Le soir de l’élection générale du 2 juin 2022 en Ontario Doug Ford était triomphant. Il venait d’obtenir une victoire éclatante sur ses adversaires. Le nombre de députéEs progressistes-conservateurs venait subitement de passer à l’Assemblée législative de Queen’s Park de 76 à 83 sur 124. Pas mal me direz-vous. Attention, ne sautons pas si vite aux conclusions. Il y a ici un arbre qui cache la forêt.
Doug Ford : un colosse aux pieds d’argile
Ce sont 10 760 433 d’Ontarien.ne.s qui avaient le droit de vote jeudi dernier. Le taux de participation s’est élevé à 43,52%. Une majorité des électeurs et des électrices se sont tout simplement abstenuEs. Le Parti progressiste-conservateur a récolté 1 912 651 bulletins de vote en sa faveur. C’est moins que 20% du total des électrices et des électeurs inscritEs. Avec un tel pourcentage d’appui au sein de l’électorat, nous pouvons affirmer que Doug Ford est un colosse aux pieds d’argile. 4 électeurs et électrices sur 5 ne lui ont pas accordé leur vote. C’est énorme comme taux de désapprobation. Rien n’empêche, le premier ministre Ford, reconduit pour un nouveau mandat de cinq ans, exultait de joie le soir du 2 juin 2022.
Une nouvelle catégorie d’analyse : l’apathie de la majorité
Le résultat de cette élection générale nous oblige à inclure un nouvel élément dans notre analyse des résultats électoraux : l’apathie de la majorité. Manifestement, il semble y avoir un désintérêt de la majorité - majorité absolue dans le cas présent - de la population pour le renouvellement des membres de la classe politique dans la province la plus peuplée du Canada. Qui peut se réjouir d’un tel manque d’intérêt sinon que celles et ceux qui vont profiter le plus de la vision économique productiviste dépassée de Doug Ford ? Poser la question, c’est y répondre.
Dans les démocraties occidentales, les dirigeantEs ne pratiquent pas le développement du goût du peuple pour l’intérêt général. Il s’agit plutôt de renforcer leur désintérêt pour la chose publique et confier le tout entre les mains des personnes qui s’y connaissent en matière d’organisation électorale. Bref, la démocratie ne correspond pas vraiment à la définition proposée par Abraham Lincoln : « Un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple… »
L’élection : une question de séduction et de dissuasion
Le peuple ne peut, en démocratie occidentale, qu’aller voter et, à la lumière du taux de participation enregistré jeudi dernier en Ontario, aller voter le moins possible… Il semble donc appartenir à une poignée d’individus qui s’y connaissent en matière d’organisation électorale pour décider de celles et ceux qui seront éluEs à l’issue d’une lutte politique concurrentielle portant sur la répartition et la division des votes d’une frange minoritaire de l’électorat.
La démocratie libérale repose de plus en plus sur le mode de fonctionnement qui s’appuie sur la séduction d’une minorité de l’électorat et la dissuasion à aller voter du plus grand nombre. Et c’est ainsi qu’en démocratie occidentale se renouvelle le personnel politique qui incarne et assure le pouvoir d’une minorité, au détriment de la majorité…
Yvan Perrier
8 juin 2022
6h45
yvan_perrier@hotmail.com
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