Édition du 19 novembre 2024

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Israël - Palestine

Génocide à Gaza : simple tolérance de l’Occident ou entière collaboration ?

Il y a quelques minutes, j’apprenais qu’hier, 26 octobre, Israël avait de nouveau tué de dizaines de Palestiniens à Gaza. Cette fois, elle faisait 70 victimes, la plupart, comme c’est le cas depuis un an, enfants et femmes !

Ovide Bastien

Au cours des trois dernières semaines, Israël a tué plus de 1 000 Palestiniens et Palestiniennes au nord de Gaza, tout en privant systématiquement 400 000 Gazaouis de cette région de nourriture, d’eau et de soins médicaux. La plupart de ces derniers doivent se débrouiller tant bien que mal avec des habitations de fortune, leurs maisons ayant été détruites par les forces de défense israéliennes.

C’est évident qu’Israël, en semant de façon systématique mort et famine, cherche à effrayer la population afin que celle-ci quitte en masse cette région.

Au début octobre, se tenait, à l’extérieur de la bande de Gaza une conférence intitulée « Préparer le repeuplement de Gaza », à laquelle assistaient de centaines d’Israéliens. Son objectif : décider de ce qu’on allait faire de Gaza et de ses habitants une fois la guerre terminée. Alors que retentissaient au loin des tirs d’artillerie, une jeune Israélienne suggérait : «  Nous devrions tuer tous les Gazaouis ». Se montrant un peu plus raisonnable, le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, commentait : « Nous devrions encourager tous les Gazaouis de quitter volontairement, leur offrir la possibilité de s’installer dans d’autres pays. Car cette terre, en fin de compte, nous appartient  ».
L’encouragement dont parle Ben-Gvir n’est pas du tout subtil. Car il se traduit par :

• Frappes aériennes incessantes occasionnant des massacres ; plus de 43 000 morts à Gaza jusqu’à maintenant et plus de 101 000 blessés ;
• Doubles frappes, c’est-à-dire l’envoi d’une deuxième frappe pour éliminer ceux et celles qui se sont rassemblés pour venir secourir les victimes des premières frappes ;
• Ciblage d’enfants avec des drones ;
• Empêcher les approvisionnements afin de créer des conditions de famine ;
• Ordonner aux équipes médicales et de défense civile de quitter le camp de réfugiés de Jabalia ;
• Brûler des patients vifs dans des lits d’hôpitaux, comme ce fut le cas pour Sha’ban al-Dalou, dont la perfusion était encore reliée à son bras ;
• Qualifier de « terroristes » plusieurs reporters d’Al Jazeera encore courageusement présents dans la région, et dont les reportages noircissent énormément l’image internationale d’Israël.

Si lectrices et lecteurs trouvent un peu extrême une telle stratégie ‘d’encouragement’, on doit leur rappeler que celle-ci ne fait que refléter celle mise en pratique, et ceci, depuis fort longtemps, dans les territoires occupés que sont la Cisjordanie et Jérusalem-est. De colons juifs fanatiques expulsent violemment de leurs terres ancestrales Palestiniens et Palestiniennes, et ceci avec la totale complicité du gouvernement israélien.

En septembre dernier, le professeur Uzi Rabi, directeur du centre Moshe Dayan de l’université de Tel-Aviv, déclarait, lors d’une interview radiophonique, qu’il espérait que « toute la population civile de Gaza serait retirée du nord et que ceux qui refuseraient de quitter seraient légalement condamnés comme terroristes et soumis à un processus de famine ou d’extermination ». Ces propos s’inscrivent dans le droit fil du « plan des généraux », une proposition faite au gouvernement israélien début octobre par un certain nombre de généraux à la retraite. Selon ce plan, on donnerait aux Palestiniens quelques jours pour quitter le nord de Gaza, puis on déclarerait cette zone militaire. Enfin, on tuerait et affamerait ceux qui refuseraient de quitter.

Quand cette folie, ce massacre pur et simple de Palestiniens, qui sont devenus des réfugiés il y a des décennies à cause de la mainmise massive d’Israël sur leurs terres ancestrales, prendra-t-elle fin ? Quand cesserons-nous de regarder ces nouvelles, ce nettoyage ethnique, voire ce génocide, comme si on nous annonçait simplement que le temps est nuageux ? Quand la communauté internationale mettra-t-elle enfin son pied à terre ? Quand les États-Unis, alliés indéfectibles d’Israël, ainsi que les autres alliés européens d’Israël, décideront-ils que trop c’est trop ? Quand mettront-ils fin à leur incroyable hypocrisie ? Quand cesseront-ils de nous raconter toutes ces histoires d’un ordre fondé sur des règles, de droits humains, de compassion humaine, alors que leurs gestes concrets quotidiens démontrent on ne peut plus clairement qu’ils se fichent éperdument de toutes ces valeurs ? Alors qu’ils ignorent tous les cris des manifestants à travers le monde et toutes les condamnations des organisations internationales ? Alors que nous voyons parfois des enfants palestiniens portant sur leur dos leurs frères et sœurs blessés, et que le Knesset, le parlement israélien, s’apprête à approuver une motion bannissant l’UNRA de Gaza et de la Cisjordanie, cette organisation des Nations Unies qui offre, depuis des décennies, l’aide la plus massive et la plus importante aux centaines de milliers de réfugiés palestiniens ?

Une enquête menée par l’agence de surveillance et de vérification Sanad d’Al Jazeera, dont le rapport fut publié récemment dans l’émission Inside Story de cette chaine de télévision, nous aide peut-être à comprendre la source de l’inaction et du silence de la communauté internationale. Car elle révèle que l’Occident fait plus que tolérer hypocritement ce que la Cour internationale de justice considère comme un génocide plausible à Gaza. Elle démontre on ne peut plus clairement que l’Occident participe massivement, sur le plan militaire, à ce génocide.

On sait qu’Israël se targue d’avoir l’armée la plus morale du monde. Qu’elle est extrêmement fière de sa capacité militaire, qui est non seulement immense mais aussi, à bien des égards, à la fine pointe de la technologie militaire mondiale. Cependant, aurait-elle pu mener une campagne de bombardement aussi prolongée et implacable à Gaza depuis plus d’un an, et maintenant au Liban ces dernières semaines, si elle n’avait pas pu compter sur l’immense coopération de l’Occident, et en premier lieu des États-Unis et du Royaume-Uni ?

L’agence de surveillance et de vérification Sanad d’Al Jazeera a utilisé des données de vol de source ouverte pour montrer l’ampleur de la participation américaine et britannique aux opérations militaires d’Israël entre octobre 2023 et octobre 2024. Ces données font état de plus de 6 000 vols militaires au-dessus de la région en un an, dont de centaines de missions de transport d’armes à destination d’Israël.

Est fort révélateur le fait qu’Israël n’aurait effectué que 20 % des 1 600 missions de reconnaissance enregistrées, alors que le Royaume-Uni, lui, en aurait effectué près de la moitié.

Le rapport de Sanad révèle aussi l’ampleur du pont aérien occidental construit pour Israël. En l’espace d’un an, plus de 1 200 vols de fret militaire ont été effectués. Plusieurs bases européennes ont été utilisées, avec de centaines de vols en provenance du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie, de Chypre et de la Grèce.

C’est ce pont aérien, affirme le rapport, ainsi que le grand nombre de vols de surveillance et de ravitaillement en vol, qui ont permis à Israël de mener une si longue, incessante et brutale guerre à Gaza et qui l’aide présentement à étendre ses opérations au Liban, et parfois ailleurs au Moyen-Orient.

L’incapacité de l’Occident - en particulier celle des États-Unis et du Royaume-Uni - à mettre le holà à Israël ne proviendrait donc pas du simple fait que l’Occident est profondément hypocrite, tolère ce qui est intolérable, et manque de courage et de force morale. Elle proviendrait plutôt du fait que l’assaut génocidaire en cours n’est pas seulement celui d’Israël. Dans une large mesure, il est carrément celui de l’Occident lui-même.

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