Tiré de Reporterre.
"J’ai été élu pour représenter les citoyens de Pittsburgh, pas de Paris." Après un suspense digne des émissions de télé-réalité dont il s’est fait la spécialité avant de devenir président, Donald Trump a finalement annoncé, jeudi 1er juin, lors d’un discours à la Maison Blanche, que les Etats-Unis se retiraient de l’accord de Paris sur le climat, 18 mois après sa signature historique. Le pays de l’oncle Sam rejoint ainsi la Syrie et le Nicaragua, les seuls à ne pas avoir signé à l’époque.
Avec Barack Obama, les Etats-Unis s’étaient notamment engagés à réduire de 26 % à 28 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 par rapport à leur niveau de 2005. L’administration précédente avait aussi promis trois milliards de dollars aux pays pauvres pour les aider à lutter contre le réchauffement.
Donald Trump a donc tenu sa promesse de campagne, celle de sortir d’un accord qui, selon celui qui a juré de mettre fin à la "guerre contre le charbon", détruit les emplois américains et creuse les déficits publics. C’était la ligne défendue par une partie de sa garde rapprochée, dont le stratégiste en chef et nationaliste Steve Bannon, et le patron de l’Agence pour la protection de l’Environnement (EPA), le climatosceptique Scott Pruitt. "Bravo président Bannon !", a d’ailleurs raillé l’association environnementale Sierra Club sur Twitter.
A l’inverse, sa fille Ivanka Trump et son gendre Jared Kushner poussaient pour rester dans l’accord, tout comme le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, ancien patron d’Exxon Mobil, inquiet de la perte de leadership que pourraient subir les Etats-Unis face à l’Europe et à la Chine en matière d’innovation énergétique. Selon un sondage réalisé par Yale, seulement 28 % des électeurs de Trump souhaitaient la sortie de cet accord. Mais c’est peut-être la lettre de 22 sénateurs républicains, la semaine dernière, qui a convaincu le président de prendre cette décision.
Renégociation floue
Concrètement, comment cette sortie va-t-elle s’effectuer ? Affichant sa volonté de négocier un « nouvel accord » ou de renégocier l’accord de Paris, Donald Trump est resté évasif sur les engagements que les Etats-Unis seraient prêts à prendre. Il devrait invoquer l’article 28 de l’accord, qui permet aux signataires d’en sortir. Mais en raison de la procédure prévue, cette sortie ne deviendrait effective qu’en 2020. Cependant, a précisé Donald Trump, les Etats-Unis cessent "dès aujourd’hui" son application.
Les réactions ont évidemment afflué après l’annonce. Devant la Maison Blanche, des centaines de manifestants ont interpellé Donald Trump. Dans la soirée, de nombreuses pétitions pour appeler le président à reculer étaient en ligne. Au sein de la société civile, c’est la consternation. Dans une tribune au New York Times, Bill McKibben, de l’association 350.org, a dénoncé une décision "stupide et dangereuse", "l’action de notre nation la plus stupide depuis l’entrée en guerre en Irak
". Selon lui, Trump a rejeté "deux forces civilisatrices sur notre planète : la diplomatie et la science." Et de conclure que non seulement Trump "n’a pas pris le changement climatique au sérieux", mais aussi qu’il "n’a pas pris la civilisation au sérieux".
La directrice de Greenpeace USA, Annie Leonard, a déclaré de son côté qu’"en se retirant de l’accord de Paris, l’administration Trump a fait passer l’Amérique de "leader mondial en matière de climat" à "bon à rien mondial en matière de climat’". Michael Moore, le réalisateur connu pour son combat contre le changement climatique, a été moins philosophe mais tout aussi radical : "USA to Earth : Fuck you", a-t-il twitté ("Les Etats-Unis disent à la Terre qu’elle aille se faire foutre").
La plupart des pays, dont la France via le "Make our planet great again", phrase prononcée jeudi soir par le président Macron, ont eux aussi dénoncé la décision du président américain, et réaffirmé leur soutien au texte de Paris. Du côté des entreprises, attachées à une certaine stabilité en matière de règlementation, c’est aussi la déception. Début mai, une douzaine de sociétés américaines, dont Apple, Facebook et Microsoft avaient ainsi appelé le président à rester dans l’accord pour maintenir leur compétitivité dans le monde. Même les pétroliers, qui ont investi dans le gaz naturel et dans des technologies plus propres, étaient de cet avis.
Elon Musk, le très médiatique PDG de Tesla et ardent défenseur des énergies renouvelables, a donc annoncé qu’il quittait les différents cénacles de grands patrons conseillant Donald Trump. « Je quitte les conseils présidentiels. Le changement climatique est réel. Quitter Paris n’est pas bon pour l’Amérique et le monde » a-t-il tweetté. Le patron de General Electric, Jeff Immelt, lui, s’est dit « déçu » : « Le changement climatique est une réalité. L’industrie doit montrer l’exemple et ne pas être dépendante du gouvernement. »
La résistance de l’intérieur
L’ex-président Barack Obama a lui aussi fait part de sa déception : « J’estime que les Etats-Unis devraient se trouver à l’avant-garde. Mais même en l’absence de leadership américain, même si cette administration se joint à une poignée de pays qui rejettent l’avenir, je suis certain que nos Etats, villes et entreprises seront à la hauteur et en feront encore plus pour protéger notre planète pour les générations futures », a-t-il affirmé.
Un mouvement déjà bien amorcé. Les gouverneurs démocrates des Etats de New York, de Californie et de Washington ont ainsi annoncé qu’ils formaient une « alliance pour le climat », s’engageant à atteindre l’objectif américain de réduction de 26 à 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Boston, New York, La Nouvelle Orleans ou encore Los Angeles ont pris des engagements dans le même sens. Des douzaines de villes s’étaient déjà engagées à un objectif de 100 % d’énergies renouvelables, Atlanta étant la dernière en date. Le maire de Pittsburgh, ex-ville du charbon sur laquelle Trump s’est appuyé dans son discours, a d’ailleurs fait savoir, devenant la coqueluche de Twitter, que sa localité suivrait les recommandations de l’accord de Paris. Il signera un décret en ce sens dès ce vendredi.
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