Édition du 17 décembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Inde : sur le bord du gouffre

À la veille de son 73e anniversaire, l’Inde offre un aperçu d’une société qui a rompue avec la promesse faite à sa naissance d’un État laïc respectant la diversité ethnique, linguistique et religieuse. Aujourd’hui, la politique majoritaire fondée sur une utilisation politique de l’identité religieuse mine les éléments fondamentaux de la démocratie, encore plus depuis l’élection d’avril-mai 2019 et la victoire de Modi et de son parti, le BJP.

Tiré de Plateforme altermondialistes.

Citoyenneté et minorités

Le projet de loi législatif le plus insidieux actuellement proposé par le BJP veut modifier la citoyenneté pour redéfinir les non-Hindus, principalement des musulmans, en tant que non-citoyens de l’Inde. L’exercice a commencé il y a quelques années dans la province de l’Assam où l’élite hindoue voulait déclarer les musulmans d’origine bengali en tant qu’« intrus » du Bangladesh. Aujourd’hui, le veut étendre cet exercice à l’ensemble du pays. Déjà, ce processus a causé d’énormes troubles dans l’Assam lorsque 4 millions de résidents ont été laissés de côté. Depuis, des milliers résidents refusent de quitter leur maison dans les zones inondées de peur de perdre leurs précieux papiers qui pourraient les protéger. La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Amit Shah, a réitéré la détermination du gouvernement : « nous nous assurerons que tous ces immigrants sont expulsés selon le droit international ». Ces populations sont pour lui des « ghuspethiyas » (infiltrés), voir des « termites ». Comment le gouvernement déterminera-t-il qui est un infiltré et d’où ? Combien d’Indiens ruraux, sans terre et marginalisés peuvent produire des certificats de naissance ou tous autres documents exigés par la bureaucratie ? Où iront les « non-citoyens » en question ? Seront-ils mis dans des camps de détention comme c’est déjà le cas dans une certaine mesure dans l’Assam ? Sous un gouvernement du BJP, on peut supposer sans risque de se tromper que l’exercice sera principalement, sinon uniquement, destiné aux musulmans. Considérant que les voisins à majorité musulmane de l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh ont catégoriquement refusé d’accepter les musulmans de l’Inde, qu’est-ce que le régime du BJP fera à 200 millions de musulmans de l’Inde ? Les possibilités sont trop effrayantes sinon carrément cauchemardesques à contempler.

Pays de la mafia et du lynchage

À l’heure actuelle, l’Inde sous BJP est connue comme un pays où des hommes peuvent lyncher d’autres hommes Des musulmans au hasard sont attaqués par des groupes de gangsters hindous, forcés de dire « Jai Shri Ram » et sont ensuite matraqués à mort. Pire encore, les attaquants n’ont pas peur de faire une vidéo de l’événement qui devient ensuite virale. La police ne fait rien ou procède à une arrestation superficielle. Modi reste silencieux, tout comme le nouveau ministre de l’intérieur. Il y a quelques années, lorsque des producteurs laitiers musulmans ont été tués alors qu’ils transportaient des vaches, le lynchage a été « justifié », principalement en raison de la prévention de l’abattage des vaches. Bref, le meurtre d’autres êtres humains est regrettable, mais fondamentalement acceptable s’il est en l’idéologie de Hindutva. Dans les États gouvernés par le BJP, c’est la position tacite des gouvernements locaux et du système de justice pénale. Les « goondas » (voyous) qui sont été mis en prison pendant quelques jours. Rapidement libérés, ils sont par la suite publiquement acclamés par les dirigeants du BJP.

Hindous et terrorisme

La déclaration d’Amit Shah au Parlement selon laquelle les hindous ne peuvent pas être des terroristes est une insulte gratuite à la mémoire des martyrs du bombardement du Samjhauta Express en 2007, dont la plupart étaient des citoyens pakistanais, et des victimes des attentats terroristes d’Ajmer Sharif, des mosquées à Hyderabad et Malegaon. Dans une longue interview accordée à la chaîne d’information The Wire, Vikash Narayan Rai, un haut responsable de la police a déclaré que la police avait établi de manière concluante les liens entre des attentats terroristes à un cellule dirigée par une figure du RSS, Sunil Joshi lequel a ensuite été mystérieusement tué. Parmi ses associés terroristes figuraient Sadhvi Pragya Thakur, aujourd’hui député du BJP élu de Bhopal, le colonel Purohit, Aseemanand, et d’autres.

Écraser toute opposition

Par ses slogans incessants, le BJP n’a pas caché ses efforts pour continuer à détruire le Congress Party (Parti du congrès), son principal adversaire. Des histoires de corruption dans des États comme le Karnataka où le Congrès a gouverné) ont été montées en épingle. À Goa, le Congrès qui était le principal parti a été empêché de former le gouvernement de l’État par les machinations du gouverneur nommé par le BJP. Au-delà des partis politiques, le gouvernement du BJP n’épargne aucun effort pour avocats, universitaires, militants des droits de l’homme et ONG. Les avocats de la Cour suprême, Indira Jaising et Anand Grover, du Collectif des avocats qui défend les personnes opprimées par l’État, ont vu leurs maisons saccagées. Les universitaires qui écrivent ou parlent contre le gouvernement sont considérés comme anti-nationaux, harcelés par les sbires du BJP en ligne, et sont officiellement accusés de sédition, une loi britannique de l’époque coloniale. Le harcèlement et l’intimidation sont particulièrement virulents contre les étudiants qui poursuivent des études supérieures et qui sont des Dalits. En outre, les militants des droits de l’homme et les personnalités politiques de gauche qui luttent pour les droits des opprimés sont surnommés « Naxals urbains » (les naxalites sont de sinsurgées ruraux qui résistent les armes à la main dans certaines régions du pays) et risquent d’être arrêtés sous des accusations fabriquées de toutes pièces et des lois qui les mettent en prison pendant des années sans même qu’aucun procès ne soit jugé. L’adoption d’une loi déclassant la Loi sur le droit à l’information (RTI) montre clairement que le gouvernement est totalement contre la transparence en matière de gouvernance.

Vinod Mubayi

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