Dans le contexte actuel, il faudrait que le gouvernement donne plus d’oxygène aux finances publiques que ce qui est prévu dans son plan de retour à l’équilibre budgétaire. La reprise économique demeure fragile. Certains de ses ressorts donnent des signes d’affaiblissement. C’est le cas de la construction résidentielle et des dépenses personnelles lourdement affectées par l’endettement croissant des ménages. Cela survient au moment où le plan de stimulation fédéral arrive à terme. En outre, l’appréciation du dollar canadien et la reprise qui tarde à s’enclencher aux États-Unis contribuent à la stagnation des exportations québécoises.
Invoquer le niveau d’endettement public pour justifier l’austérité budgétaire laisse sceptique. Le gros de l’accroissement de la dette, au cours de la dernière décennie, découle des investissements publics, auxquels correspondent des actifs. Par ailleurs, le Québec n’est pas confronté aux mêmes difficultés de financement que la Grèce ou l’Irlande. Bien au contraire. Son déficit budgétaire représentait à peine 1 % du PIB l’an dernier et il devrait s’établir à 1,5 % cette année. Quoi qu’en dise le gouvernement, la croissance économique demeure le meilleur moyen pour réduire le poids économique de la dette et c’est là-dessus qu’il devrait concentrer ses énergies.
Par ailleurs, vouloir réduire le taux de croissance des dépenses de programmes de 4,6 % en moyenne depuis 2003 à 2,2 % par année, comme le projette le gouvernement, entraînera forcément une dégradation importante des services publics. Pourtant, les mêmes besoins pressants se font sentir en ce qui a trait aux services à la petite enfance, aux personnes âgées, en matière d’investissements en éducation ainsi qu’au regard du financement public adéquat de la santé, des programmes sociaux et d’une fonction publique performante. Personne ne souhaite revivre les affres de la lutte contre le déficit des années 90.
Un meilleur partage des efforts
Voilà pourquoi nous croyons que les objectifs de dépenses de programmes doivent être relevés et que l’échéance du retour à l’équilibre budgétaire doit être repoussée au-delà de 2013-2014.
Le dernier budget a aussi changé la manière de prélever les revenus, notamment par un recours accru à la tarification. Le nouveau fonds pour le financement de la santé sert essentiellement à fournir un terreau fertile où pourront s’épanouir des modes de prélèvements différents de ceux du régime général d’imposition. Plus spécifiquement, c’est l’introduction d’une contribution uniforme de 200 $ par adulte, indépendamment du niveau de revenu, qui est visée. Le caractère régressif d’une telle mesure saute aux yeux. C’est pourquoi nous en demandons l’abolition.
Il est possible de réaliser des économies dans l’utilisation des fonds publics. Pour cela, il faudrait cesser de gonfler les coûts des contrats publics de construction, éviter les débours occasionnés par le recours excessif à la sous-traitance, à l’impartition, à la main-d’oeuvre indépendante, à la réalisation des projets en mode PPP et, de manière générale, à la privatisation des services publics qui engendrent des coûts supplémentaires pour l’État. Nous sommes convaincus qu’il est possible d’optimiser l’utilisation des fonds publics en s’appuyant davantage sur l’expertise interne. C’est pourquoi le gouvernement devrait renoncer à sa politique de non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite.
On peut aussi penser que des économies substantielles peuvent être réalisées sur les coûts des médicaments en agissant non seulement sur les prix, mais aussi sur les pratiques de prescription.
Dans l’optique d’un meilleur partage des efforts, nous suggérons également l’introduction d’un palier supplémentaire d’imposition sur le revenu des particuliers gagnant plus de 127 000 $. Les entreprises pourraient aussi être mises à contribution de diverses manières, par exemple par le resserrement des congés fiscaux, l’application d’un taux d’imposition minimum, le versement de redevances plus substantielles sur les ressources minières. À l’opposé, nous croyons que le gouvernement doit trouver d’autres solutions aux problèmes de financement des universités que l’augmentation des droits de scolarité, afin de préserver l’accessibilité et d’encourager les études.
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Les Membres de l’Alliance sociale
Ce texte a été signé par les membres de l’Alliance sociale : Michel Arsenault, Claudette Carbonneau, Réjean Parent, François Vaudreuil, Lucie Martineau, Dominique Verreault, Gilles Dussault, Louis-Philippe Savoie et Léo Bureau-Blouin.