Monsieur Qaderi a été accusé de méfait pour s’être tenu devant l’entrée du Collège Lionel-Groulx le 15 mai 2012, alors que la directrice du l’établissement, madame Monique Laurin, avait fait appel à la Sureté du Québec pour forcer l’ouverture du collège malgré le mandat de grève qui avait été voté.
Ce 15 mai 2012, nous étions aux côtés de monsieur Qaderi. Impliqué-e-s dans Profs contre la hausse ou dans Mères en colère et solidaires, nous avions fait le chemin jusqu’à Ste-Thérèse afin de montrer aux étudiant-e-s notre solidarité et pour que soient respectées les décisions prises démocratiquement dans les assemblées. Lorsque, une fois sur place, nous avons constaté que la directrice ne reculerait pas et qu’elle ordonnerait l’ouverture du collège par la force, nous nous sommes tenu-e-s par le bras et avons formé une chaîne humaine dans le but d’empêcher, ou à tout le moins de ralentir, l’attaque des agents de la SQ appelés en grand nombre.
Nous sommes resté-e-s de longues minutes devant les policiers, avec pour seule arme la conviction qu’on ne pouvait laisser les étudiant-e-s, dont nous étions les allié-e-s, se faire brutaliser, comme cela avait été le cas la veille au Collège de Rosemont. L’ambiance était lourde : l’assaut était imminent, les policiers proféraient à notre endroit toutes sortes de menaces, pendant qu’au loin, de l’autre côté de la rue, la directrice et les médias attendaient.
Lorsque les policiers ont avancé, nous avons tenu autant que nous avons pu, puis notre cordon a éclaté juste avant que n’éclatent les gaz lacrymogènes et que la violence policière ne se déchaine. Pendant tout le temps qui a précédé l’attaque, monsieur Qaderi a parlé aux policiers. Il était très ému, il pleurait, désespéré de voir au Québec une scène qui lui rappelait la guerre vécue en Afghanistan. À aucun moment, il n’a eu le moindre geste agressif envers ces policiers qui nous poussaient, comme d’ailleurs aucun d’entre nous. Comment aurions-nous pu ? Nous faisions face à ce qui nous semblait être une véritable armée, suréquipée.
Pourtant, monsieur Qaderi fut arrêté et accusé de méfait. Son procès s’est déroulé il y a un mois à Saint-Jérôme. Là, on l’a déclaré coupable. Non seulement coupable de méfait de plus de 5000 $, mais aussi d’entrave et d’incitation. Pourtant, une vidéo tournée le 15 mai, que nous avons en notre possession, montre clairement qu’il est resté pacifique durant toute la durée des événements et, surtout, qu’il n’a rien fait de plus que nous qui étions à ses côtés. D’ailleurs, un agent de la SQ a déclaré lors de l’audience que monsieur Qaderi n’avait fait que s’opposer à la violence envers les étudiant-e-s.
Si nous nous exprimons aujourd’hui, c’est que nous ne pouvons accepter qu’une seule personne paie pour ce qui fut une action collective, un acte de solidarité. Si cela était à refaire, nous le referions. Nous ne sommes pas plus aujourd’hui que ce jour-là en mesure de tolérer que la police force l’ouverture d’un établissement d’enseignement ni que soit utilisée la violence pour réprimer des droits collectifs de nature politique.
Le 15 mai 2012 restera dans les mémoires. Il a d’ailleurs marqué un tournant dans la grève étudiante puisque, deux jours plus tard, la loi 78 était présentée à l’Assemblée nationale par le gouvernement Charest, avant d’être votée, le 18 mai. Une loi qui interdisait, entre autres, d’empêcher l’ouverture d’une institution d’enseignement, sous peine d’amendes exorbitantes.
À présent, alors que l’écran de fumée médiatique que constitue la Commission Ménard se poursuit, d’autres Qaderi restent dans l’ombre, blessé-e-s, condamné-e-s, quand leur seul crime est de s’être tenu-e-s debout devant l’injustice. Nous demeurons solidaires de ces personnes et plus particulièrement de Hadi Qaderi qui ne saurait être condamné au nom de nous toutes et tous également présent-e-s ce 15 mai 2012. Monsieur Qaderi retournera en cour le 5 décembre prochain pour connaître sa sentence. Il a déjà fait appel de sa condamnation et nous le soutiendrons dans sa démarche.
Nous savons pertinemment que la Commission Ménard ne réglera en rien le cas de ces personnes injustement accusées, pas plus qu’elle ne dédommagera, de quelque façon que ce soit, les centaines de personnes brutalisées par les policiers. C’est la raison pour laquelle nous avons exigé et continuons d’exiger une véritable enquête publique sur les événements du printemps érable ainsi que l’abandon des charges qui pèsent sur les citoyen-ne-s qui se sont levé-e-s contre l’infamie.
Alors que l’arbitraire policier règne en maître dans nos rues et que le droit de manifester est devenu des plus difficiles à exercer, nous demandons que justice soit faite.
Ce texte est cosigné par : Claire-Hélène Benoît-Pernot, Université de Montréal ; Anne-Marie Le Saux, Collège de Maisonneuve ; Martin Jalbert, Cégep Marie-Victorin ; Stéphane Thellen, Cégep du Vieux-Montréal ; Sylvie Béland, Collège de Valleyfield ; Alain Deneault, Université de Montréal ; Anne-Marie Claret, Cégep du Vieux-Montréal ; Line Vaillancourt, Cégep du Vieux-Montréal ; Michel Milot, Collège Lionel-Groulx ; Marjolaine Goudreau, Mère en colère et solidaire ; Anne-Marie Miller, Cégep du Vieux-Montréal ; Isabelle Pontbriand, Collège Lionel-Groulx ; Murielle Chapuis, Collège Lionel-Groulx ; Christian Goyette, Collège Ahuntsic ; Anne-Marie Voisard, Cégep Saint-Laurent ; Stéphane Chalifour, Collège Lionel-Groulx ; Isabelle Billaud, Collège Lionel-Groulx ; Stéphan Gibeault, Collège Lionel-Groulx ; Sébastien St-Onge, Collège Lionel-Groulx ; Diane Pichette, Collège Lionel-Groulx ; Éric Montpetit, Collège Lionel-Groulx ; Pierre Robert, Collège Lionel-Groulx
Étaient également devant le Collège Lionel-Groulx et appuient cette lettre :
Marie-Ève Carpentier, étudiante à l’Université du Québec à Montréal
Marie-Soleil Ouellette, étudiante à l’Université du Québec à Montréal
Marie-Chantal Locas, étudiante à l’Université d’Ottawa
Élisabeth Circé Côté, étudiante à l’Université du Québec à Montréal
Xavier Dionne, étudiant à l’Université d’Ottawa
Francis Dionne, ancien étudiant à l’Université du Québec à Montréal
N’étaient pas devant le Collège Lionel-Groulx, mais appuient cette lettre :
Jacques Chamberland, Collège de Maisonneuve
Guy Bourbonnais, Cégep Marie-Victorin
François Bergeron, Université du Québec à Montréal
Nathalie Larouche, Collège Lionel-Groulx
Diane Gendron, Collège de Maisonneuve
Julien Villeneuve, Collège de Maisonneuve
Emilie Cantin, Cégep Marie-Victorin
Carol Gélinas, Mère en colère et solidaire
Liette Vidal, Mère en colère et solidaire
Suzanne Bilodeau, Mère en colère et solidaire
Lise Fournier Mère en colère et solidaire
Marie-Hélène Méthé, Mère en colère et solidaire
Anne Bérubé, Cégep du Vieux Montréal
Caroline Dawson, Collège Édouard-Montpetit
Joan Sénéchal, Collège Ahuntsic
René Lapierre, Université du Québec à Montréal
Isabelle Larrivée, Collège de Rosemont
Nathalie Larouche, Collège Lionel-Groulx
Martin Petitclerc, Université du Québec à Montréal
Audrey Lamy, Cégep du Vieux-Montréal
Daniel Desroches, Collège Lionel-Groulx
Martin Gallié, Université du Québec à Montréal
Zarko Bélanger-Lanzon, Collège Lionel-Groulx
Jacques Pelletier, Université du Québec à Montréal
Marc-André Houle, Collège de Maisonneuve
Michel Paquette, Collège de Maisonneuve
Jacqueline Bourdeau, Télé-université
Michel Seymour, Université de Montréal
Isabelle Côté, Cégep de St-Jérôme
Marcos Ancelovici, Université du Québec à Montréal
May Ellen Davis, Université Concordia
Romain Guedj, Université du Québec à Montréal
Pierre Lebuis, Université du Québec à Montréal
Sylvie-Anne Lamer, Mère en colère et solidaire
Sandrine Ricci, Université du Québec à Montréal
Judith Trudeau, Collège Lionel-Groulx
Marie-Ève Mathieu, Collège Édouard-Montpetit
Benoît Guillemain, Collège Édouard-Montpetit
Claudine Jouny, Cégep du Vieux-Montréal
Jean-Pascal Larin, Collège Édouard-Montpetit
Vincent Duhaime, Collège Lionel-Groulx