasuni afin de protéger la biodiversité de la zone et les peuples autochtones qui y vivent, moyennant une compensation financière de la communauté internationale.
Cette initiative est novatrice à double titre. En plus de la non exploitation du pétrole, elle implique d’éviter totalement les gaz à effet de serre et pas seulement à les diminuer comme le stipule le protocole de Kyoto.

L’initiative trouve une de ses justifications sur les dégâts infligés par la multinationale Chevron (anciennement Texaco) en Equateur. Ainsi, cette transnationale serait responsable de dégâts sur les peuples indigènes et sur la nature, dégâts ayant causés notamment des morts du cancer, des malformations de naissances. Surnommée le « Tchernobyl amazonien » par bon nombre d’ONG |1|, cette pollution pourrait aboutir à une indemnisation de 27 milliards de dollars. En effet, les dégâts s’élèvent à ce montant et concernent également la contamination de l’eau, la déforestation, la mort des animaux sauvages et domestiques. |2|

Quelle est la teneur de l’initiative Yasuni ? C’est le fait que le gouvernement équatorien a offert la garantie aux populations amazoniennes du parc national Yasuni de ne pas exploiter le pétrole du sous-sol à condition que la communauté internationale offre une compensation correspondant à 50% des profits estimés de l’exploitation du pétrole, soit 3,5 milliards de dollars. Cet argent servirait entre autres à assurer la transition énergétique du pays. Quand on sait qu’un seul hectare du parc Yasuni renferme autant de variétés d’arbres que dans toute l’Amérique du Nord, on imagine bien que cette région avec une des plus fortes biodiversités au monde capte l’attention des écologistes du monde entier. De plus, une exploitation du pétrole à cet endroit contraindrait à l’exode les peuples indigènes y vivant.

La compensation n’est ni une donation ni un chantage mais une contribution. Une contribution, car le peuple équatorien estime être victime d’une dette écologique historique. De plus, l’initiative implique la coresponsabilité mondiale pour la préservation de la planète. De ce fait, l’argument avancé par le gouvernement équatorien est que les pays occidentaux sont riches car ils exploitent les ressources naturelles des pays du Sud, sans que le peuple équatorien ait vu la couleur de cet argent.

Eviter la récupération néolibérale

L’initiative Yasuni a également évité le piège de la récupération néolibérale d’une partie des idées écologiques comme celle du marché du carbone. On se souvient des remous en France quant à la taxe carbone qui fut mise en stand-by sous la pression de l’opinion publique. Ici point de marché du carbone, mais un fond supervisé par le PNUD qui sera investit dans des objectifs de changement de la matrice énergétique c’est-à-dire investit dans l’énergie hydraulique, géothermique et solaire.

Autre piège qu’il faudra essayer de déjouer pour que Yasuni garde son caractère révolutionnaire. Eviter que les pays occidentaux qui financeront ce projet utilisent les fonds alloués à sa réussite en tant qu’annulation de la dette de l’Equateur. Nous le savons, une bonne partie de la dette de ce pays est « odieuse » donc illégitime. |3|

Cette initiative pourrait s’assurer un impact international à condition d’être reproduite. Les experts pensent à des pays comme la Bolivie, la RDC, le Venezuela, l’Inde, le Brésil. Mais même si elle reste cantonnée à l’Equateur, ce projet signifiera tout de même une victoire supplémentaire de l’économie sociale et solidaire en Amérique latine, partie du monde qui pourrait inspirer le Vieux Continent, car en Europe les leçons de la crise n’ont pas été appliquées par les banksters |4|à son origine. L’Amérique latine poussée par le Brésil, 8e économie mondiale pourra-t-elle moraliser le néolibéralisme ?

Notes

|1| http://www.alterinfos.org/spip.php?...

|2| Le Courrier du 9.03.10

|3| http://www.monde-diplomatique.fr/20...

|4| Contraction inventée par les Etasuniens entre bankers et gangsters

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