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Extinction des espèces : le « Giec de la biodiversité » pointe l’impact sur les plus pauvres

D’après les experts des Nations unies, 70 % des plus pauvres de la planète sont directement tributaires des plantes et des animaux sauvages pour vivre. L’accélération de la crise de la biodiversité, qui menace d’extinction un million d’espèces, met en péril ces contributions des écosystèmes aux besoins des plus précaires.

8 juillet 2022 | tiré de mediapart.fr

Après quatre années de travail mené par 85 expert·es et 200 auteur·es d’une cinquantaine de pays, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a rendu vendredi 8 juillet son nouveau rapport d’évaluation sur la biodiversité.

Dans cette étude, l’organisme intergouvernemental, considéré comme le « Giec de la biodiversité », s’est penché sur « la viabilité et les perspectives en matière d’utilisation durable des espèces sauvages [...] par les populations du monde entier ».

Premier fait saillant de ce rapport : 50 000 espèces sauvages répondent aux besoins matériels de milliards de personnes à travers le monde, que ce soit pour l’alimentation, l’énergie, la médecine ou encore les matériaux de construction.

« Plus de 10 000 espèces sauvages sont récoltées directement pour l’alimentation humaine, souligne le chercheur français à l’Ifremer Jean-Marc Fromentin, codirecteur de ce rapport. Les populations rurales des pays non industrialisés sont les plus susceptibles de recourir à des pratiques non durables, l’absence de solutions de substitution les contraignant souvent à exploiter davantage les espèces sauvages déjà menacées. »

Les scientifiques estiment par ailleurs que les espèces de champignons, d’algues et de plantes sauvages constituent des sources d’alimentation et de revenus pour une personne sur cinq à travers le globe.

« 70 % des populations pauvres de la planète dépendent directement des espèces sauvages », précise la géographe américaine et codirectrice de l’étude Marla R. Emery. Mais l’accélération de la crise mondiale de la biodiversité, qui met en péril d’extinction un million d’espèces de plantes et d’animaux, menace ces diverses ressources nécessaires aux personnes les plus précaires.

« Les pays du Sud ne sont pas les seuls à utiliser en abondance les espèces sauvages, poursuit la chercheuse. Du poisson que nous mangeons aux médicaments que nous prenons, en passant par les cosmétiques, la décoration et les loisirs, l’utilisation des espèces sauvages est beaucoup plus répandue que la plupart des gens ne le pensent. »

En effet, les activités non extractives liées à la biodiversité génèrent aussi des revenus. Pour exemple, chaque année, l’ensemble des aires protégées du monde reçoit en moyenne 8 milliards de visiteurs et visiteuses et génère 600 milliards de dollars dans le cadre du tourisme d’observation des espèces sauvages.

Un quart des forêts surexploitées

Autre point soulevé par cette étude : l’exploitation des forêts. Actuellement, un être humain sur trois – soit 2,4 milliards d’individus – est dépendant du bois en tant que combustible pour cuisiner.

La moitié du bois consommé dans le monde est exploité à des fins énergétiques. Et si le fait de brûler des arbres pour se chauffer ou cuisiner est globalement en recul, cette pratique est en augmentation en Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, plus d’un quart des forêts du monde entier sont surexploitées. Selon l’IPBES, les pratiques forestières industrielles compromettent la survie d’environ 12 % des espèces d’arbres sauvages. À cela s’ajoute également la « chasse non durable » dixit les expert·es, qui conduit au déclin des populations plus de 1 340 espèces de mammifères sauvages de grande taille – dont 669 espèces déjà considérées comme menacées.

Les auteur·es du rapport révèlent également que les peuples autochtones, tributaires de la pêche, de la chasse et de la cueillette dans leur quotidien, occupent 40 % des aires terrestres protégées, et ce dans 87 pays. L’IPBES indique qu’à l’échelle mondiale, la déforestation est généralement plus faible sur ces territoires où les pratiques de conservation de la biodiversité sont souvent intégrées aux savoirs locaux.

« L’utilisation durable des espèces sauvages est un élément central de l’identité et de l’existence de nombreux peuples autochtones et de communautés locales, explique Marla R. Emery. Leurs pratiques et leurs cultures sont variées, mais affichent des valeurs communes, dont l’obligation de traiter la nature avec respect, d’avoir un sens de la réciprocité, d’éviter le gaspillage, de gérer les récoltes et de d’assurer une distribution juste et équitable des contributions des espèces sauvages au bien-être de la communauté. »

En ce sens, l’IPBES appuie : « La collaboration entre les scientifiques et les peuples autochtones à des fins d’apprentissage réciproque renforcera l’utilisation durable des espèces sauvages. Cet aspect est particulièrement important étant donné que la plupart des cadres nationaux et des accords internationaux […] font peu de cas des contextes culturels. »

Trafic illégal

Si, selon ce rapport, les dérèglements climatiques, la pollution ou encore les espèces exotiques envahissantes font partie des principaux facteurs ayant le plus d’impact sur la biodiversité, l’institution scientifique onusienne insiste aussi sur le fait que le trafic mondial d’espèces sauvages s’est « considérablement développé en termes de volume, de valeur et de réseaux commerciaux au cours des quatre dernières décennies ».

Le commerce illicite de flore et de faune sauvages, notamment de bois et de poissons, générerait près de 200 milliards de dollars par an, et se classe au troisième rang des activités illégales, juste derrière le trafic de drogue et le trafic d’armes.

« Aux États-Unis, ce trafic brasse annuellement 23 milliards de dollars, remplissant les poches de quelques individus avides et sans scrupules qui s’enrichissent au détriment de la nature et des écosystèmes », pointe Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement.

En novembre 2022 se tiendra au Panama la 19e Conférence mondiale sur les espèces sauvages, avec des représentant·es de l’Union européenne et des 183 pays signataires la Convention sur le commerce international de la flore et la faune sauvages (Cites).

Un rendez-vous déjà qualifié de « crucial » car les États devront se prononcer sur des réglementations commerciales plus strictes pour six cents espèces menacées d’extinction.

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