Édition du 17 décembre 2024

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Solidarité internationale

Honduras : Des questions pouvant servir à Monsieur Leprince

Quelle joie de voir enfin Monsieur Leprince à son poste ! Ça fait du bien d’avoir enfin des images du Honduras. Il aura fallu deux mois et demi avant que Radio-Canada envoie son meilleur journaliste sur place. Il était temps.

Une demande que je leur avais adressée dans une lettre ouverte, il y a plus de deux mois, le 3 juillet 2009 [1] :

Je disais :
« J’aimerais que Radio Canada produise un dossier sérieux sur le cas de la dictature qui veut s’implanter en Amérique centrale. J’aimerais aussi que Radio Canada envoie des reporters pour nous informer sur la situation au Honduras…

J’apprécierais que Radio Canada redevienne un chef de file dans la qualité de l’information. J’apprécierais que des journalistes de qualité et d’expérience comme Jean-Michel Leprince soient mis à contribution pour mieux nous informer. »

Il aura fallu plus de deux mois !

J’espère que Jean-Michel Leprince sera sur place un bon moment. Après tout, les journalistes couvrant l’Iran sont restés près d’un mois à Téhéran pour nous décrire les manifestations (parfois on aurait dit qu’ils les organisaient eux-mêmes).

Étrange qu’il ait fallu deux mois et demi avant de pouvoir avoir des images « radio canadiennes » de Tegucigalpa. (Comme si la démocratie au Honduras était moins importante que celle de l’Iran !)

Dans le reportage d’hier [2], il était intéressant de voir la foule de partisans de Zelaya.

Une image vaut mille mots.

Étrange que Monsieur Leprince ne puisse se prononcer sur un pourcentage approximatif du soutien de la population pour le Président Zelaya.

En Iran, on ne s’enfargeait pas dans les fleurs du tapis pour décréter que la quasi-totalité de la population était dans les rues pour réclamer du changement, comme si l’Iran s’était converti soudainement à la religion du libre marché et avait tourné le dos à l’islam !

Eh oui ! En Iran on nous disait clairement que la population était massivement contre Ahmadinejad.

Étrange comme il peut sembler compliquer pour monsieur Leprince de dire : "oui, effectivement, on constate un très fort appui pour le Président Zelaya".

Mais, bon…

Cela étant dit, j’ai été un brin déçu par le manque d’originalité dans les questions de Monsieur Leprince lors de ses rencontres avec Manuel Zelaya et le représentant de la dictature

Voilà donc une série de questions toutes simples, mais très ciblées que Monsieur Leprince aurait pu poser.

Tout d’abord, au Président Zelaya pour éclaircir la situation :

 Pourquoi vous a-t-on expulsé ?
 Quelle question vouliez-vous poser à la population ?
 Est-il constitutionnel de poser une telle question à la population ?
 Ceci n’était-il pas une manœuvre pour vous maintenir au pouvoir ?

Ensuite au représentant de la dictature, ledit "analyste politique", Juan Ramon Martinez :

 Pourquoi le Président Zelaya a-t-il été expulsé par les armes hors du pays ?
 Peut-on accorder de la crédibilité à votre gouvernement alors que 192 pays ont condamné votre prise du pouvoir ?
 Avez-vous la population derrière vous ?
 Zelaya avait-il l’appui de la population ?
 Quelle est la question que le Président Zelaya voulait poser lors du référendum du 28 juin ?
 Le résultat d’une telle consultation aurait-il pu modifier la constitution ?
 Comment voyez-vous la démocratie ?

Aussi des questions que Monsieur Leprince aurait pu poser à la population :

 Êtes-vous heureux que Manuel Zelaya ait été expulsé du pays ?
 Y a-t-il eu, selon vous, une sorte de censure des médias lors du renversement du Président Zelaya ?
 Avez-vous accès, comme les Iraniens, à twitter et à facebook ici au Honduras ?
 Vos lignes téléphoniques et vos cellulaires sont-ils demeurés fonctionnels lors des événements de juin dernier ?
 Auriez-vous aimé pouvoir vous prononcer lors de cette consultation qui était prévue le 28 juin ?

Des questions bien intéressantes.

Mais Monsieur Leprince s’est contenté de consolider le discours qui perdure depuis le 29 juin. C’est-à-dire :

 que le Président Zelaya a perdu la confiance de la population à cause de ses mauvaises (sic) fréquentations.
 que le Président Zelaya a été renversé et expulsé parce qu’il s’apprêtait à faire un geste anticonstitutionnel (Ce qui est totalement faux car rien dans la constitution n’interdit de consulter la population).
 que la dictature en place est un gouvernement "légitime" par intérim, de facto.
 que Zelaya refuse de négocier donc qu’il s’enlève lui-même la possibilité de revenir au pays.
 que la population est divisée.

Ce dernier point est aujourd’hui le plus fondamental.

Souvenez-vous de l’Iran où l’on nous faisait croire que la population était presque unanimement contre Ahmadinejad. Et regardez le Honduras où l’on vous dit que la population est divisée.

La population d’Amérique latine a toujours été divisée. Il y a toujours eu les extrêmement riches qui contrôlent tout et les indécemment pauvres qui ont peine à manger.

Les mêmes divisions sont toujours bien présentes. La chose qui a changé, c’est que la majorité pauvre commence à comprendre que par la solidarité et l’acharnement populaire (le 5e pouvoir), elle peut prendre ce qui lui revient de droit dans ce que l’on appelle "la démocratie".

Lorsque Jean-Michel Leprince dit : « il est bien difficile de dire quel est le pourcentage d’appui au Président Zelaya, il fait un brin d’hypocrisie.

Il aurait été très facile de savoir quel est le pourcentage de la population qui appuie Zelaya, il aurait tout simplement fallu laisser se faire cette consultation populaire.

Le verdict aurait été clair.

Malgré tout, le verdict est tout aussi clair. Zelaya a une majorité en sa faveur. Si tel n’était pas le cas, on aurait laissé faire le référendum et le tour aurait été joué.

Qu’on ait renversé Zelaya avant que celui-ci ne puisse prendre le pouls de la population démontre clairement que la population du Honduras voyait d’un bon œil les réformes effectuées par leur Président.

C’est clair et limpide comme de l’eau de roche.

Il est facile de constater que la population est majoritairement pour Zelaya. Vous rendez vous compte, sans aucun appui médiatique, sans twitter, sans facebook, sans acharnement mondial médiatique supportant le mouvement de contestation, celui-ci est toujours très actif. Quelle démonstration d’appui à ce Président "déchu" !

Monsieur Leprince donne l’impression de minimiser ce mouvement de contestation. On pourrait croire que ce n’est qu’un groupuscule de gogauche qui se promène avec des banderoles du Che, en toute liberté et sans courir de grands risques.

Ce mouvement démontre clairement que la population hondurienne est derrière leur Président que l’on a « déchu » par les armes.

Il est triste de constater que nos médias (entre autres Radio-Canada) qui ne dérougissaient pas en faveur du mouvement de contestation en Iran, ont si peu rapporté les faits ainsi que cette contestation quotidiennement de la population hondurienne dénonçant cette dictature. Le silence médiatique a permis à ces dictateurs de s’installer, de facto, confortablement au pouvoir.

La neutralité journalistique en Iran était moins "évidente".

Quand donc a-t-on été interviewer un représentant d’Ahmadinejad ?

J’espère que Monsieur Leprince ne sera pas rapatrié trop tôt (on a laissé pendant au moins un mois des reporters à Téhéran). Sa couverture sur place est très importante. Il y a tout le pays à scruter, si la dictature le lui permet, bien entendu.

Monsieur Leprince devrait nous faire le portrait de ces six familles dont nous parle le Président Zelaya. Ce serait un reportage très instructif.

Les familles Ferrari, Canahuati, Facussé, Fernández, Irías, Nasser, Micheletti, Kafie…

Juste pour avoir une idée des richesses de ces familles, prenons un seul de ces individus :

Rafael Ferrari,
Il est propriétaire des chaines télé telles que

Grupo Televicentro,
Canal 5,
Telecadena,
Telesistema,
MegaTV,
Multivisión,
Multidata,
Multifon,
Televicentro Online.

Des radios telles que :

Emisoras Unidas,
HRN,
Radio Norte,
Suave FM,
Rock n’ Pop,
Vox FM,
XY,
94 FM,
Radio Satélite,
Radio Caribe,
Radio Centro.

Des fast-food :

Burger King
Little Caesar’s
Church’s Chicken
Popeyes
Dunkin’ Donuts
Baskin Robbins
Pollo Campero
Chilli’s

Des organisations touristiques :

Fondo Hondureño de Inversión Turística (Bahía de Tela)

En partie propriétaire avec Arturo Corrales du groupe pétrolier Semeh.

Propriétaire des équipes de soccer : Olimpia et en partie le « Selección de Honduras »

On pourrait faire la liste tout aussi impressionnante des entreprises appartenant à Jorge Canahuati Larach.

Ou encore à Miguel Facussé Barjum.

Tous des gens intéressants à visiter, sans oublier l’évêque Oscar Andrés Rodriguez. Un homme d’église clef dans ce Coup d’État.

Serge Charbonneau

Québec


[1] Lettre ouverte à Radio Canada
http://www.vigile.net/Lettre-ouverte-a-Radio-Canada

[2] http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2009/RDI2/TelejournalSurRDI21H200909152100_6.asx&epr=true

Serge Charbonneau

De Québec

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