Les 3,3 milliards de dollars US qui manquent au Nigeria sont indispensables dans un pays où 110 millions de personnes vivent dans une extrême pauvreté et où plus de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable. Onze millions d’enfants ne sont pas scolarisés et 3,3 milliards de dollars représentent bien plus que le budget alloué par le gouvernement fédéral à l’éducation en 2015. Ce dernier représente 11,29 % du budget total, soit moins des 15 % du budget annuel alloués à l’éducation recommandés par l’UNESCO. Quinze enfants sur 100 meurent avant l’âge de cinq ans et ces 3,3 milliards de dollars représentent trois fois le budget alloué à la santé au Nigeria en 2015. Le Nigeria est la plus grande économie d’Afrique, le plus grand producteur de pétrole du continent et possède les réserves de gaz naturel les plus importantes en Afrique. Mais c’est un pays marqué par de grandes inégalités, où plus de 60 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Cet énorme allégement fiscal a été permis par une loi unique adoptée en 1990. Il s’agit d’un allégement fiscal en trois parties s’étendant de 1999 à 2012.
Tout d’abord, un congé fiscal classique de cinq ans accordé à la plupart des investisseurs au Nigeria. Puis, une extension exceptionnelle de cinq années a été accordée pour cet accord particulier. Et pour finir, les exonérations fiscales dont auraient dû bénéficier les investisseurs durant le congé fiscal ont été reconduites et ont exonéré les entreprises d’impôts pendant deux ans supplémentaires. L’extension du congé fiscal a représenté une perte de 2 milliards de dollars US de recettes fiscales et les exonérations reconduites, où le même impôt a été perdu à deux reprises, ont représenté une perte supplémentaire de 1,3 milliard de dollars US. Nous ne prenons pas en considération le manque à gagner durant les cinq premières années étant donné qu’il s’agit de l’allégement fiscal « normal ». Il est particulièrement pertinent de s’intéresser à l’impact financier de cet allégement fiscal sur le Nigeria car un projet de loi visant à modifier la Loi relative à l’impôt sur des sociétés de 2004 (Companies Income Tax Act) du pays a été proposé. Cette nouvelle législation fiscale permettrait à plus d’entreprises de bénéficier d’un congé fiscal de 10 ans au Nigeria.
C’est un exemple parmi tant d’autres des incitations fiscales inutiles accordées aux investisseurs étrangers sur l’ensemble du continent africain. Un rapport précédent d’ActionAid a établi que ces incitations sous formes d’avantages fiscaux coûtent aux pays en développement au moins 138 milliards de dollars US chaque année. Bien que les institutions internationales telles que le Fonds Monétaire international (FMI) et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEAONU) soient préoccupées par cette course vers le bas en raison des incitations fiscales, il semble qu’il n’y ait toujours aucune réponse adéquate au niveau national et/ou régional.
Dans ce rapport, ActionAid encourage le Nigeria et les autres pays en développement riches en ressources à examiner leurs politiques d’incitations fiscales, à publier ces politiques et pratiques ainsi que toutes les communications avec les entreprises qui y sont liées, et à collaborer avec les autres pays afin de mettre fin à une concurrence fiscale régionale dangereuse et préjudiciable. ActionAid recommande aux entreprises internationales d’être transparentes quant à leurs finances et comptabilité, et notamment de rendre publiques toutes les informations relatives aux bénéfices, ventes, actifs, effectifs et paiement d’impôts aux gouvernements dans tous les pays dans lesquels elles opèrent (y compris les impôts non payés en raison d’allégements fiscaux).