Ce matin, je grogne. J’ai grogné devant le nouveau tronçon de l’autoroute (inutile) qui n’en finit pas de se construire et de défigurer notre mini ceinture verte. En passant devant l’université j’ai grogné style pirate à cause des coupures. Chum a levé un sourcil. Rien qu’un. On s’habitue à la longue. En passant devant l’école que devait fréquenter mon fils et où il n’a pas pu aller (on l’a su la veille de la rentrée) pour cause de surplus d’élèves, j’ai encore grogné un coup. Devant la Caisse Populaire, qui pousse les gouvernements vers l’austérité avec des airs de ne pas y toucher, mon grognement tenait plus du cri d’exaspération.
Chum se fendait la gueule. Poste de police, répression 2012, quotas de tickets, re-grognement, locaux d’une association pour personnes handicapées, un pirate m’habite. À la garderie où allait le plus jeune, il a été petit et triste, le grognement. C.L.S.C., coupures en santé, je hurle ! Chum pleure de rire. De tout le trajet, je n’ai pas dit un mot. J’ai émis toutes les variations possibles de… grognements.
J’arrive enfin au boulot. À l’école. Mon école. Normalement, que je marche, que je sois en bus ou en auto, je la vois, je souris. C’est chez moi. Pas ce matin. Je sais que des gens ont peur de perdre leur boulot. Je sais que les coupures ONT un impact sur les élèves. Je grogne une dernière fois.
Et je pense en riant (jaune) que le problème ce n’est pas mon trajet. Le problème, c’est la destination. La destination que prennent les sommes faramineuses qui partent des impôts, des impôts que nous payons, pour aboutir dans les poches des amis du pouvoir. La destination idéologique où ce gouvernement nous entraîne, à coup de « Nous n’avons pas les moyens » de « Il n’y a pas un enfant qui va mourir de ça, vers un monde de plus en plus compétitif et laissant de moins en moins de place, à l’humain, humain comme dans valeurs humaines.
Puis, en ouvrant la porte, je reçois en plein cœur un bonjour et un sourire tout plein de dents. Et ça me passe. Jusqu’à la prochaine fois.
« Quand tu refuses de regarder quelqu’un, tu refuses son existence. En 24 ans, je me suis toujours trompé sur eux. Celui que je pense qui est au bout de ses limites, en fait, il est au bout des miennes. » Dan Bigras