La loi a été annoncée par le Premier ministre Essam Charaf, le 23 mars 2011. Elle prévoit, entre autres, l’arrestation de grévistes, des peines de prison pouvant aller jusqu’à un an et des amendes allant de 30 000 livres égyptiennes (LE) à 500 000. Y compris ceux et celles qui soutiennent une grève, sans y participer, peuvent être arrêtés et soumis à des amendes allant jusqu’à LE 50 000 (7 700 CHF).Human Rihgts Watch insiste sur le fait que cette loi est en rupture avec diverses conventions internationales.
Face aux multiples réactions négatives – le lundi 28 mars la presse annonçait que selon une enquête de l’Information and Decision Support Center (IDSC), portant sur 26’000 personnes, 64% s’opposaient à cette loi – le gouvernement par intérim expliquait avoir adopté ce décret-loi car, d’une part, il devait faire face à une vague revendicative mettant en péril l’économie et que, d’autre part, l’Etat d’urgence, en place depuis 1981, n’était pas encore levé ! Cette loi devait, de plus, recevoir l’assentiment du Conseil suprême de l’armée pour entrer en vigueur. Ce qui fut fait, de suite.
Les interventions répressives de l’armée et de la police assez systématiques, aussi bien contre des grévistes que contre des manifestants, y compris à l’intérieur de l’Université, par exemple dans la Faculté des médias de l’Université du Caire.
Une politique de criminalisation des mouvements sociaux est à l’œuvre. Les forces qui ont réussi à renverser le régime de Moubarak ne sont pas prêtes à accepter cette politique, ce que traduit la Déclaration unitaire que nous publions ci-dessous. Mais, cette orientation du Conseil suprême et du gouvernement révèle aussi la nature du pouvoir en place, un élément sur lequel nous reviendrons plus en détail. (Rédaction)
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Les signataires de cette déclaration rejettent la décision du conseil des ministres égyptiens, publié le mercredi 23 mars 2011, approuvant la proposition de décret-loi qui punit toute personne qui, durant l’état d’urgence, organise une protestation, un sit-in ou un rassemblement, ou y participe, de sorte à entraver ou à bloquer le travail dans les firmes du secteur public ou privé, ainsi que toute personne qui incite, propage ou préconise, par tous les moyens, de commettre les crimes précités. La peine sera l’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à LE 500’000 [quelque 77’000 CHF], ou une de ces deux peines.
Les signataires affirment que la pratique par des travailleurs d’actes tels que des sit-in, des manifestations, des protestations et des grèves ne sont pas des crimes comme les caractérise le décret-loi. Ce sont des droits pour lesquels les travailleurs du monde entier et les travailleurs d’Egypte ont lutté afin de les obtenir et de pouvoir en faire usage. Ces droits sont inclus dans divers accords internationaux signés et ratifiés par l’Egypte. Ils doivent être respectés par les autorités sans réserves et sans limitations.
Il faut aussi cesser d’agiter l’épouvantail de la « stabilité » et ne plus l’utiliser comme l’épée de Damoclès suspendue sur la nuque du peuple égyptien afin de l’obliger d’accepter une concession après l’autre. La stabilité souhaitée par le peuple ne sera pas le résultat de politiques, de pratiques et des lois répressives qui confisquent les libertés et nous renvoient plus de cinquante ans en arrière. Cette stabilité sera atteinte grâce à l’établissement de règles relevant d’une justice sociale qui devienne l’un des piliers de la gouvernance. Règles qui visent à la reconnaissance des droits des travailleurs, des pauvres et des catégories les plus marginalisées ainsi qu’à engager des échanges sur les questions de société et des négociations collectives qui offrent des perspectives claires aux travailleurs.
Les revendications avancées par les travailleurs de l’Egypte au cours de ces derniers mois n’ont pas trouvé un accueil et un intérêt. Au contraire, le Conseil suprême des forces armées, le Premier ministre et certaines forces politiques opposées aux droits des travailleurs ont mené une campagne féroce face à ces revendications dans le but monter la société contre les travailleurs. Cela en les caricaturant comme étant des revendications corporatistes afin de pouvoir les qualifier comme répondant à des intérêts particuliers, singuliers, pas compatibles avec la conjoncture politique que traverse le pays. Cela tout en sachant que toutes les revendications étaient affichées sur tous les sites et se trouvent résumées dans six revendications ouvrières principales :
1.- Transformer en contrats à durée indéterminée les contrats des travailleurs temporaires qui travaillent depuis plus de trois ans.
2.- Limoger les directeurs et les membres des conseils d’administration des institutions et des banques mêlés à des actes de corruption impliquant de l’argent public ; eux, qui profitent encore de leur poste.
3.- L’annulation de sanctions arbitraires prononcées par les dirigeants des entreprises contre des cadres et des travailleurs qui ont dénoncé les pratiques de ces dirigeants ; sanctions allant du transfert vers une autre entreprise, à des punitions diverses comme à des licenciements.
4.- Déterminer un seuil minimum et un plafond maximum pour les salaires et veiller à réduire les disparités entre les revenus ; garantir un niveau de vie digne pour les travailleurs ; assurer une relation entre les salaires et l’évolution des prix des biens et des services, ainsi que celle du montant moyen à payer pour les assurances.
5.- Assurer le droit d’organisation syndicale, indépendante de l’Etat.
6.- Modifier les textes du Code du travail pour assurer la stabilité des relations de travail et parvenir à la sécurité d’emploi et limiter les pouvoirs de l’employeur dans l’utilisation de licenciement arbitraire.
La reprise de ces revendications dans plus de 500 plateformes revendicatives – dans tous les secteurs d’activité au niveau de la République durant les mois de février et de mars 2011 – constitue la preuve que nous sommes face à des demandes et à de justes droits sociaux et économiques pour tous les travailleurs de l’Egypte, et non pas à des exigences d’une catégorie ou d’individus appartenant à une minorité de travailleurs.
Ce qu’a accompli la classe ouvrière égyptienne tout au long de sa longue histoire – en temps de paix et de guerre pour la défense de cette nation – et de la renaissance présente mérite tout notre attachement et notre gratitude ; en particulier pour son rôle au cours des cinq dernières années de l’époque de Moubarak. Elle a conduit la vague la plus large et la plus ample de protestations de son histoire pour la dignité, la liberté et la justice sociale. Elle a dénoncé les opérations de corruption lors de la vente et de la privatisation des entreprises. Elle a mené la bataille pour l’équité salariale. Elle a résisté afin d’obtenir son droit légitime à organiser des syndicats indépendants, ouvrant ainsi la voie à la révolution du 25 janvier 2011.
Les signataires de cette déclaration affirment leur rejet du projet de loi et estiment qu’il représente un recul pour la démocratie, la liberté et la révolution ; ils demandent au Premier ministre [Essam Charaf] de la retirer ; ils soulignent que la seule façon d’atteindre la stabilité réside dans la rapidité de l’ouverture d’un véritable dialogue dans la société, dialogue portant sur les politiques sociales et les relations de travail en Egypte.
Les signataires déclarent leur solidarité avec les revendications et les droits des travailleurs et demandent que l’appui le plus large y soit donné et, qu’en même temps, soient précisés des objectifs spécifiques et un calendrier fixant les échéances à respecter pour les atteindre.
Signataires :
Fédération égyptienne des syndicats indépendants ;
Syndicat général des travailleurs de la collecte des impôts immobiliers ;
Syndicat général du secteur des retraites ;
Syndicat général des travailleurs des transports publics ;
Syndicat général des fonctionnaires des centres de l’information (en construction) ;
Comité égyptien pour la protection des droits des travailleurs ;
Campagne « Ensemble pour l’établissement des libertés syndicales » ;
Comité de coordination pour les droits et les libertés d’association et des syndicats ;
Comité national pour la défense des prisonniers d’opinion et pour la liberté d’expression ; Groupe Solidarité ;
Centre Hisham Moubarak pour le Droit ;
Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux ;
Association égyptienne pour la promotion de la participation civile ;
Association pour la liberté de pensée et d’expression ;
Le Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme ;
Les enfants de la Fondation Terre des droits de l’homme ;
Fondation la nouvelle femme ;
Institut du Caire pour les Etudes des Droits de l’homme ;
El Nadim Center pour le traitement et la réadaptation des victimes de la violence ;
Initiative égyptienne pour les droits personnels ;
Organisation des socialistes-révolutionnaires ;
Parti démocratique du travail ; Mouvement des jeunes de 6 avril ;
Mouvement de la jeunesse de la justice et la liberté ;
Coalition jeunesse de la révolution ;
Parti des alliances populaires ;
Mouvement du renouveau socialiste ;
Centre des perspectives socialistes ;
Parti communiste égyptien ;
Parti social-démocrate égyptien (en construction).