La Grèce aurait plié...
Dans la presse française, de tels commentaires abondent. Jean-Michel Apathie, journaliste : « Tsipras a fait en Grèce comme beaucoup d’hommes politiques en France : raconter n’importe quoi en campagne et faire demi-tour après. » [1]
Chef du service économie internationale au Figaro, Alexandrine Bouilhet, écrit : « La Grèce voulait changer l’Europe. Raté. C’est l’Europe qui a changé la Grèce, en offrant à ses jeunes dirigeants inexpérimentés et un brin arrogants un cours accéléré de méthode et de bonne gestion. Lorsque la leçon est dispensée par des hommes aussi respectés que Wolfgang Schäuble, ministre des Finances du pays le plus prospère et le mieux géré de la zone euro, la Grèce ne peut que s’incliner. » [2]
Maurice Ulrich de l’Humanité a raison cependant de noter dans son billet : « Ce « raté » qui ressemble à un soupir de soulagement (…) montre pourtant que rien n’est joué. » [3]
Rien n’est joué...
En effet, rien n’est joué. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les discussions dans la presse financière. Martin Sandbu, du Financial Times, écrit le 23 février dernier que « « l’accord » est de continuer à négocier », ce qui n’exclut en rien une rupture dans les négociations à venir. [4]
Il suffit ensuite de se rappeler avec Bourdieu cette leçon d’histoire sociale : « L’histoire sociale enseigne qu’il n’y pas de politique sociale sans un mouvement social capable de l’imposer ». [5]
Il suffit enfin de regarder à l’expérience grecque des six dernières années. Tout semble indiquer que l’issue du bras-de-fer entre l’Europe libérale et le gouvernement Syriza ne pourra être décidée ni sans l’intervention des différentes forces du jeu politique grec, ni sans l’intervention des mouvements sociaux grecs.
Le ministre grec de l’Energie, Panagiotis Lafazanis, indiquait mercredi 25 février que la Grèce ne privatisera pas DEI, le principal producteur d’électricité, ni Adime, principal distributeur d’électricité. Cette déclaration a été faite après le compromis de Syriza avec l’Eurogroupe. [6] En fin de compte, les conservateurs oublient dans leur auto-satisfaction malicieuse ce qu’ils ont toujours ignoré : la capacité autonome des classes populaires à prendre la « chose publique » en main.
Leurs commentaires à propos de la Grèce rappellent un poème plein d’humanité et d’utopie de Juan Gelman, intitulé « Les utopistes ». Il écrit : « l’espoir échoue souvent, la douleur jamais. c’est pourquoi certains croient que mieux vaut douleur connue que douleur à découvrir. ils croient que l’espoir est une utopie. ce sont les utopistes de la douleur. » [7]
Légende de l’illustration : « L’espoir et le découragement », estampe de Marc-Antoine Raimondi, 1506-1534, conservée à la BNF. Source : www.gallica.fr.