Si la Chine est souvent accusée d’être la cause de la montée de la tension dans la péninsule coréenne, la Russie pourrait très bien tirer les ficelles de ce conflit.
Il y a quelque chose de profondément dérangeant de voir les dirigeants d’un pays qui n’aurait que quelques armes atomiques, affirmer qu’ils vont détruire par le feu la dernière superpuissance mondiale qui a plus de 2000 têtes nucléaires actives et 5000 autres en réserve. La thèse de la folie ne tient pas la route. L’élite de ce pays doit se sentir suffisamment bien protégée pour continuer ce genre de politique qui pourrait mener tout droit à un changement de régime.
La Chine en position de faiblesse
Un des pays qui permettent à la Corée du Nord de braver le monde entier est la Chine. Leurs liens remontent à Mao. Avec Staline, Mao a appuyé Kim Il-sung quand il a déclenché la guerre de Corée. Malgré tous les engagements de diminuer son commerce avec la Corée du Nord que la Chine a prise à l’ONU, on apprenait le 23 septembre qu’il avait encore progressé en août pour atteindre son plus haut niveau depuis décembre 2016. Cette aide est en partie intéressée puisque la Chine ne veut pas que les États-Unis règnent sur la péninsule coréenne.
La Chine est cependant vulnérable aux pressions américaines. Comme les États-Unis dénoncent le fait qu’en 2016, leur déficit commercial avec elle s’élevait à 347 milliards de dollars, ils veulent utiliser l’implication de la Chine en Corée du Nord comme base pour prendre des mesures de rétorsion.
Compte tenu de la faiblesse de sa position commerciale face aux États-Unis, la Chine n’est donc pas un très bon allié pour défendre la Corée du Nord des visées américaines. Côté militaire, avec ses 300 têtes nucléaires, elle ne peut pas non plus assurer une grande protection en cas de confrontation nucléaire directe et sans retenue. Les dirigeants nord-coréens pourraient donc se fier sur un autre support pour défier une nation qui 1000 fois plus d’armes nucléaires qu’eux.
La Russie en embuscade
Des cinq pays juridiquement reconnus comme ayant l’arme nucléaire, la seule qui en ait un nombre comparable avec les États-Unis est la Russie. Si la Corée du Nord est dépendante économiquement de la Chine, elle a aussi une relation très profonde avec la Russie et les pays de l’ex-URSS. Après la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, elle était du côté soviétique. Ce sont les dirigeants de l’URSS qui ont mis Kim Il-sung à la tête du pays. C’est aussi avec l’appui de Staline que le nord a provoqué la guerre de Corée qui a duré de 1950 jusqu’à l’armistice de 1953. Les deux Corée sont d’ailleurs toujours légalement en guerre.
Si les dirigeants russes affirment être profondément préoccupés par l’escalade des tensions entre les deux Corées, ils sont cependant gagnants dans ce conflit. Quand Vladimir Poutine dénonce l’hystérie militaire, il oublie de dire que plusieurs composantes de l’armement nucléaire que se bâtit la Corée du Nord portent la marque du bloc soviétique. C’est l’URSS qui lui a fourni les réacteurs, ingénieurs et centres de recherche qui ont amené à la construction des premières bombes nucléaires. Le complexe militaro-industriel soviétique semble d’ailleurs impliqué dans le bond en avant de Pyongyang pour obtenir l’arme nucléaire. Les moteurs du missile nord-coréen qui doit porter la bombe atomique ou même la bombe H nord-coréenne n’auraient été produits que dans l’ex-URSS.
Trump et Poutine
La Russie pourrait même avoir de l’aide du camp adverse dans la péninsule coréenne. Par son comportement vis-à-vis la Corée du Nord, Donald Trump, semble en effet affaiblir la position américaine. Ses actions et insultes dans ce dossier lui ont attiré les réprimandes de la très grande majorité des spécialistes en gestion de crise, actions militaires et diplomatiques. La différence entre sa volonté exprimée et ses actions est telle qu’il est pertinent de se demander si le président américain agit intentionnellement de la sorte.
Il y a beaucoup de questions qui persistent d’ailleurs au sujet de l’implication de Vladimir Poutine dans l’élection présidentielle américaine. Plusieurs enquêtes parlementaires sur le rôle de la Russie dans la campagne électorale montrent que les proches de Donald Trump ont eu des contacts avec de hauts dirigeants russes.
En fait, les actions de Donald Trump depuis le commencement de sa présidence aident souvent Vladimir Poutine. En janvier il affirmait que l’OTAN, qui essaie tant bien que mal de contenir les visées expansionnistes de Poutine, était devenue obsolète. Il se réjouit aussi du Brexit et de la division de l’Europe que Poutine s’active à détruire. En juillet, Donald Trump allait même à Varsovie, pour vanter les actions de rébellion du peuple polonais qui est dans une crise de confiance avec l’Europe. Le président américain se dit de plus un grand ami du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui vient de signer d’importants contrats d’armements avec la Russie et s’est immiscé sans invitation dans les élections allemandes.
Face à tout cela, une question se pose : Trump joue-t-il sciemment le jeu des Russes dans le dossier de la Corée du Nord ?
Michel Gourd
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