Après les mythes de l’enrichissement collectif et de l’acceptabilité sociale, que les projets de forages à Anticosti et dans la vallée du Richelieu ont suffi à abattre, les agents du gouvernement se tournent maintenant vers l’exploitation sécuritaire avec « les règles les plus strictes en Amérique du Nord »i. C’est ainsi que l’ex-ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a qualifié les quatre projets de règlements publiés dans la Gazette officielle du Québec le 20 septembre dernier, visant à encadrer l’exploitation des hydrocarbures chez nous. L’expression a été reprise par le nouveau ministre en poste, M. Pierre Moreau. Lorsqu’on y regarde de plus près, rien n’est plus faux.
L’entrée en vigueur des quatre règlements permettrait aux industries gazières et pétrolières de forer et fracturer dans les lacs et les rivières, à 150 mètres d’une habitation et 175 mètres d’une agglomération, à 60 mètres d’un parc national, à 40 mètres de la voie navigable du Saint-Laurent, à 100 mètres d’une ligne à haute tension. Ce ne sont certainement pas ces distances séparatrices « ridiculement étroites ne protégeant rien du tout » ii qui donnent à penser que le gouvernement se montre particulièrement strict envers l’industrie. Surtout que le nouveau règlement permettrait au ministre de les réduire encore davantage.
Les quatre règlements font plusieurs autres cadeaux à l’industrie. Par exemple, l’ancienne Loi sur les mines accordait une période d’essais de 30 joursiii pendant laquelle les compagnies pouvaient récupérer les hydrocarbures sans devoir payer de redevances à l’État. Le nouveau règlement porte cette période à 240 jours. Et comme si ce n’était pas assez, le texte précise qu’il s’agit de « 240 jours consécutifs ». Si quelque chose devait par hasard interrompre les travaux avant la fin de la période d’essais, le compteur reprendrait à zéro, de même que le congé fiscal des entreprises.
On ne peut certainement pas qualifier de sévère la règle voulant que la construction et l’entretien des routes servant à l’industrie pourront être à la charge de l’État, ni de restreindre la responsabilité des compagnies en cas de pollution de sources d’eau potable ou autres dommages environnementaux survenant après la fermeture d’un puits, du moment que le ministre s’est déclaré satisfait au moment de la fermeture du puits. Encore moins contraignante pour l’industrie est la quasi-totale absence d’accès à l’information pour les municipalités et les citoyens et citoyennes concernant les forages, l’utilisation de l’eau et les produits chimiques déversés dans l’environnement. Ajoutons encore le laxisme en matière de surveillance, alors que l’industrie pourra choisir elle-même la composition du comité de suivi de ses opérations. La liste pourrait s’allonger encore.
Là où le gouvernement veut impressionner, c’est par le nombre des rapports qu’il exigera dorénavant des compagnies. Même si les normes demeurent celles des « bonnes pratiques » de l’industrie aux États-Unis et ailleurs au Canada, c’est à dire l’autoréglementation qui a conduit à tous les désastres qu’on connaît, un rapport devra accompagner dorénavant une foule de gestes posés par le détenteur de licence au Québec. Depuis le sommaire des travaux envisagés jusqu’à la fermeture définitive du puits, le projet de règlement montre les dents d’un terrible monstre bureaucratique qui dit aux entrepreneurs : « faites tout ce que vous voulez… mais dites-le au ministre ». C’est toute l’expertise scientifique sur le gaz de schiste développée au cours des huit dernières années qui se trouve ainsi balayée par une réglementation qui n’a de strict que son inaptitude à protéger l’intérêt public.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
Le 29 janvier 2018
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