Le gouvernement agit rapidement, très rapidement, et pour y arriver, « 90 % de l’effort » doit être fait du côté des dépenses, dit le ministre des Finances, Carlos Leitao. Pour y arriver, il faudra couper 2 milliards $ cette année et 6 milliards $ l’an prochain, en limitant la hausse des dépenses à 1,9 % cette année et à 1,3 % l’an prochain. Une telle compression ne peut se faire dans la douceur étant donné que les moyennes historiques des hausses de dépenses en santé et en éducation sont de 4 % et 3 %.
Déficit et dette publique : où en sommes-nous au juste ?
Si comme dans la plupart des pays, le Québec affiche un déficit depuis la grande récession de 2009, il n’a toutefois pas à rougir par rapport au reste du monde. En effet, son déficit représente aujourd’hui seulement 0,9 % du PIB (365,1 milliards $), soit un peu plus de 3 jours de revenu national. Comme le montre le tableau à droite, la situation est autrement plus précaire ailleurs dans le monde.
Il en va de même du côté de la dette, qu’on exagère trop souvent pour alarmer l’opinion publique. Et là, rien n’empêche les pires abus statistiques.
Pour grossir la dette du gouvernement, on prend souvent la dette brute en incluant toutes les dettes des sociétés d’État (Hydro-Québec, SAQ, etc.), des municipalités et des universités. On arrive ainsi à un montant dépassant 250 milliards $, soit 70 % du PIB. Or, pour évaluer la situation financière d’un gouvernement, les financiers tiennent toujours compte de ses actifs afin de connaître sa dette nette. Celle-ci est de 140 milliards $, soit à peine 32,9 % du PIB. Encore une fois, le Québec n’a pas à rougir, car sa dette nette est deux fois moins grande que celle du Japon et inférieure à celle de l’Allemagne, des États-Unis, du Royaume-Uni ou de la France.
Le retour à l’équilibre : comment et quand ?
En fait, la question n’est pas d’être d’accord ou non avec le retour à l’équilibre budgétaire, mais plutôt de déterminer comment et quand l’atteindre ? L’ancien Gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, disait en juin dernier que l’atteinte rapide de l’équilibre budgétaire n’était pas la bonne manière de renforcer l’économie. Il invitait les gouvernements à profiter des bas taux d’intérêt pour investir dans les infrastructures, lesquelles génèrent de la croissance économique, qui procure des revenus d’impôt au gouvernement. Comme le soulignait récemment le Nobel d’économie Joseph Stiglitz, l’austérité est un échec dans la période actuelle de ralentissement, car elle déprime davantage l’économie et diminue les revenus fiscaux du gouvernement, ce qui conduit à un cercle vicieux déficit-austérité. Il est donc absurde de miser seulement sur les baisses de dépenses publiques. On peut aussi augmenter les revenus en taxant davantage le capital financier, sans que cela n’affecte la croissance économique.
Alain Dumas, économiste
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