Tiré du site de Human rights watch.
Le nouveau décret, en date du 6 mars 2017, interdit l’entrée aux États-Unis, pendant 90 jours, aux ressortissants de six pays à majorité musulmane, ainsi qu’à ceux en provenance d’une liste encore inconnue de pays qui ne fourniraient pas d’informations satisfaisantes pour la délivrance de visas et autres admissions pour leurs ressortissants. Bien qu’il réponde manifestement aux obstacles juridiques ayant entravé la mise en œuvre du décret du 27 janvier dernier, le nouveau texte affaiblit considérablement le programme américain en place pour les réfugiés et impose des interdictions générales fondées sur le critère de la nationalité sans déterminer l’existence des menaces réelles posées par tous les ressortissants de ces pays.
« Le nouveau décret de Trump sur les réfugiés sent le réchauffé », a déclaré Grace Meng, chercheuse senior auprès du Programme États-Unis à Human Rights Watch. « Au nom de la lutte antiterroriste, il fera des réfugiés des boucs émissaires, avec pour message que les musulmans ne sont pas les bienvenus aux États-Unis. Ce décret abandonnera à leur sort des dizaines de milliers de réfugiés se trouvant dans des situations précaires et renonce au leadership américain sur une question mondiale d’une importance vitale. »
Le nouveau décret ne peut se lire sans faire écho aux propos tenus par le président Trump, qui avait déjà annoncé lors de sa campagne électorale son intention d’interdire l’entrée aux États-Unis de musulmans en tant que groupe religieux. Affirmer que le décret actuel n’est « pas motivé par l’animosité envers une religion » ne suffit pas pour invalider ces déclarations passées.
Le nouveau décret suspend l’entrée aux États-Unis pour les ressortissants de six des sept pays à majorité musulmane listés dans le précédent décret –l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, le Syrie et le Yémen – en excluant seulement l’Iraq. Le décret stipule aussi que le gouvernement américain devra établir une liste de pays supplémentaires qui fourniraient des informations insuffisantes au sujet de leurs ressortissants aux États-Unis pour se prononcer sur l’octroi ou non d’un visa. Le texte précise que les résidents permanents, les titulaires de visas en cours, les personnes déjà admises en tant que réfugiés ou bénéficiant du droit d’asile, et les ressortissants ayant la double citoyenneté peuvent entrer aux États-Unis.
Le nouveau décret, comme le précédent, suspend, pendant 120 jours, l’entrée des réfugiés dans le cadre du programme de réinstallation en vigueur aux États-Unis et continue de restreindre le nombre de ceux admis en 2017, le faisant passer de 110 000 à 50 000. Bien que le décret ne mentionne plus explicitement les réfugiés syriens comme faisant l’objet d’une suspension indéfinie, l’inclusion des ressortissants syriens dans l’interdiction générale exclura encore de nombreuses personnes ayant le plus besoin de protection.
L’administration Trump a clairement indiqué que le nouveau décret a les mêmes objectifs que celui du 27 janvier. Comme le conseiller à la Maison Blanche Stephen Miller l’a déclaré le 21 février, le nouveau décret aura « le même résultat politique de base ».
Le décret révisé épargne les détenteurs de visas immigrants et non-immigrants. Il permet également aux personnels consulaires de délivrer des visas aux ressortissants des six pays visés s’ils estiment que ne pas le faire leur causerait « des difficultés excessives » et si ces individus ne présentent aucun risque sécuritaire. Ces exceptions limitées épargnent à certains individus les pires conséquences de l’interdiction, mais ne changent pas la réalité hideuse que ce décret inaugure : l’interdiction nuisible et inutile d’immigrer à des nationalités entières.
À une époque où il y a davantage de personnes déplacées à travers le monde qu’à n’importe quel moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la décision de l’administration Trump de réduire drastiquement le programme américain de réfugiés signe l’abandon du leadership de Washington sur cette question. Les procédures de vérification américaines sont déjà si vigoureuses que les réfugiés éligibles en provenance de Syrie, d’Iraq et d’ailleurs sont souvent exclus, a déclaré Human Rights Watch. Le décret rejette également l’appui bipartite de longue date au programme de réinstallation des réfugiés et compromet les engagements pris envers des alliés américains comme la Jordanie et le Kenya, qui accueillent eux-mêmes des centaines de milliers de réfugiés.
« Les gens viennent aux États-Unis pour diverses raisons : réfugiés fuyant la violence et la persécution ; travailleurs qualifiés contribuant à l’économie américaine ; étudiants venus faire des études supérieures ; familles se reformant », a déclaré Grace Meng. « Pour les individus concernés, ce décret met fin à de telles possibilités, qu’ils soient citoyens ou non ».
L’administration affirme que ces interdictions d’entrée sont nécessaires pour prévenir le terrorisme, mais le propre rapport du Département de la Sécurité intérieure a révélé que « le pays de citoyenneté n’est pas un indicateur fiable d’une activité terroriste potentielle ». Bien que ces interdictions soient temporaires, les exigences de partage imposées à certains pays pourraient effectivement entraîner une interdiction permanente de certaines nationalités, étant donné que ces pays ne souhaiteraient peut-être pas eux-mêmes les respecter.
En particulier, il est illogique et déraisonnable pour le gouvernement américain d’exiger de gouvernements étrangers responsables de persécutions à l’encontre un réfugié de fournir des informations fiables à son sujet.
« Le président Trump semble toujours croire qu’il est possible de déterminer qui est un terroriste en sachant de quel pays ils sont ressortissants », a déclaré Grace Meng. « Mettre en œuvre ce décret alimentera un sentiment de sécurité trompeur selon lequel de véritables mesures sont prises pour protéger les Américains contre des attaques, tout en remettant en cause le statut des États-Unis comme refuge pour ceux et celles qui sont en danger ».