Sur l’ensemble des 650 sièges [1], les conservateurs en ont [42,4%] obtenu 318 (moins 13), le Parti travailliste 262 (plus 30), le Scottish National Party 35 (moins 21, avec une perte en voix de 1,7%), les Libéraux-démocrates 12 (plus 4 [7,4%]), Plaid Cymru [Parti nationaliste gallois] conserve trois sièges, les Verts un et l’UKIP [2] n’entre pas au parlement [3].
La participation électorale a augmenté de 2% [à 68,7%], ce qui en fait la plus élevée depuis 1997. Parmi les jeunes, c’est la participation la plus élevée de l’époque contemporaine. Le vote en faveur de l’UKIP s’est effondré. Paul Nuttal, le dirigeant de ce parti depuis novembre 2016, vient de démissionner pour n’avoir atteint qu’une troisième position, loin derrière, dans la circonscription de Boston et à Skegness [avec 7,7% des voix].
Les travaillistes ont fait des progrès significatifs en Ecosse et au Pays de Galles. Le SNP reste le parti écossais le plus important, mais il a perdu 12 sièges en faveur des conservateurs, les travaillistes 7 et les Libéraux-démocrates 3. Au Pays de Galles, le Labour revient en tête, reprenant un siège aux conservateurs, à Gower, Cardiff North et Vale of Clwyd.
Jeremy Corbyn et John MacDonnell [chancelier de l’Echiquier – Finances et Trésor – dans le cabinet fantôme de Corbyn] ont raison d’affirmer leur disponibilité à former un gouvernement minoritaire, mais il semble évident que T. May tentera de le faire de son côté. Le résultat, par conséquent, n’est pas seulement un parlement sans majorité (« hung parliament »), mais le plus mince et le plus précaire des parlements sans majorité avec une coalition entre un Parti conservateur déchiré par les tensions internes et un Democratic Unionist Party (DUP) ultra-conservateur (l’un des partis politiques les plus conservateurs sur le plan social en Europe).
Ses membres nient l’existence du changement climatique, s’opposent au droit à l’avortement ainsi qu’à l’égalité entre les sexes en matière de mariage et sont dans une large mesure des créationnistes. Ses candidats ont été soutenus par l’Ulster Defence Association, un groupe sectaire de tueurs qui est désormais impliqué dans le racket et le trafic de drogue. Cet accord donne aux conservateurs une majorité de 328 (par rapport aux 326 nécessaires ; les Tories en avaient 330 avant les élections). Si un tel accord parvient à se concrétiser, il sera probablement des plus instables et nous devons nous préparer à de nouvelles élections avant la fin de l’année.
La campagne électorale travailliste s’est révélée spectaculaire et a eu un impact immense. Son résultat est un triomphe personnel pour Jeremy Corbyn, qui a été vilipendé brutalement du début à la fin de la campagne. Les conservateurs n’ont même pas été capables de « tirer profit » des deux horribles attentats [4].
Le manifeste [du Parti travailliste – For The Many, Not the Few – a modifié l’orientation politique de la campagne électorale dès qu’il a rencontré l’écho des rues. Il a permis de mobiliser des centaines de milliers de jeunes gens, qui se sont inscrits sur les listes électorales, ont rejoint la campagne et voté (pour la première fois dans le cas de beaucoup). Les gouvernements successifs ont usé et abusé des jeunes ; ces derniers ont riposté en force.
Un mouvement tectonique heurte la politique britannique sur plusieurs plans. La plate-forme électorale anti-austérité du Labour s’est révélée attrayante pour les mêmes couches marginalisées qui ont été attirées par un vote Brexit. Ce vote est un rejet massif de l’austérité frayant la voie d’un changement fondamental de la politique britannique. Une nouvelle génération est entrée en scène pour la première fois, complètement disponible envers le type d’alternative radicale que le Labour met en avant. C’est par exemple le vote étudiant qui a amené la circonscription de Canterbury dans l’escarcelle travailliste alors qu’il s’agissait depuis toujours d’un siège conservateur.
Corbyn est désormais en position de force au sein du parti. La droite travailliste qui, depuis deux ans, mène une campagne pour le discréditer et se débarrasser de lui a été politiquement défaite et devra prendre des décisions. Toutes les prédictions qu’elle a émises quant au « corbynisme » se sont révélées fausses. Il est désormais temps de soutenir Corbyn ou de laisser la place.
Dans ce contexte, les tâches de la gauche radicale sont claires : rejoindre le mouvement Corbyn si vous ne l’avez pas encore fait, l’aider à changer et à démocratiser le Parti travailliste. Approfondir la trajectoire politique qu’il a mise en marche et être prêt à mener le combat pour les prochaines élections telles qu’elles se présenteront.
Alan Davies
* Article publié le 9 juin sur le site Socialist Resistance [disponible en anglais sur ESSF] ; traduction A l’Encontre. Les indications du résultat du vote ont été actualisées une fois l’ensemble des 650 circonscriptions dépouillées. Notes de A l’Encontre :
http://alencontre.org/europe/grande-bretagne/royaume-uni-une-victoire-travailliste-spectaculaire.html
Notes
[1] rappelons que les élections au Parlement se font en un tour, sur la base de liste uninominale ; celui qui emporte le plus de voix emporte le siège
[2] avec seulement 1,8% des voix, contre 12,6% et 3,8 millions de voix en 2015 et 27,5% lors des élections européennes de 2014
[3] il faut encore ajouter les 10 sièges du parti protestant ultra-conservateur d’Irlande du Nord Democratic Unionist Party, DUP, ce qui devrait permettre techniquement à T. May de former une coalition disposant d’une majorité parlementaire
[4] Manchester le 22 mai et 3 juin à Londres ; Corbyn a souligné la réduction du nombre de policiers dans les quartiers sous l’injonction de T. May, lorsqu’elle dirigeait le ministère de l’Intérieur dans le gouvernement de coalition de D. Cameron
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