Comme l’illustre bien l’article, les travailleurs d’Ezeflow étaient parfaitement conscients et profondément inquiets des dangers auxquels ils étaient affrontés. Mais ils n’avaient pas le pouvoir d’obliger l’employeur à prendre les mesures appropriées. Quant au dernier, il lui manquait évidemment l’intérêt. L’amende infligée par la CNESST - elle-même coupable de négligence évidente dans le cas de la mort du travailleur Gonzalez - n’est même pas $1000 pour chaque année de sa vie.
Face à cette situation, qu’est-ce que nous propose le Ministre Boulet, cet ancien avocat patronal spécialisé en droit du travail ? Son projet de loi 59 veut en principe étendre à tous les secteurs économiques les droits des travailleurs de participer à la prévention (cela 40 ans après l’adoption d’une loi qui proclamait formellement ce droit !), mais tout en leur enlevant les moyens de rendre cette participation efficace.
Le projet de loi limiterait drastiquement le temps libre pour l’activité de prévention des représentants des travailleurs, tout en enlevant le peu de pouvoir que la loi en vigueur donne à la minorité à laquelle elle s’applique déjà. Ainsi le choix du médecin chargé de la santé au travail dans l’entreprise serait retiré au comité paritaire (travailleurs-employeur) pour être remis au seul employeur ; et l’adoption du programme de prévention deviendrait également la prérogative de l’employeur seul. Finalement, les membres du comité ne pourront solliciter l’intervention du médecin qu’en cas de danger immédiat - et non plus dès qu’un risque est présent - ce qui va à l’encontre de la logique de prévention.
Toute l’expérience en santé et sécurité au travail montre que le facteur le plus efficace pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles est le pouvoir des travailleuses et des travailleuses sur leurs conditions de travail. Ce sont eux et elles qui subissent les accidents et les maladies du travail et qui savent souvent aussi comment mieux les empêcher. Quant aux employeurs, et même à la CNESST, cela est loin d’être évident, comme le montre d’ailleurs le cas de la compagnie Ezeflow.
On aimerait penser qu’en cette période de pandémie, où le fait même d’être présent sur le lieu de travail présente une menace pour la santé des travailleurs, que le gouvernement du Québec aurait la décence et l’intégrité de corriger les négligences criminelles du passé en donnant aux travailleuses et aux travailleurs les moyens d’influencer les conditions de santé et de sécurité au travail auquel elles et ils passent – non pas par véritable choix et mais par nécessité économique - une si grande partie de leur vie.
David Mandel
Professeur associé
Département de science politique
UQÀM
Membre du CA du Centre des travailleuses et des travailleurs immigrant.e.s
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