Édition du 12 novembre 2024

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Extrême-droite

Facal et Bock-Côté justifient l’extrême droite européenne

Un parti aux origines fascistes vient d’accéder au pouvoir en Italie. Un autre, issu du mouvement néonazi, est entré au gouvernement en Suède. Avant, il y avait déjà la Pologne et la Hongrie. Comment peut-on expliquer cette montée de la droite radicale en Europe ? Pour Mathieu Bock-Côté et Joseph Facal, la réponse est simple : c’est la faute à l’immigration. Et pour le prouver, on pose la question à un influenceur d’extrême droite.

29 septembre 2022 | tiré de pivot.quebec
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L’immigration serait responsable de la montée de l’extrême droite : une idée défendue par des influenceurs de la droite radicale.

Pour le chroniqueur de Québecor et ancien ministre péquiste Joseph Facal, la montée de l’extrême droite en Europe est la faute des immigrant·es. Il y en a beaucoup et en plus, ils ont une mauvaise attitude, écrit Facal dans une chronique publiée le 27 septembre.

« On échappe difficilement à l’impression que nombre d’immigrants demandent à la société d’accueil de s’adapter à eux », prétend le chroniqueur qui, il y a quelques mois, s’était retrouvé dans la tourmente pour avoir cité un ami noir imaginaire afin de réfuter l’existence du racisme systémique.

De son côté, le flamboyant essayiste expatrié Mathieu Bock-Côté voit dans la montée des droites radicales le désir des « peuples de demeurer eux-mêmes ». Lors de son émission du 24 septembre dernier sur la chaîne télévisée française de droite CNews, Bock-Côté se désole que les médias s’intéressent à cette droite radicale européenne « simplement pour la maudire et lui jeter un sort ».

Pivot a donc sorti son cahier de sortilèges pour jeter un œil sur cette extrême droite que nos chroniqueurs tentent de rendre présentable.

Un parti aux origines néonazies en Suède

Lors des élections suédoises du 11 septembre dernier, le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède (DS) a gagné 73 sièges. Il accède au pouvoir au sein d’une coalition qui regroupe quatre partis de droite. Fait marquant, les DS ont récolté 20 % des voix, faisant d’eux le deuxième parti au pays.

Le parti des DS a été fondé en 1988 à partir d’un mouvement appelé Vevara Sverige Svenskt (Gardons la Suède suédoise). Son premier dirigeant était un militant d’un parti ouvertement néonazi.

Après être parvenu à la direction du parti, le leader actuel Jimmie Åkesson a tenté de cultiver une image plus acceptable pour son parti farouchement anti-immigration.

Il a déjà déclaré que les personnes de confession musulmane étaient la « plus grande menace étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale ». Lors d’un débat récent, il a déclaré que si les étrangers ne trouvaient pas de travail, c’était parce qu’ils ne s’intégraient pas.

Pour Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, « de toutes les formations populistes xénophobes scandinaves, [le parti des DS] est d’ailleurs la plus radicale, la seule à avoir été fondée à partir d’éléments néofascistes, voire néonazis ».

Un parti à la généalogie fasciste en Italie

Une coalition de trois partis de droite vient de remporter les dernières élections en Italie. À sa tête, le parti Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) dirigé par Giorgia Meloni. Les deux autres partis de la coalition sont Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Lega (la Ligue) de Matteo Salvini.

Fratelli d’Italia a été fondé en 2012. Il affiche alors sa continuité avec le Movimento Sociale Italiano (MSI, Mouvement social italien), un courant néofasciste.

En campagne, Giorgia Meloni a déclaré que le « fascisme appartient à l’Histoire ». Dans une vidéo récente en français, facile à trouver sur YouTube, elle dit que la droite rejette les lois antijuives et l’anti-démocratie du mouvement fasciste historique.

Les logos de Fratelli d’Italia et du MSI

Pourtant, le parti cultive une certaine ambiguïté. Devant des partisans du parti néo-franquiste Vox, en Espagne, Meloni clame : « Oui à l’universalité de la Croix ! Non à la violence islamiste ! » La flamme tricolore, symbole du parti, reprend celui du MSI. Cette flamme a d’ailleurs été reprise aux couleurs de la France par le Front national de Jean-Marie Le Pen. Giorgia Meloni était aussi présente aux funérailles de la veuve du principal représentant du MSI et ancien combattant aux côtés de Mussolini.

Bock-Côté et son observateur pas tout à fait objectif

Dans sa récente chronique sur l’inquiétude populaire face à l’immigration, Joseph Facal écrivait qu’une « poignée de sociétés, dont le Québec, reçoit des quantités massives, inédites d’immigrants […] avec pour résultats que des citoyens nés ici voient se transformer sans leur consentement les quartiers où ils ont grandi, et finissent par se sentir des étrangers chez eux ».

Ces propos sont très semblables à ceux que l’on peut entendre lors de l’émission de Mathieu Bock-Côté sur CNews. L’animateur avait invité François Bousquet, essayiste et rédacteur en chef de la revue Éléments, afin qu’il explique l’émergence de la droite radicale en Europe. Bock-Côté décrit son invité comme un « observateur de ces droites, à la fois d’un point de vue intellectuel et politique ».

Pour François Bousquet, les pays où s’installe l’extrême droite ont une chose en commun : la question migratoire. Il trouve que « le cas suédois est fascinant, parce que c’est un laboratoire à ciel ouvert, un condensé, un précipité, d’un changement démographique, d’un changement de peuple ».

François Bousquet et Mathieu Bock-Côté, émission Face à Bock-Côté du 24 septembre 2022

Sur le site Web de la revue Éléments, on trouve un texte écrit par François Bousquet après la victoire de Giorgia Meloni en Italie. Après une introduction étrange où il évoque les seins de Mme Meloni, Bousquet affirme que cette victoire est un message « des peuples » aux élites de l’Union européenne et leurs « Pfizerdivisions de Big Pharma ». Pour Bousquet, les Italien·nes, « c’est le mur de l’argent qu’ils veulent abattre ; et un mur [pour arrêter] des migrants qu’ils veulent dresser. »

Le passé de Meloni au MSI ne l’impressionne guère : « Nécrophiles, [ceux qui rappellent les origines fascistes du parti] fouillent les poubelles de l’histoire et reviennent de leur traque, qui avec un poil de nez de Hitler, qui avec la dent creuse de Mussolini. »

Mais qui est François Bousquet ?

Loin d’un « observateur » neutre de la politique, comme le présente Bock-Côté, François Bousquet est une figure importante du mouvement de la Nouvelle Droite. Ce mouvement est né à la fin des années 1960 avec la création du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), un think tank cherchant à normaliser les idées fascisantes [voir encadré].

François Bousquet est le rédacteur en chef d’Éléments, la revue officielle du GRECE. Il a également relancé la Nouvelle Librairie en 2018. Cette librairie est située dans le Quartier latin, à Paris. Dans un article de L’Express, François Bousquet promettait une « guérilla culturelle » au cœur du Paris intellectuel.

Le lieu choisi pour cette librairie n’est pas anodin. Celui qui parlait de poubelles de l’histoire à choisi le local qui abritait la Nouvelle Librairie nationale, siège de la maison d’édition de l’Action française de Charles Maurras, un mouvement royaliste, xénophobe et collaborationniste. Par la suite, de 1925 à 1932, elle a abrité Le Faisceau, un parti fasciste français.

L’influenceur d’extrême droite invité par Mathieu Bock-Côté est également chroniqueur à TV Libertés. Cette Web télé d’extrême droite a été lancée par Philippe Milliau, un ancien du GRECE, ex-dirigeant du Bloc identitaire et ancien élu du Front National, ainsi que Gilles Arnaud, un ex-conseiller du Front national.

Sur cette chaîne de « réinformation », selon le terme prisé par l’extrême droite française, en janvier 2020, on peut voir Bousquet en entrevue avec Renaud Camus, le père de la fameuse théorie du « grand remplacement ». En introduction, François Bousquet lui demande à la blague comment il se sent d’être « l’inspirateur par télépathie des attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande ».

À l’émission Face à Bock-Côté, François Bousquet affirme que la montée de l’extrême droite est le fruit d’un « retournement du stigmate ». Selon lui, « les gens finissent par assumer ce statut de pestiféré ».

« Le gauchisme culturel a verrouillé, sanctuarisé, bunkerisé la question migratoire. Il a interdit d’en parler », ajoute-t-il. « Quand on n’est pas invisibilisé, on est diabolisé ou infériorisé », se plaint-il à Bock-Côté à heure de grande écoute.

Lorsque Joseph Facal affirme qu’« il y a véritablement une idéologie immigrationniste, pratiquement monopolistique dans nos médias et dans le système éducatif » ou quand Mathieu Bock-Côté écrit que les seuils d’immigration proposés par la CAQ sont eux aussi « suicidaires » et contribuent à une « noyade démographique », il faut croire que le GRECE a réussi son pari de diffuser ces idées d’extrême droite dans le discours « mainstream ».

LE GRECE À L’ASSAUT DE LA CULTURE

Ce mouvement d’extrême droite, dont Alain de Benoist, auteur et théoricien d’extrême droite, est la figure la plus connue, voulait s’éloigner des groupuscules militants pour influencer la culture. Il s’agit, pour le GRECE, de faire de la « métapolitique », ce qui consiste à transmettre ses idées pour qu’elles s’infiltrent dans l’idéologie dominante et qu’elles deviennent « mainstream ».

L’idée de délaisser l’activité politique pour se concentrer sur la culture et les milieux intellectuels vient de Dominique Venner, un personnage par ailleurs influent pour le groupe nationaliste révolutionnaire québécois Atalante. Cet intellectuel de droite et ancien membre de l’OAS (Organisation de l’armée secrète, une organisation terroriste d’extrême droite) s’est suicidé en 2013 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris pour protester contre la supposée disparition de la civilisation européenne.

Le GRECE prônait au début une forme de « racisme européen ». Il se distancie du christianisme en étant ouvert à une sorte de néopaganisme. Après avoir flirté avec les idées de suprématie de la race blanche, il prend un virage qui défend une forme de « racisme culturel ». Il n’y a plus de « race supérieure » : le GRECE va plutôt défendrele « différentialisme », ou l’opposition au métissage sous prétexte de la défense des cultures. À la race, on substitue l’idée d’identité.

En parallèle, le GRECE rejette la notion d’égalitarisme et plaide pour une forme de populisme de droite.

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