De Isabelle Naessens
Tannés d’entendre parler du Covid, un mot aujourd’hui sur toutes les lèvres mais inexistant il y a de cela à peine trois mois. Saturés de statistiques alarmantes et d’images d’hôpitaux surchargés de malades qui débordent jusque dans les tentes érigées à cette occasion en plein Central Park. Qui aurait cru ? … Et ce navire-hôpital fantomatique, tout récemment accosté au port de New York ?– Il y a de ces images qui marquent l’esprit.
Apaisons nos systèmes nerveux sur-sollicités par l’arrivée de ce mystérieux virus qui vient creuser des méandres jusque dans nos maisons, bouleverse nos vies, nous déstabilise et modifie nos comportements. Comment faire face ? Vulgarisons d’abord sommairement, question de mieux comprendre la bête.
Sans vouloir verser dans une trumpitude futile, malsaine et accusatrice, regardons de plus près ce virus « chinois ». On le sait, les premières manifestations se situent en Chine du sud, dans un marché de fruits de mer. Panique spontanée : exit de mon congélo le tilapia, qui vient du Vietnam ! Après mûre réflexion, c’était tiré par les cheveux, j’en conviens. Mais voilà quand on ne sait pas, c’est la panique et les esprits surchauffent. Et si la pollution des mers allait au-delà de la contamination au mercure de certains poissons ?
Les scientifiques parlent plutôt d’une chauve-souris qui hébergerait à l’origine le virus. Finies aussi mes boulettes à la viande de bat ! (je niaise). Le virus de ce zombie volant, n’ayant pas la capacité de se fixer sur les récepteurs humains, serait passé par un hôte intermédiaire pour s’adapter à nous. Aujourd’hui, c’est le pangolin que l’on pointe du doigt. Pan– quoi ? Ce joli petit mammifère à écailles, qui s’entortille comme un de ces bracelets qui s’enroule autour du poignet quand on le frappe sur le bord de la table, vraiment cute avec un air totalement innocent - j’entends le WWF monter aux barricades, mais ne faut-il pas connaître son ennemi -, serait non seulement très prisé pour sa viande et ses vertus médicinales, mais aussi responsable de ladite pan-démie.
Émois passés, personne ne semble vraiment connaître le modus operandi du virus. Les médecins ne savent pas ce à quoi ils font face, trop anecdotique, trop nouveau. Il y a bien pourtant ces chercheurs qui tirent la sonnette d’alarme depuis un moment sur les impacts des changements climatiques, la destruction des écosystèmes et la déforestation.
La faune sauvage qui porte sans problème ces virus, repoussée en dehors des limites de son territoire, risque d’entrer de plus en plus en contact avec les animaux domestiques, qui transmettent à l’homme dont le système n’est pas apte à faire face è ce virus. Car les coronavirus, au pluriel oui madame, continuent de se multiplier. Pensons aux épidémies de syndromes respiratoires, toutes d’origine animale, du SRAS en 2002, en passant par le H1N1, et le MERS de 2012.
Avant de s’énerver, permettez-moi de souligner qu’avec la suspension des activités des industries, la fermeture des commerces et les suppressions de liaisons aériennes, une baisse de la pollution a été enregistrée. Tu vois Greta, on finit par y arriver ! Volontés politiques concertées, assorties d’urgence et d’obligations, donnent des résultats. Ah ! Il ne suffisait que de ça ! Bravo Greta, très bien orchestré ! Smart girl. Mais combien de temps ça va durer, for the sake of our planet ?
Revenons-en à nos moutons. Moutons oui, justement. Jamais on aura entendu un premier ministre provincial nous glisser autant d’avertissements, sertis d’infantilismes, au creux de l’oreille : mesures de confinement, distanciation, lavage des mains, mais aussi plus sérieusement toute une panoplie de mesures économiques, politiques et sociales dont la liste ne cesse de s’allonger. Rassurant ou inquiétant ?
À chacun d’en juger selon ses propres barèmes de tolérance et de résilience. À ce propos, Boris Cyrulnik, le gars des Vilains Petits Canards, jasait le 1er avril avec Pénélope McQuade sur les ondes de Radio-Can. Il souhaitait redéfinir la soi-disante « crise ». Sachez que ce mot ne s’applique qu’à la crise sanitaire car c’est un terme qui relève du monde médical, comme une crise d’épilepsie par exemple : soudaine, suivie d’un retour à la normale. Mais ne voyons-nous pas, nous interpelle le grand neuropsychiatre, qu’il ne s’agit pas d’une crise, qu’il n’y aura pas de retour à la normale exactement telle qu’elle était ? Il s’agirait plutôt d’une catastrophe : « un événement soudain, qui, bouleversant le cours des choses, amène la destruction ». Mais attention, respirez. Car si catastrophe rime avec désastre, il y a surtout ce changement majeur, cette lumière au bout du tunnel, cette propension à la transformation par rapport à l’état initial. Retenez votre souffle.
Arrêtons donc de parler de crise ! Parlons de catastrophe, mais en bien. Pas catastrophique ! En opportunité de transformation de notre monde, par rapport à ce qu’il était avant, avec ses défaillances que l’on souhaitait justement corriger.
Voyons la catastrophe du Covid comme une opportunité de TRANSFORMATION : cela laisse entendre quelque chose d’éminemment positif, même s’il existe un potentiel de verser dans le négatif. À nous d’utiliser cette brèche à bon escient.
Les transformations qui s’opèrent dans notre société à l’heure actuelle, à une vitesse fulgurante, poussées par des mesures économiques et politiques d’urgence qui pourraient s’installer pour de bon, (rappelons que l’histoire fourmille de ces décrets d’urgence adoptés en vitesse qui finissent par devenir habituels et ne sont jamais changés), viennent modifier nos comportements et nos fonctionnements dans la société. Qu’il s’agisse du mode de travail, de l’école à la maison, du retour à une possible bienveillance entre individus, notamment avec l’inclusion des aînés et du bon voisinage, ou au contraire à une hausse de l’anxiété, de la criminalité, de l’insécurité financière, ou du retour au vert et à un mode de vie plus sain, plus écolo, à un focus dorénavant plus préventif pour une santé globale, à l’encouragement des entreprises locales, à des initiatives citoyennes nouvelles et formidables, à une coopération entre les pays pour la sécurité alimentaire… qu’est-ce qui restera, qu’est-ce que l’on choisira ? Quels nouveaux phénomènes apparaissent ?
Voilà mon travail pour les prochaines semaines dans ces chroniques spéciales de réflexions sur les impacts sociétaires que le Covid engendre.
Des espaces qui se forment et qui se libèrent, des vides qui se créent : saurons-nous saisir les opportunités possibles de transformation que ces co-vides laissent présager ?
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