Ce qu’ils veulent : rhabiller le capitalisme
Partie des États-Unis, la « crise du siècle » s’est accélérée depuis un an, suite à la faillite de Lehman Brothers.
Enfin de l’action publique ! Oui, mais au service des banquiers...
Non seulement les banques ont été sauvées de la faillite par de l’argent public, mais elles l’ont utilisé pour reconstituer leurs profits et continuer leurs opérations spéculatives, préparant ainsi la prochaine bulle. Pire, elles prévoient de verser des bonus faramineux à leurs traders.
Des listes de paradis fiscaux ont été établies et de maigres engagements ont été demandés à ceux-ci pour en sortir. Mais, loin de supprimer les paradis fiscaux, les critères retenus par l’OCDE ne font que légitimer leur existence.
Depuis la rentrée, les gouvernements s’agitent sur la question de la rémunération des traders, après que certaines banques ont été obligées de dévoiler la part de leurs bénéfices qu’elles comptaient allouer en fin d’année à leurs traders (1 milliard pour BNP Paribas, 11,3 milliards pour Goldman Sachs). Si en effet le système de rémunération des traders est un scandale, le cœur du problème n’est pas simplement là, mais dans le fait que les banques et le secteur financier engrangent suffisamment de profits pour attribuer de telles rémunérations à leurs traders et actionnaires, profits qui se font sur le dos des usagers et des salariés.
Ce que nous voulons : dégonfler la finance pour désarmer le capitalisme
Adair Tuner, à la tête du FSA, l’autorité britannique des marchés financiers, a déclaré récemment que la plupart des transactions de la place financière de Londres sont « socialement inutiles » (AFP, 27/08/09). Qu’un ancien responsable du Medef britannique en vienne à dénoncer « la dérégulation financière caricaturale » et à demander de « réduire la taille de ce secteur » révèle le trouble qui s’installe face au comportement des banques.
Il faut en finir avec des activités financières qui sont « socialement inutiles », parce qu’elles ont des conséquences dramatiques sur la vie des populations : c’est la leçon de la crise actuelle, que devraient retenir tous les dirigeants du monde : il est temps que ces derniers se fixent pour objectif non pas de sauver la finance, mais de la désarmer complètement.
Cela fait plus de dix ans qu’Attac démontre que la dérégulation des marchés financiers est au cœur du problème de nos société modernes.
Attac, à l’occasion du G20, propose dix mesures pour remettre la finance à sa place et nous engager réellement vers une sortie durable de la crise.
Si le G20 de Pittsburgh voulait vraiment une réponse solidaire, écologique et démocratique à la crise : les dix mesures à prendre d’urgence pour désarmer les marchés financiers
Instaurer des taxes globales
Ces taxes seraient appliquées aux transactions financières, aux profits des multinationales et à la consommation d’énergie. S’appuyant sur des données reconnues, Attac chiffre à 1 500 milliards de dollars par an les fonds qui pourraient être levés grâce à ces taxes. Ces fonds serviraient à financer l’aide au développement, la préservation des biens publics mondiaux, la reconversion de l’économie vers un modèle soutenable pour la planète et la création d’emplois socialement et écologiquement utiles.
S’attaquer aux paradis fiscaux
De véritables sanctions contre les banques, les entreprises et les États non coopératifs doivent être mises en œuvre, ainsi qu’une aide à la reconversion pour les territoires qui s’engageraient à mettre fin à leurs pratiques occultes. Cela passe par exemple par une harmonisation fiscale au plan européen.
Mettre à bas la folie des « innovations financières »
Les hedge funds sont des fonds spéculatifs massivement implantés dans les paradis fiscaux. Échappant à toute régulation, ils ne servent à rien, sinon à enrichir quelques grandes fortunes abritées aux îles Caïmans et à augmenter l’instabilité des marchés financiers. Ils doivent être supprimés. Quant aux produits dérivés et à la titrisation, leur utilisation doit être strictement encadrée.
Rétablir le contrôle sur les mouvements de capitaux
La mobilité des capitaux permet de spéculer librement entre les places financières, et de mettre en concurrence les pays de la planète, leurs travailleurs, leurs systèmes sociaux et fiscaux. Contrôler les capitaux par la fiscalité et par la réglementation est une œuvre de salut public. Tous les volets de libéralisation financière inclus dans les accords de libre-échange multilatéraux, régionaux et bilatéraux doivent être abrogés/révisés, en particulier ceux imposés par l’Union européenne aux pays émergents et en développement.
Sortir des marchés financiers le financement des retraites
Dans les pays qui ont choisi de financer leurs retraites par capitalisation, des millions de salariés ont vu partir en fumée leurs économies. Les fonds de pension comme les hedge funds ne servent qu’à alimenter les bulles spéculatives et doivent disparaître.
Instaurer une fourchette maximale de revenus, supprimer les stock-options et les bonus
Aujourd’hui, un dirigeant d’entreprise gagne en moyenne 400 fois le SMIC. Lier la rémunération des dirigeants et des traders aux profits, par l’intermédiaire de bonus et de stock-options, entraîne une gestion à court terme des entreprises. Attac propose de fixer des taux d’imposition prohibitifs sur les hauts revenus pour aboutir à un écart maximum de 1 à 5 entre les plus bas et les plus hauts revenus.
Créer un pôle bancaire public
On ne peut pas demander aux citoyens de financer le sauvetage des banques sans contreparties. Le secteur privé a déjà démontré son incapacité à gérer ces biens publics que sont le crédit et la monnaie. Cela exige dans toutes les régions du monde, et notamment à l’échelle européenne, la création d’un secteur bancaire et financier public, contrôlé démocratiquement, et cela de manière permanente et non transitoire.
Interdire la spéculation sur les matières premières
À commencer par l’énergie et les denrées agricoles, en organisant une régulation publique des prix. Les matières premières sont des ressources trop rares et précieuses pour être laissées à la seule loi du marché. Nous ne pouvons tolérer que perdurent les conditions de nouvelles émeutes de la faim comme celles de 2008. Cela nécessite de pouvoir garantir des prix rémunérateurs aux paysans du monde.
Annuler la dette des pays pauvres
La charge de la dette des pays en développement est supérieure à l’aide publique au développement. Cette dette pèse lourd sur les pays pauvres. C’est une arme aux mains des pays riches qu’il faut supprimer. Cette annulation doit s’accompagner d’un nouvel accord international prévoyant des mécanismes justes de réendettement et de traitement de la dette qui écartent tout recours aux marchés financiers, notamment la titrisation des créances.
Une fois mises en œuvre les neuf mesures précédentes, le G20, satisfait du devoir accompli, prononcerait la transformation du G20 en G192. Le G192, soit l’ONU réformée et démocratisée, aurait en effet plus de chances d’apporter à la crise mondiale une réponse donnant satisfaction non pas aux gouvernements de quelques pays riches, mais à l’ensemble de ses États membres.
Attac France,
Montreuil, le 18 septembre 2009