Le bilan du gouvernement Trudeau est bien mince si on le compare à ses engagements lors de l’élection de 2015. Il promettait une réforme importante du mode de scrutin. Un engagement qui fut largué assez rapidement après un exercice de consultations mené dans la confusion la plus totale. Il promettait un gouvernement honnête alors qu’il nage dans les scandales du genre SNC-Lavalin. Il s’engageait à reconstruire les ponts avec les nations autochtones alors que la commission sur les femmes autochtones disparues et assassinées se voit couper les moyens pour mener à terme son exercice. De plus, là où il devait se distinguer le plus de l’ancienne administration conservatrice, la lutte aux changements climatiques, aura été une démonstration de l’incapacité d’un gouvernement néolibéral à mener un tel combat et de sa propension à faire le contraire de ce qu’il affirme : lutter contre les changements climatiques en achetant et installant des pipelines pour le transport du pétrole des sables bitumineux. Et par la bande, il aura fait une nouvelle fois la démonstration de son mépris pour les peuples autochtones lorsque vient le temps de trancher entre les avantages pour les entreprises polluantes et les droits de l’environnement. Le bilan du gouvernement Trudeau n’est qu’une démonstration de cette hypocrisie post-électorale que partagent tous les gouvernements néolibéraux pour la démocratie et les revendications populaires.
Évidemment, lorsque la gauche, ou ce que l’on présente comme telle, ne fait pas le travail, ça prépare le lit à un retour de la droite dure. Les conservateurs ont la voie libre pour reprendre le pouvoir après un mandat dans l’opposition. Aucune autre formation politique, que ce soit le NPD ou les Verts ne peuvent prétendre à représenter une alternative réelles. Et on peut s’attendre à ce que les conservateurs appliquent une politique hostile à la lutte aux changements climatiques malgré les annonces du dépôt d’un « plan ». On le sait tous, ces gens sont des climato-sceptiques complètement inféodés aux intérêts de la filière des énergies fossiles. Leur politique du climat aura pour effet l’augmentation des émissions de GES au prétexte de soutenir le développement économique du Canada. Il s’oppose à la taxe sur le carbone pour les mauvaises raisons : alors que plusieurs courants de gauche s’opposent avec la même force à cette taxe car elle aurait pour effet de faire porter le coût des changements climatiques par la population, les conservateurs s’y opposent car elle est un obstacle au droit des entreprises privées de polluer sans conséquence. Évidemment, pour celles et ceux qui se mobilisent contre les pollueurs et émetteurs de GES, une telle option est catastrophique. Les conservateurs ne sont pas une alternative aux libéraux de Trudeau.
Par ailleurs, les autres options ne sont pas plus sérieuses. Le NPD a fait la démonstration qu’une fois au pouvoir, sa gestion n’est pas très différente de celle des libéraux. Il suffit de voir les rivalités entre le NPD albertain et celui de la Colombie-Britannique pour constater les incohérences de cette formation politique. Plus elle s’approche du pouvoir, plus elle tourne à droite comme ce fut le cas lors de l’après-Jack Layton avec Thomas Mulcair à sa tête. Le NPD fédéral fut ainsi débordé sur sa gauche par les libéraux de Justin Trudeau. Le NPD qui détenait la tête des intentions de vote dans les sondages à ce moment là glissa alors en troisième place.
L’électorat aura pris des notes sur la nature instable du NPD au point où le parti Vert mords à pleines dents sur une partie du vote néo-démocrate. Les Verts qui misent sur un affaiblissement du NPD et des libéraux semblent en voie de gagner leur pari. Ils ont remporté un siège en Colombie-Britannique dans un château fort du NPD et relégué les libéraux à la quatrième place. Après des gains en Colombie-Britannique (3 élu.e.s et 16,8% des votes) qui leur ont permis de faire une alliance avec le NPD au pouvoir en 2017, ils ont fait des gains importants sur la scène provinciale au Nouveau-Brunswick (3 élu.e.s et 3e place), en Ontario (1 élu et 5% des votes) et sur l’Île du Prince-Edouard (8 élu.e.s et 2e place) et ont offert une performance respectable (13% des votes et 3e place) lors des élections partielles dans Outremont au Québec.
Toutefois, les Verts au pouvoir ne sont qu’une pâle copie d’une véritable formation politique qui s’attaquerait aux changements climatiques. Alors qu’on ne peut faire l’économique d’une rupture avec le productivisme du capitalisme si l’on veut vraiment créer les conditions d’une véritable transition vers une économie verte, les Verts ne font qu’appliquer des politiques de ce qu’on appelle le « capitalisme vert ». « La vision selon laquelle il n’y a pas de contradictions entre environnement et économie est centrale dans les politiques du Parti vert », prétendent-ils. Ainsi s’engagent-ils à réduire les émissions de GES selon les recommandations du GIEC mais sans toucher à l’organisation économique de la société. Leurs objectifs sont pertinents, leur méthode nous mène à des impasses car pour le capitalisme, seulement ce qui est profitable pour quelques-uns mérite d’être entrepris.
Ainsi, les alternatives pour la prochaine élection fédérale sont minces pour qui souhaite l’élection d’un gouvernement près des intérêts des classes populaires et en rupture avec le lobby des énergies fossiles. C’est le résultat de décennies d’attentisme face aux vieux partis et même aux plus récents. Il faudra remettre sur la planche à dessin l’objectif de mettre en place une réelle alternative anti-capitaliste, démocratique, féministe et farouchement opposée aux changements climatiques. Nous devrons créer des contacts et des ponts entre les différents groupes au Québec et au Canada-anglais pour enfin mettre sur pied un parti capable de répondre aux aspirations populaires et à se dresser contre les intérêts corporatifs capitalistes.
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