Édition du 3 décembre 2024

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Europe

France - Dix mesures de rupture pour un autre monde

Le Nouveau Front populaire a mis en avant des mesures d’urgence. Ce programme minimum, nous le soutenons. Mais il reste limité. Il le restera d’autant plus qu’il ne peut s’appliquer sans un grand mouvement social et l’auto-organisation de ceux qui produisent les richesses, les travailleurs·ses.

Revue L’Anticapitaliste n°159 (septembre 2024)

Par Antoine Larrache et Fabienne Dolet

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Photothèque Rouge / Copyright : Martin Noda / Hans Lucas.

Parmi les mesures avancées par le NFP, il y a l’augmentation du Smic de 1 400 à 1 600 euros net, l’abrogation des décrets d’application de la réforme des retraites de 2023 (mais pas de la loi…) et «  l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans   ». Il indique la nécessité d’indexer les salaires sur l’inflation mais renvoie leur augmentation à une «  grande conférence sociale sur les salaires, l’emploi et l’inflation  », entre organisations des salarié·es et du patronat.

On trouve la fin de Parcoursup, la fin du service national universel (SNU)… mais on n’aborde ni l’augmentation des bourses et du nombre de boursiers, ni une allocation d’autonomie pour la jeunesse.

La neutralité carbone est visée pour 2050, les rénovations énergétiques sont encouragées mais le nucléaire est maintenu et on ne trouve aucune mesure contre les grandes entreprises de l’énergie, y compris les énergies fossiles… Des mesures d’accueil facilitées pour les migrant·es sont avancées, ainsi que le retour au droit du sol, mais on ne trouve ni mesure de régularisations massives des sans-papiers ni mesure pour l’égalité (ni au travail ni devant les urnes…).

On trouve enfin la convocation d’une assemblée constituante pour rompre avec la 5e République.

Un programme unifiant pour la classe

Ce programme est un outil pour défendre les droits des classes populaires remis en cause depuis 15 ans, et de façon accélérée et violente, face à Macron et à l’extrême droite… mais il n’apporte pas vraiment de solution à la crise du capitalisme et à ses conséquences désastreuses.

On voit mal comment sortir de la crise écologique sans réquisitionner les entreprises de l’énergie – car le fonctionnement marchand pousse nécessairement à réduire les coûts, donc polluer, et augmenter les tarifs – et sans un plan radical de développement des transports collectifs. Il semble difficile de résoudre la crise sociale sans augmenter les salaires de 300 ou 400 euros, sans garantir un revenu minimum (pas seulement les salaires) autour de 1 800 voire 2 000 euros net. Pour ne prendre que quelques exemples. Le niveau d’affrontement avec le capital indiqué par le programme du NFP est trop faible pour résoudre les inégalités majeures qui se creusent, la crise écologique, sociale et démocratique.

Cependant, ce programme peut donner confiance à l’ensemble des classes populaires pour un affrontement avec le capital, avec toutes les conséquences positives que cela comporte  : cela mettrait un coup d’arrêt aux attaques de la bourgeoisie, cela homogénéiserait le prolétariat en défense de ses intérêts face à l’extrême droite.

En cela, ce programme est utile, malgré les énormités sur la «  police de proximité  », l’ambiguïté sur la recherche de «  la paix  » en Kanaky ou l’action pour «  la libération des otages détenus depuis les massacres terroristes du Hamas  », qui vient avant la libération des «  prisonniers politiques palestiniens  », reprenant ces terminologies et cet ordre de priorités…

Un programme doit être combiné à des objectifs de mobilisation

La grande faiblesse du programme du NFP est l’absence totale de travail à la mobilisation des classes populaires pour mettre en œuvre ce programme. Avec deux grandes illusions.

La première est qu’il serait possible d’appliquer ce programme, même minimal, sans affrontement avec les classes dominantes, et donc sans rapport de forces. On a vu avec les «  Manifs pour tous  » contre le mariage pour tous que, quand leurs positions sont menacées, les réactionnaires et les classes possédantes sont capables de se mobiliser, sans parler du Chili de 1973 ou des capacités de l’Union européenne, du FMI et des marchés de sanctionner la France si elle mettait en place le programme du NFP. Toute une série de transformations sociales ne passent pas par la seule voie législative ou juridique mais nécessitent une action par en bas, comme la lutte contre le racisme, le sexisme et les autres discriminations, qui sont profondément ancrées dans le système.

La seconde illusion tient au fait que le NFP n’a pas la majorité à l’Assemblée, ni dans la société, et que la mise en œuvre de ses mesures nécessite donc la construction de rapports de forces sociaux qui permettent de changer les rapports de forces politiques et d’imposer ces mesures à la classe dominante et aux couches réactionnaires. Mais ce n’est pas l’objet de cet article.

Les mesures de rupture avec le capitalisme que nous portons sont à la fois accessibles immédiatement mais posent le problème du rapport à la propriété privée – par des incursions dans les affaires de la bourgeoisie, au bénéfice de l’autogestion par les masses – et du rapport à l’État, au bénéfice d’une participation des masses qui remette en cause ce corps séparé de la société. La question du contrôle par en bas de toutes les dimensions de la société est une question décisive.

L’annulation de la dette publique, la saisie des banques privées

Une série de mesures nécessitent des investissements conséquents. Ceux-ci ne sont possibles qu’en empruntant, ce qui nécessite d’annuler la dette publique pour tous les pays qui le demandent, dont les banques se gavent depuis des décennies, et de réquisitionner les banques privées, qui rackettent les pauvres et les États du Sud global en empruntant à des taux bien plus bas qu’elle ne prêtent.


Dix mesures de rupture

1- Augmentation de tous les revenus de 300 euros net, SMIC à 2 000 euro nets et leur indexation sur l’inflation.

Nous voulons que les salaires, mais aussi les retraites, les allocations permettent de vivre correctement. En temps d’inflation, il faut protéger des augmentations des prix immédiatement. Cela sans effacer la nécessité de mesures de gratuité, dont les fonctions sont multiples, par exemple des transports, des premiers mètres cubes d’eau et des premiers kWh d’électricité.

2- Partage du temps de travail pour supprimer le chômage pour l’interdiction des licenciements

De plus en plus, le travail est partagé inéquitablement  : certains, et surtout certaines, enchaînent les emplois précaires et les périodes de chômage, pendant que d’autres se tuent à la tâche. Nous voulons donc que le temps de travail soit réparti, sans baisse des salaires, pour permettre à toustes de vivre correctement. Les gains de productivité le permettent. Nous voulons des emplois utiles à toute la société.

3- Pour l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, la retraite à 60 ans à 60 ans et la défense de la Sécu

Il faut imposer le retour à la retraite à 60 ans (55 pour les métiers pénibles) après 37,5 annuités de cotisation. Nous voulons également abroger la réforme de l’assurance chômage. Les éventuels besoins de financement de la Sécurité sociale doivent être compensés par des augmentations des cotisations patronales et il faut supprimer les exonérations de cotisations des entreprises. Contrairement à ce qui est prétendu, elles ne créent pas d’emplois mais contribuent à vider les caisses de la Sécu et de l’État (qui compense auprès de la Sécu une partie des exonérations). Les grands groupes pharmaceutiques doivent être réquisitionnés. Pour le 100 % Sécu pour la santé, les retraites et le chômage.

4- Pour la liberté de circulation et d’installation pour les migrant·es

Nous récusons l’idée que la France serait aux Français·es, la planète est à nous tou·tes. Ce pays est fait par tou·tes ceux et celles qui y vivent, s’y réfugient, y travaillent, y étudient. D’ailleurs, l’argument d’un soi-disant coût économique de l’immigration ne tient pas, les échanges, coopérations et immigrations apportent bien plus qu’elles ne coûtent, toutes les études le prouvent  ! Nous voulons donc la liberté de circulation et d’installation pour tou·tes les migrant·es, le droit de vote pour les étranger·es, qui paient des impôts, cotisent et donc doivent pouvoir décider de l’avenir de ce qui est aussi leur pays.

5- Pour l’arrêt du colonialisme, notamment le droit à l’autodétermination pour les Kanak

La France n’a pas à s’imposer dans des régions qui veulent conquérir leur autonomie démocratique et économique. Il faut donc respecter le droit à l’autodétermination des peuples colonisés, que ce soit en Kanaky, en Guyane ou ailleurs. Nous voulons donc le maintien du gel du corps électoral en Kanaky, car c’est aux autochtones de décider de l’avenir de leur pays colonisé par les Européen·es.

6- La rupture de toute relation avec Israël pour défendre les droits du peuple palestinien

L’État, les entreprises, les universités et les institutions françaises maintiennent des relations diplomatiques, économiques, culturelles avec un État qui pratique un génocide à Gaza et en Cisjordanie. Nous voulons que toutes ces relations soient prohibées immédiatement, afin d’exercer une pression maximale sur Israël. Les entreprises qui collaborent avec Israël doivent être réquisitionnées. Une aide matérielle, financière et politique à la Palestine et au peuple doit être mise en place, ainsi qu’aux réfugié·es.

7- Pour le désarmement de la police

Les violences policières et racistes se multiplient ces dernières années. La police n’a pas besoin d’être armée au quotidien, mais seulement face au grand banditisme ou au terrorisme, qui sont des opérations très particulières. La police doit être sous le contrôle de la population et, dans l’immédiat, des instances indépendantes doivent remplacer l’IGPN et l’IGGN, la justice doit être faite pour les victimes des violences policières et racistes.

8- Pour Une planification écologique radicale

Nous voulons supprimer les productions inutiles et socialiser le secteur de l’énergie pour une réduction massive de la consommation, la sortie des énergies fossiles et l’arrêt du nucléaire. Nous voulons l’expropriation des usines les plus polluantes pour les mettre sous contrôle des salarié·es et des populations locales, et mettre en place un moratoire sur les projets écocides (infrastructures autoroutières, entrepôts logistiques…)

9- Un plan d’embauche d’un million de personnes dans les services publics et la réquisition des logements vides

Les besoins sont criants dans l’éducation, la santé, les services de proximité qui doivent redevenir des services publics (poste et télécommunications, transports…).

Contre la marchandisation, imposons que les biens communs soient financés par toutes et tous par un impôt juste et progressif, sur les revenus et le patrimoine.

Le logement est un droit, pas une marchandise. Gel des loyers  ! Plafonnement des prix  ! Plan de construction massive de HLM. 

Le budget de la santé dépend de la défense et du renforcement de la Sécurité sociale, de l’augmentation des cotisations qui doivent découler mécaniquement des augmentations de salaires, du recul du chômage, et de l’augmentation des cotisations patronales.

10- L’annulation de la dette publique, la saisie des banques privées

Une série de mesures nécessitent des investissements conséquents. Ceux-ci ne sont possibles qu’en empruntant, ce qui nécessite d’annuler la dette publique pour tous les pays qui le demandent, dont les banques se gavent depuis des décennies, et de réquisitionner les banques privées, qui rackettent les pauvres et les États du Sud global en empruntant à des taux bien plus bas qu’elle ne prêtent.

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