Le dossier, basé sur une commande spéciale faite à Statistique Canada à partir des données de l’Enquête nationale auprès des ménages menée en 2011, montre une très sérieuse aggravation de la situation du logement au Québec. La donnée la plus troublante est assurément le chiffre de 108 475 ménages locataires devant engouffrer plus de 80 % de leur revenu pour se loger. Il s’agit d’une hausse de 25 % par rapport à 2006.
François Saillant explique que « la situation extrême vécue par ces ménages n’est pourtant que la pointe de l’iceberg ». Il précise que le nombre de ménages locataires québécois consacrant plus de 30 % de leur revenu pour se loger atteint 479 750, dont 227 835 qui paient plus de 50 %. « Tous ces ménages doivent, à un degré ou l’autre, couper dans leurs autres besoins essentiels, en premier lieu dans la nourriture, pour arriver à payer le loyer, s’ils arrivent même à le faire », ajoute le coordonnateur du FRAPRU.
L’organisme estime que l’accroissement du nombre de locataires en difficulté s’explique par la hausse du coût du logement qui, au Québec, a été de loin supérieure à celle des revenus entre 2006 et 2011. Le loyer médian a en effet connu une progression de 13,6 %, contre 9,2 % dans le cas du revenu médian des locataires.
Cet écart peut aussi être constaté sur une plus longue période, le loyer médian ayant augmenté de 188 % au Québec entre 1981 et 2001, alors que la hausse du revenu médian des locataires n’a été que de 118 %. C’est ce qui explique que le pourcentage de ménages consacrant plus de 30 % de leur revenu en loyer soit passé de 28 % en 1981 à 37 % trente ans plus tard.
Dur pour les personnes seules
Le Dossier noir montre aussi comment la réalité même des locataires a changé au cours de ces trois décennies. Ainsi, les personnes vivant seules représentent maintenant la moitié des ménages locataires. Or, ce sont elles qui, en moyenne, vivent les plus sérieux problèmes d’incapacité de payer. Ainsi, le pourcentage de ménages locataires consacrant plus de 30 % de leur revenu au loyer est de 49 % chez les personnes seules. Elles sont aussi plus nombreuses à engloutir plus de 50 % et de 80 % de leur revenu pour se loger.
Parmi les autres locataires à plus grand risque, le FRAPRU cite les femmes, les nouveaux arrivants, les locataires de plus de 75 ans et ceux dont l’âge se situe 15 à 24 ans. Le Dossier noir s’attarde aussi sur les problèmes de surpeuplement et de délabrement des habitations en milieux autochtones, sur l’augmentation du nombre de personnes itinérantes et sur les difficultés particulières d’accès au logement vécues par les personnes handicapées.
Les responsabilités des gouvernements
Le FRAPRU juge, à la lumière de ce dossier, que le droit au logement est en sérieux péril au Québec. Il interpelle tous les paliers de gouvernement pour qu’ils assument pleinement leurs responsabilités respectives à cet égard. Au moment où le gouvernement libéral de Philippe Couillard procède à un examen de ses dépenses, le FRAPRU le presse de renoncer à toute compression dans l’aide au logement qui devrait plutôt être accrue, de manière à répondre plus adéquatement aux besoins. L’organisme estime que le nombre de locataires en difficulté justifie amplement le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux en cinq ans.
Le lancement du Dossier noir sur le logement et la pauvreté représente le coup d’envoi d’une campagne que le FRAPRU mènera au cours des prochains mois, sous le thème « Le logement, un droit ». Une tournée à travers le Québec, de même qu’une série d’actions et de manifestations, suivront au cours des prochains mois.