Tiré de : L’Humanité, France, le mercredi 23 février 2022*
Par Cyprien Boganda
On le sait, les milliardaires ne sont pas les meilleurs amis du climat. Mais, le plus souvent, les critiques se limitent à leur mode de vie particulièrement polluant – utilisation de jets privés, de yachts, etc. Ainsi, on estime qu’en 2018, un milliardaire émettait en moyenne 8 190 tonnes de CO2 rien qu’en se déplaçant à travers la planète. Bernard Arnaud, PDG de LVMH, aurait ainsi émis 10 421 tonnes, alors que l’empreinte carbone d’un Français se situait aux alentours de 8 tonnes. Les chiffres sont choquants, mais parcellaires. Dans leur rapport, les ONG Oxfam et Greenpeace décident de s’intéresser à la partie immergée de l’iceberg, en tenant également compte des dégâts climatiques générés par le patrimoine financier des milliardaires, c’est-à-dire leur participation au capital de multinationales. Verdict : en un an, les émissions de gaz à effet de serre issues des participations de 63 milliardaires français dans leur « principale entreprise » ont atteint plus de 152 millions de tonnes de CO2… soit autant que les émissions de CO2 du patrimoine financier de près de la moitié des ménages français.
« Ce chiffre élevé reflète la réalité de la richesse des milliardaires, qui est notamment le résultat de la valorisation de leurs participations financières, écrivent les ONG. La valeur de ces actifs financiers a atteint des sommets pendant la crise sanitaire : à titre d’exemple, le 28 décembre 2021, l’indice CAC 40 a battu son record historique. Or, ces actifs sont souvent détenus dans des secteurs d’activité hautement carbonés. »
*Les ONG militent pour un impôt sur la fortune (ISF) climatique*
Parmi les milliardaires étudiés par Oxfam et Greenpeace, c’est Gérard Mulliez ( et sa famille ) qui décrocherait la palme du plus polluant. Fondateur du groupe Auchan, il détient aussi une vingtaine de grandes entreprises par l’intermédiaire de la structure Association familiale Mulliez, dont Kiabi, Decathlon, Boulanger et Flunch. La famille Mulliez pèserait donc 33 millions de tonnes de CO2. Le podium est complété par Rodolphe Saadé, fils du fondateur de l’armateur CMA CGM, et Emmanuel Besnier ( Lactalis ). Au total, ces trois super riches consommeraient presque autant que le quart des ménages français. « Notre ambition est de donner une lecture objective de la structure économique et sociale de la crise climatique, résume Clément Sénéchal, chargé de campagne climat de Greenpeace. Il ne suffit pas de calculer la consommation d’une tonne de CO2, il faut aussi tenir compte des conditions de sa production. C’est ce que nous essayons de faire avec ce rapport qui pointe les disparités au sein de la population française : les ultra-riches polluent beaucoup plus, il est donc normal de les mettre à contribution. »
Les ONG militent donc ( entre autres ) pour l’instauration d’un ISF climatique, c’est-à-dire un impôt sur la fortune intégrant une composante carbone : il suffirait pour cela d’associer une quantité de carbone aux différents avoirs des super riches, et de lui donner un prix en fonction des standards actuels. Selon le rapport, cet ISF, appliqué aux seuls milliardaires français, pourrait rapporter 6,8 milliards d’euros par an.
* https://www.humanite.fr/social-eco/co2/63-tres-riches-polluent-autant-que-50-des-menages-739306 <https://www.humanite.fr/social-eco/...>
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