Le Groupe de travail sur l’avenir de l’audiovisuel au Québec doit nous permettre de rêver à notre avenir collectif et de revoir nos façons de faire sans éluder la question centrale du financement public du secteur audiovisuel. Comme nous l’avons maintes fois dénoncé, les fonds publics destinés à la culture ne percolent pas adéquatement jusqu’au bout de la chaîne, soit vers les artistes et les créateurs. Des zones d’ombre demeurent dans la répartition de l’argent public attribué à l’industrie culturelle et créé un déséquilibre dans le financement qui est actuellement concentré entre trop peu de mains. Ce financement semble être une manne lucrative pour certains, au détriment des créateurs, artistes et des artisans, qui sont au cœur de la création, de sa diversité, de sa qualité et de sa renommée, ici comme ailleurs.
La signature et le respect des ententes collectives pour l’accès au financement public
« Il est impératif que les projets ou entreprises aient l’obligation de signer et de respecter des ententes collectives avec les associations d’artistes et/ou syndicats pour recevoir du financement public. Ces ententes, collectives ou particulières, permettent d’offrir des conditions minimales de travail et de rémunération aux artistes. Elles assurent un filet social comme l’accès à un régime d’assurance collective et/ou d’épargnes pour la retraite. L’application des ententes offre également une protection juridique aux créateurs, artistes et artisans ainsi que la protection de leurs droits de création », affirme Gabriel Pelletier, président de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec.
« Des ententes collectives, sectorielles et particulières peuvent être négociées pour offrir une certaine flexibilité selon la nature et la taille des productions tout en permettant de garantir des conditions de travail dignes aux artistes. L’introduction d’un formulaire ou d’une case à cocher lors des demandes de subvention pourrait constituer une solution simple, efficace et juste pour que les bailleurs de fonds s’assurent que le projet se fait en conformité avec les ententes en vigueur. Nous croyons qu’elle est facile à implanter et à faible coût. Malheureusement, elle demeure ignorée », précise Chantal Cadieux, présidente de la Société des auteur.e.trice.s de radio, télévision et cinéma.
Nous souhaiterions que la prochaine révision de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène introduise un mécanisme forçant la création d’association de producteurs pour chaque secteur. Cela contribuerait à renforcer la transparence et le suivi de ces pratiques dans l’industrie.
Enfin, il est essentiel que l’État donne l’exemple en veillant à ce que les fonds publics soutiennent exclusivement des entreprises respectueuses des normes établies dans le secteur culturel. Cela signifie également que les producteurs doivent honorer les contrats qu’ils concluent sur les productions et qu’ils se conforment à la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène, notamment en établissant des milieux de travail sains, exempts de violence et de harcèlement.
« À cet égard, l’État et plus particulièrement la SODEC, ne devrait pas offrir des subventions à des producteurs qui n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles et qui ne sont donc pas en règle avec les syndicats. Il en va du respect de l’argent des contribuables du Québec », ajoute Michèle Laliberté, présidente de la Guilde canadienne des réalisateurs - Conseil du Québec.
La qualité de vie des travailleurs du secteur culturels
Aujourd’hui, le secteur culturel traverse une période difficile. Les défis financiers sont grands et les impacts sur la santé mentale des artistes sont réels. La transformation des habitudes de consommation culturelle, notamment en raison des plateformes numériques internationales, y est pour beaucoup. Le nombre de travailleurs du secteur culturel contraint de cumuler plusieurs emplois pour assurer un revenu décent a triplé depuis 1990. Ils peinent à atteindre des revenus comparables à ceux de l’ensemble des travailleurs de la population active expérimentée. Selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (2020), le revenu d’emploi médian des travailleurs.euses des professions artistiques était de 18 829 $ alors que celui de l’ensemble des travailleurs.euses de la population active expérimentée était de 35 823 $, un écart de 16 994 $.
« Cet écart a des conséquences réelles, affectant non seulement la qualité de vie de nos artistes, mais mettant également en péril la survie de l’ensemble du secteur culturel. Après tout, ce sont les personnes qui réalisent les films que vous visionnez, qui interprètent la musique que vous écoutez et qui écrivent les séries télé que vous suivez » souligne Vincent Seguin, président de la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec.
« Les défis actuels du secteur culturel nécessitent une approche collective et concertée. Il ne s’agit pas seulement de réformer les processus financiers, mais de repenser la façon dont l’industrie fonctionne dans son ensemble, en prenant compte de toutes les réalités actuelles incluant celles des artistes. Les géants de la diffusion en continu ont bouleversé la manière de produire, de diffuser et de consommer la télévision, le cinéma et la musique. La compétitivité de notre production locale est prioritaire, mais elle ne peut se faire au détriment des conditions de travail des artistes », conclut Tania Kontoyanni, présidente de l’Union des artistes.
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