Le test de virginité et les attaques contre les femmes et non-conformistes sur la Place Tahrir ont été des événements alarmants qui ont heurté de nombreux activistes et collectifs, tant locaux qu’internationaux. Ces faits ont fait changer l’opinion par rapport à certains aspects du « Printemps arabe ». Certains activistes ont commencé à douter sur le fait que le changement était mené grâce à la volonté des gens. D’autre part, les discussions sur les complots ont commencé à se répandre au point que certains considèrent que les anciens régimes étaient plus tolérants et progressistes.
Il est vrai que la victoire des islamistes n’a pas transformé l’Egypte en un paradis de la liberté sexuelle et personnelle. Si cela avait été le cas, tant mieux, mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. Il faut tenir compte de nombreux éléments et questions avant de juger une révolution qui n’a à peine qu’un an.
Au-delà du fait que l’oppression est toujours présente après la révolution, la situation sous le régime de Moubarak n’était, loin de là, ni meilleure, ni différente. L’unique différence est qu’aujourd’hui ces questions sont mises en lumière grâce à l’augmentation de l’activisme et à l’expérience organisationnelle qui s’est accumulée au cours de la révolution.
Aujourd’hui, la différence est que si le régime commet des violations des droits, nous pouvons voir comment des gens se réunissent, agissent et dénoncent d’une manière qui était impossible avant la révolution. L’Egypte nouvelle est le témoin d’une énorme augmentation des mouvements pour les droits civils qui chaque jour apprennent à utiliser de nouveaux outils, à mieux s’organiser et à se lier avec une société qui a été passive pendant plus de 30 ans face aux questions des droits civils et politiques.
Opportunité et débats
Une autre opportunité à laquelle le mouvement LGBT doit prêter attention, c’est le débat qui a surgit au sein de la communauté des activistes. La présence de non-conformistes et de personnes LGBT sur la Place Tahrir, luttant ensemble avec le reste de la société, à apporté une nouvelle réalité que les activistes de gauche devraient comprendre. Il est plus que jamais pour de nombreux groupes de gauche aujourd’hui que la classe travailleuse ne peut pas être indifférente envers la lutte pour les libertés individuelles. C’est ce qui se passe presque toujours dans les situations révolutionnaires, quand les gens provenant de différentes expériences s’unissent pour se soutenir mutuellement.
Aujourd’hui, les groupes et les personnes LGBT font partie d’un mouvement plus large, au-delà du fait s’ils sont identifiés comme LGBT ou non. Les groupes qui luttent pour les droits des femmes, la liberté d’expression, le renversement du régime militaire ou les droits sur son propre corps ont commencé à travailler ensemble et proposent un discours alternatif, qui est prometteur et qui trouve peu à peu un écho dans la société égyptienne.
D’autre part, la révolution a ouvert un grand espace pour le changement dans les idées et les croyances de la société. Cela s’est vu avec la diminution du vote en faveur des islamistes aux élections présidentielles par rapport aux élections parlementaires. Cela ne signifie pas que la société égyptienne serait désormais tolérante avec les personnes LGBT, mais le fait d’exposer de nouvelles idées et discours dans la société peut, sans doute, amener une société plus tolérante. C’est notamment le cas parce que la société est aujourd’hui plus préoccupée qu’avant par la vie politique et publique. Les activistes ne doivent pas oublier que les islamistes sont au pouvoir grâce au choix fait par les gens. Dans cette situation, l’islamophobie serait une erreur pour toutes et toutes, parce qu’elle entraînerait un renforcement du soutien populaire envers les islamistes, tout particulièrement envers ces groupes islamistes qui furent durement réprimés depuis la présidence d’Abdel Nasser.
Il est vrai que les révolutions ne se sont pas terminées avec des gay prides, mais malgré cela, le mouvement LBGT égyptien s’affirme plus qu’avant, il est plus reconnu dans la société et il ses propres groupes et points de rencontre. D’une manière ou d’une autre, les grandes victoires finiront par s’obtenir si les groupes et individus LGBT parviennent à faire partie intégrante d’un mouvement plus large, en utilisant les instruments et les stratégies adaptés à leur société.
Hiba Abbani, est membre du Forum Socialiste.
Article publié dans le journal « En lucha » : http://enlucha.org/site/?q=node/17628
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera