Malgré cela, le racisme environnemental est une réalité dont on parle encore bien peu au Québec. « Maintenant, l’environnement est raciste ? » Non. Mais il importe d’analyser la convergence des injustices sociales et du racisme systémique.
Le racisme environnemental au Québec
Lorsque les pratiques et politiques en environnement favorisent une partie de la population au détriment des personnes racisées, on peut crier au racisme environnemental. En bref, il s’agit de dire que les personnes racisées dans le monde se trouvent exposés de façon plus importante aux dangers environnementaux et aux changements climatiques et en subissent davantage les conséquences. Ces personnes sont également particulièrement employées dans des secteurs dangereux pour leur sécurité et leur santé, comme le secteur minier. Au Québec, les Autochtones subissent particulièrement la pollution des mines.
Ce phénomène montre bien sûr les inégalités entre le Nord et le Sud, mais il est également présent au sein des sociétés occidentales En ce sens, il s’agit de mener une analyse politique des liens entre pauvreté, racisme systémique et vulnérabilités aux conséquences environnementales. Les personnes racisées, au Québec comme ailleurs, sont plus susceptibles d’être en situation de pauvreté et d’isolement. Cela est dû à plusieurs facteurs en lien avec le racisme systémique. Les personnes racisées ont plus de difficultés à accéder à l’emploi et aux ressources socio-économiques. Le Recensement de 2016 a révélé que 20,8 % des personnes de couleur ont un faible revenu comparativement à 12,2 % des personnes non racialisées. Le taux de pauvreté des enfants racialisés est le double de celui des enfants non racialisés (22,8 % c. 10,7 %). Les personnes racisées gagnent, en général, un moins bon salaire pour le même travail que les personnes non-racisées. Les femmes minoritaires au Québec gagnent environ 32 % moins que la norme pancanadienne Les hommes minoritaires 22,3% de moins que la moyenne que les hommes non-racisées canadiens1.Ils sont donc plus susceptibles d’être vulnérables aux répercussions des changements climatiques, comme les inondations ou les canicules. De plus, le racisme environnemental risque fortement de s’accentuer dans les prochaines années, alors que les changements climatiques se feront de plus en plus sentir à travers le monde.
Une réalité passée sous silence
Si les chiffres parlent d’eux-mêmes, pourquoi cette réalité est passée sous silence ? Pour prendre conscience et action en matière de racisme environnemental, il est d’abord essentiel de reconnaitre le racisme systémique québécois. Or, les évènements de 2020 dont le point de départ fut la mort de l’afro-américain George Floyd, puis récemment celle de Joyce Echaquan, nous ont malheureusement montré combien reconnaitre le racisme systémique était difficile pour les Québécois-es et leurs élu-es. Un bon exemple de cela est le texte de André Lamoureux et Michèle Sirois « Le racisme « systémique » québécois, une fabrication » publié le 18 avril dans La Presse +. Pensons aussi à François Legault qui déclarait en conférence de presse le 1er juin : « Je pense que la discrimination existe au Québec, mais il n’y a pas de discrimination systémique. Il n’y a pas de système de discrimination ».Si le racisme systémique n’existe pas, comment explique-t-on les résultats d’études comme celui de la Commission des droits de la personnes et des droits de la jeunesse : Pour un emploi non qualifié, les chances d’être convoqués à un entrevue sont de 46,4 % pour les personnes blanches et de 28,7 % pour les racisées. Dans les emplois qualifiés, 30,2 % de chance d’avoir un entretien pour les blancs contre 18,3 % pour les personnes racisées2.
La difficulté de s’avouer comme prenant part à un système tolérant le racisme au sein de ses institutions tient ses origines dans l’histoire et les questionnements identitaires du Québec. En effet, d’abord, les Québécois gardent une crainte de perdre leur identité, leurs valeurs et leur culture, alors que leur survie fut historiquement menacée au sein d’un Canada majoritairement anglophone et par une culture américaine hégémonique. De surcroit, les Québécois-es semblent encore nier que l’esclavagisme et les violences envers les personnes racisées, notamment les Noirs et les Premières Nations ont également été commis ici, le Québec a bien eu des esclaves, nombre de documents historiques et d’experts en témoignent3. Cette difficulté à assumer notre passé de colonisateur vient en partie du fait qu’il est difficile d’admettre qu’un peuple qui a subi les violences de la colonisation peut également les faire subir aux autres.
Reconnaitre le racisme systémique au Québec, c’est accepter de reconnaitre que nous n’avons pas seulement été victimes, mais également bourreaux et que les relations de pouvoir dont il était question à l’époque de la colonisation sont encore bien ancrées dans les institutions provinciales. Nous pouvons penser au profilage racial, particulièrement d’actualité (ce dernier a d’ailleurs été étudié et reconnu par le SPVM dans un rapport d’enquête sorti en octobre 2019).
Il devient urgent et d’actualité de reconnaitre nos fragilités identitaires et leurs conséquences dans le but de comprendre les fondements et les dangers du racisme environnemental et de permettre la mise en place de politiques concrètes pour s’y attaquer. Corriger ses propres erreurs permettrait au Québec de devenir un leader en matière de combat contre le racisme systémique.
NOTES
1. Voir, à ce sujet, l’étude de 2019 d’Alexis Martig : https://muse-jhu-edu.proxy.bibliotheques.uqam.ca/chapter/2455317
2.Pour consulter cette étude : http://www.cdpdj.qc.ca/publications/etude_testing_discrimination_emploi.pdf
3.Voir, par exemple, les écrits de Marcel Ttudel et les archives de la BANQ.
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