Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Gentilly-2 - Quelques réponses aux commentaires reçus récemment

L’auteur est professeur Agrégé de la Faculté de Médecine à l’Université de Montréal et membre de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement.

1. Risques pour la santé autour de G2

Je crois important de répéter que les chances de trouver une incidence augmentée d’une maladie rare comme une leucémie de façon statistiquement significative autour d’une seule centrale nucléaire, à fortiori avec un bassin de population relativement faible (de l’ordre de quelques milliers de personnes) est très faible, sur des périodes de quelques années. Et ceci surtout pour une centrale qui est si souvent en arrêt. C’est exactement le cas de G2. Ceci étant dit, un grand nombre de petites études canadiennes et internationales, ont montré une incidence nettement élevée de plusieurs types de cancers (leucémies ou cancers solides), malformations neurologiques, digestives ou complexes, avortements spontanés, etc... Souvent les résultats sont non statistiquement significatifs car ce sont des travaux faits autour d’une seule, ou de quelques centrales, ou sur un laps de temps trop court.

C’est pourquoi depuis quelques années on a regroupé les études en méta-analyses ou encore on a fait des études cas-contrôle (Baker 2007 – Mangano 2008 – Kikk 2008 – Geocap 2011). TOUTES ces études démontrent une association statistiquement significative entre l’incidence élevée de leucémie (particulièrement chez les moins de 5 ans à moins de 5km) et les centrales nucléaires. Il est important de noter que les périodes de temps varient d’une étude à l’autre et que pendant une période donnée l’incidence peut aussi être tout à fait normale. L’incidence que l’on retrouve dans ces études est donc soit élevée, ou très élevée, soit normale (mais jamais plus basse), exactement comme on le voit dans l’ensemble des études plus petites. Et, élément important, plus la population est proche des centrales, plus l’incidence des leucémies augmente (relation dose-réponse). Il s’agit évidemment d’une association et non de relation de cause à effet car ce type d’études (méta-analyse et cas-contrôle) ne permet pas de conclure à une relation causale. Cependant il n’y a AUCUNE EXPLICATION meilleure que le rayonnement pour expliquer ces incidences parfois très élevées.

L’ensemble de ces études nous envoie un signal fort et très inquiétant : ce sont souvent les mêmes cancers qui ressortent d’une étude à l’autre, mais avec des fréquences variables. C’est la raison pour laquelle le principe de précaution doit absolument s’appliquer face à une masse de résultats qui vont dans le même sens. C’est une raison fondamentale pour laquelle nous ne devons pas procéder à la réfection de G2.

Il n’y a absolument aucune raison de penser que G2 se comporterait de façon différente et qu’il n’y aurait pas un risque plus élevé de cancers autour de la centrale québécoise, particulièrement lorsque l’on connaît les émissions de tritium très élevées des CANDU. Affirmer donc que G2 ne pose aucun risque pour la santé ne nous semble pas une attitude responsable.

2. La question du 1%

On a souvent entendu qu’il était impossible qu’une centrale comme G2 cause des cancers car elle ‘n’émet que 1% de la radioactivité naturelle’.

Quelques précisions : La radioactivité naturelle n’a strictement rien à voir avec ce qu’émettent les centrales : Des centaines de radionucléides émis par une centrale, une dizaine seulement se retrouve dans la radioactivité naturelle. Par exemple, le césium, le strontium, le plutonium l’iode radioactif ne font pas partie des émissions ‘naturelles’. On ne peut absolument pas mettre tout cela dans le même panier : Ils affectent souvent les organes de façon très spécifique : le système sanguin, le poumon, l’os, ou la thyroïde. Mais le problème le plus grave est certainement le tritium qui s’intègre à toutes les cellules, particulièrement celles en développement rapide.

Par ailleurs, lorsque l’on parle de 1% de la radioactivité naturelle sur un territoire donné, on obtient ceci en supposant que le tritium libéré dans l’environnement est réparti uniformément sur le territoire (souvent de 1000 km carré). Ceci est totalement faux : Des mesures de plusieurs milliers de becquerels/L dans l’eau ont été faites à proximité de G2 (2000-3000). Et le niveau est évidemment de plus en plus bas en allant en aval.

3. Le tritium

Le tritium est un radionucléide particulièrement dangereux car il attaque les cellules en développement rapide. Son effet radiobiologique est probablement supérieur à 3, ce qui signifie qu’à rayonnement égal au rayon X ou gamma, il est 3 fois plus dangereux. Le tritium naturel dans l’eau se retrouve à 2Bq/L. La grande commission ontarienne ODWAC sur l’eau potable a conclu il y a quelques années que la valeur maximale de tritium acceptable devrait être de 20Bq/L au maximum car ceci correspond à la toxicité maximale tolérée pour d’autres agresseurs dans l’environnement (ce n’est donc même pas une valeur absolument sécuritaire). Or au Canada on tolère jusqu’à 7000Bq/L. Valeur totalement inacceptable. Même à 15Beq/L, on est bien au dessus de la radioactivité naturelle’ du tritium.

Les valeurs de tritium dans l’air et les aliments sont 10 fois plus élevés autour d’une centrale CANDU (à moins de 5-10km) qu’à plus de 10 km. Ceci a aussi été mesuré à G2.

4. La position de la santé publique

Selon nous leur position est indéfendable pour plusieurs raisons :

* Pour les données mesurées dans l’environnement, pourquoi la Santé Publique se fie telle sur les chiffres de Hydro-Québec et de la CCSN ? Elle devrait être totalement indépendante et faire ses propres mesures afin de s’assurer de protéger la population adéquatement, et ne pas se fier simplement sur les chiffres du promoteur.

* Pourquoi la Santé Publique ne demande pas une révision des normes du tritium dans l’eau connaissant les recommandations de la commission ODWAC publiées maintenant il y a plusieurs années ?

* Pourquoi la Santé Publique affirme qu’il n’y a pas d’augmentation des leucémies quand ceci a été clairement rapporté pour la période 2000-2004 ?

* Comment la Santé Publique peut affirmer qu’il n’y a absolument pas de risques pour la santé tout en connaissant les résultats inquiétants des grandes études ?

* Pourquoi la Santé Publique continue de colporter la valeur du 1% que l’industrie ramène sans cesse alors que les connaissances et les impacts variables des différents radionucléides sont bien connus ?

Si la Santé Publique est si certaine de son point de vue, alors je propose qu’elle émette immédiatement un Communiqué de Presse en affirmant qu’il n’y a pas de risques pour la santé à demeurer à moins de 10km de G2, et tout particulièrement pour les femmes en âge de procréer et pour les enfants de moins de 10 ans. Qu’elle y écrive aussi que la population peut s’alimenter sans aucun risque avec les légumes cultivés à moins de 5 km de G2 et qu’elle peut boire le lait issu des vaches qui sont dans un périmètre de 5km de G2.

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