Édition du 18 juin 2024

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Europe

Élections européennes : les candidats s’écharpent sur la « décroissance »

Lors du débat sur l’écologie des candidats aux élections européennes, les échanges ont largement porté sur l’agriculture. Les arguments des candidats de gauche se sont heurtés aux dénigrements de la droite et l’extrême droite.

15 mars 2024 | tiré du site reporterre.info
https://reporterre.net/Elections-europeennes-les-candidats-s-echarpent-sur-la-decroissance

Coup d’envoi de la campagne des élections européennes. Le 14 mars, en fin de journée, huit représentants des principales listes ont débattu devant les caméras de Public Sénat. Dans moins de trois mois, le dimanche 9 juin, les Françaises et les Français devront élire 81 des 720 députés du Parlement européen. Pour décrocher ces mandats de cinq ans dans l’hémicycle tant convoité, les listes en lice devront obtenir au minimum 5 % des suffrages exprimés.

Dès les propos liminaires, l’écologiste Marie Toussaint a averti : « Nous allons débattre, et vous allez entendre que l’écologie est la cause de tous les maux. » Un pronostic aussitôt confirmé par François-Xavier Bellamy, chef de file des Républicains. Pour lui, les politiques environnementales menées par « une majorité allant de l’extrême-gauche aux macronistes » ont bel et bien fragilisé les Français. À la tête de Reconquête !, Marion Maréchal dénonce même une « Europe du fanatisme écologique et de la décroissance. »

À peine entrée en jeu, l’eurodéputée Renaissance Valérie Hayer, a apostrophé Thierry Mariani, venu remplacer Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, ayant lui rejeté l’invitation. En 2019, leurs deux partis avaient fini en tête, au coude-à-coude, avec 23,34 % pour celui d’extrême-droite et 22,42 % pour la majorité présidentielle. Une conjoncture à laquelle l’insoumise Manon Aubry refuse d’assister à nouveau : « On n’est pas condamné à nous voir imposer le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, ou Jordan Bardella qui manifestement même au bout de cinq ans n’a pas trouvé le chemin du Parlement. »

Différentes thématiques ont été discutées au cours des 150 minutes de débat. Disposant chacun de 17 minutes de temps de parole, les candidats ont été appelés à s’exprimer sur l’immigration en Europe, la guerre en Ukraine, l’indépendance énergétique et le pouvoir d’achat. L’écologie et l’agriculture ont, elles, été abordées notamment à travers la question suivante : le Pacte vert, aussi appelé « Green deal », est-il trop contraignant ?

Pacte vert et produits phytosanitaires

Adoptée au lendemain des précédentes européennes en 2019, cette feuille de route doit guider les 27 pays de l’Union vers la neutralité carbone d’ici 2050. Plusieurs des lois qu’elle abrite sont déjà en cours d’application : la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035, l’application du principe pollueur-payeur à l’aviation, l’industrie et le maritime, ou encore le doublement de la part des renouvelables dans le mix énergétique.

Toutefois, les élections de juin détermineront l’avenir d’un grand pan de ce Pacte : l’agriculture. Aucune des mesures prévues dans ce domaine n’est réellement entrée en vigueur pour l’instant, que déjà de nombreux agriculteurs les rejettent en bloc. À commencer par le projet de baisse de 50 % de l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2030. Celui-ci a finalement été rejeté le 22 novembre 2023, ce qu’assure regretter Valérie Hayer, qui pointe la responsabilité de la droite et de l’extrême droite. Au début de l’année 2024, sa majorité a pourtant suivi la même logique au niveau français en optant pour la « mise en pause » du plan Écophyto.

Plus récemment encore, le 27 février, un autre pilier du Green deal a bien failli tomber aux oubliettes. La loi européenne sur la restauration de la nature a été adoptée de justesse par le Parlement, avec 329 pour, 275 contre et 24 abstentions. Ce texte impose aux pays de l’Union de restaurer au moins 30 % des habitats en mauvais état, que sont les forêts, les prairies, les zones humides, les rivières, les lacs et les fonds coralliens, d’ici à 2030. Et 90 % d’ici à 2050.

La droite, comme l’extrême droite, a durement bataillé pour faire capoter cette loi. Aux yeux de François-Xavier Bellamy, elle comporte «  des mesures de décroissance » ayant plongé les agriculteurs « dans une grande détresse ». « Comment ce texte peut-il déranger les agriculteurs alors qu’il n’est même pas en vigueur ? » lui rétorque aussitôt Marie Toussaint. « Peut-être parce que M. Bellamy ne veut pas parler des multinationales comme Lactalis », renchérit Manon Aubry. Une référence au géant laitier, envahi en février par des paysans épuisés d’avoir « à travailler à perte ».

Encore une nouvelle PAC ?

Au cœur des discussions, la colère des paysans débouche sans surprise sur un autre dossier bouillant : la Politique agricole commune (PAC), premier poste de dépense de l’Union, avec 33 % du budget en 2022. La France est le premier pays bénéficiaire de ces subventions, avec 9,45 milliards d’euros cette année-là. Toutefois, «  80 % des subventions sont réservées à 20 % des exploitations les plus grandes », précise Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti socialiste et de Place publique.

« Cette politique est totalement injuste, poursuit l’eurodéputé. Les subventions sont censées corriger les inégalités du marché. Là, elles font l’exact inverse. » Lui plaide pour une PAC rémunérant, non pas à l’hectare et à la production, mais à l’emploi et à l’utilité écologique. Une idée partagée par Marie Toussaint, qui prône en outre un meilleur accompagnement des paysans dans leur transition : celui-ci passerait par l’instauration de revenus garantis sur au moins trois ans, un grand plan d’investissement et une réflexion sur la répartition du foncier, pour combattre « les grandes exploitations et les fermes usines ».

« Bloquer [...] la prédation de l’agro-industrie »

Discrètes divergences entre l’écologiste et l’insoumise ? Là où Marie Toussaint propose de « contenir les marges de l’agro-industrie », Manon Aubry choisit d’employer le vocabulaire « bloquer » : « Dans les magasins, le prix des denrées alimentaires a augmenté de plus de 20 %. Et dans le même temps, les agriculteurs voient leur rémunération baisser, s’indigne-t-elle. Puisqu’entre les deux, il y a la prédation de l’agro-industrie, dont les profits ont bondi de 70 %. » La tête de liste de la France insoumise promet ainsi de défendre des prix planchers rémunérateurs.

Les deux femmes politiques ont enfin assuré vouloir en finir avec les accords de libre-échange, source de concurrence déloyale : « Pourquoi continuer à importer du lait, de la viande ovine, des fruits et des légumes venant de l’autre bout du monde, alors qu’on en produit déjà ici ? » interroge Manon Aubry. Elle accuse d’ailleurs le groupe de Marie Toussaint, et non son parti national, d’avoir signé certains de ces textes. Quant à Raphaël Glucksmann, il ne s’est tout simplement pas exprimé sur le sujet.

Dans ce tout premier débat, écologie rimait spécifiquement avec agriculture. Les candidats n’ont donc pas eu l’opportunité d’explorer tous leurs désaccords, d’autant que certains programmes ne sont pas encore achevés. Toutefois, d’ici quelques semaines, Reporterre invitera quelques-unes des têtes de liste à s’exprimer dans nos colonnes. Et ce, avant le grand rendez-vous des urnes, le 9 juin prochain.

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