« La manifestation est organisée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, qui rassemble 85 groupes issus des mouvements populaire, communautaire, syndical, féministe et étudiant.
« Hydro-Québec a demandé une hausse moyenne des tarifs d’électricité pour sa clientèle résidentielle de 5,8 % dès le 1er avril 2014.
« Pour le porte-parole de la Coalition, François Saillant, il faut non seulement déplorer cette augmentation, mais aussi toutes les politiques budgétaires et fiscales du gouvernement péquiste qui, selon lui, sont pratiquement les mêmes que le gouvernement libéral précédent.
« M. Saillant dénonce particulièrement l’objectif du déficit zéro et ses conséquences sur les services directs à la population, en santé entre autres. Il soutient que cet objectif doit être éliminé, et exige que le gouvernement mette fin à toutes les compressions dont il est responsable. » (Radio-Canada, site web, 28/09/13)
Il était temps que le peuple de gauche occupe la rue après les manifestations concernant la « charte des valeurs ». Celle contre la charte, organisée par une coalition aux relents fondamentalistes, comprenait de dix à quinze mille personnes dont un bon nombre de femmes voilées. Une autre, beaucoup moins nombreuse, environ mille personnes, en soutien au PQ fut organisée une semaine plus tard. Comme pour la question des bombardements impérialistes contre la Syrie (Mon article, Opposons-nous dans la rue aux bombardements étasuniens contre le sanguinaire gouvernement syrien pour sauver la révolution des jihadistes, 10/09/13, Presse-toi-à-gauche) la gauche aura raté le bateau pour mobiliser contre la charte réactionnaire du PQ sur ses propres bases, essentiellement en dénonçant le nationalisme identitaire qui se recouvre du voile pudique de la laïcité — pourquoi maintenir crucifix, prières à l’Hôtel-de-Ville et écoles confessionnelles — et l’islamophobie, cet antisémitisme des temps modernes, en ciblant plus que les autres les femmes musulmanes portant le hijab (Voir mon analyse plus complète, Pour contrer le rassembleur Printemps érable, le PQ joue la réactionnaire carte identitaire, 25/08/13, Presse-toi-à-gauche)
Il est extrêmement inquiétant de constater, comme en France même si c’est à un moindre degré, que les frères ennemis de la droite, fondamentalistes contre identitaires, s’emparent de la rue aux dépens de la gauche. Puisse la manifestation d’aujourd’hui être le début de la reconquête de ce qui est normalement un fief de la gauche. Il faut quand même s’inquiéter de la typique réaction de la gauche, trop imbibée d’électoralisme, quand s’annoncent les élections dont plusieurs prévoient le déclenchement le 9 novembre après celles municipales, ce qui a de l’allure étant donné le succès relatif de la nauséabonde manœuvre du PQ marginalisant la CAQ à son profit et étant donné que le budget du printemps, dans l’actuel contexte de stagnation affectant à la baisse les rentrées fiscales, ne pourra contenir que de mauvaises nouvelles. Contrairement au Printemps érable auquel les élections de l’été 2012 ont donné le coup de grâce, il faudra cette fois profiter des élections pour occuper la rue contre la charte et, surtout, pour mettre de l’avant une politique antilibérale dont la proposition de la Coalition mains rouges d’une hausse des recettes fiscales de 10 milliards $ aux dépens du capital (Voir le tableau, site web de la Coalition) est le noyau dur.
Malheureusement, il n’est pas certain que l’on puisse compter sur Québec solidaire dont la dénonciation de la charte est molle — le parti ne comprend pas que la partie dite positive n’est que du sucre sur la pilule amère —, dont les propositions budgétaires comptent sur l’endettement auprès du capital financier davantage que sur la taxation du capital et dont la campagne écologique « Sortir du noir… » ouvre la porte à l’exploitation pétrolière car, dit le parti, « [le Québec] ne devrait autoriser aucune nouvelle extraction d’énergies fossiles, sauf de façon très limitée [Je souligne], si cela s’avère nécessaire pour faire la transition vers une société sans pétrole. » (Document « Solidaires » distribué à la manifestation) ce qui le raccorde avec la politique pro-pétrolière du PQ. Au point que le comité thématique national sur l’environnement, attaché à la Commission politique, a désavoué ce journal et demandé qu’il ne soit pas distribué.
Il ne faut pas se surprendre de ces tergiversations et reculs de Québec solidaire. Interrogé lors de la manifestation, « [l]e député montréalais [Amir Khadir] suggère de s’inspirer du modèle scandinave ou brésilien pour “mieux répartir la richesse”… » (Le Devoir, site web, 28/09/13), modèles appliquant sans état d’âme de dures politiques néolibérales au point de provoquer un soulèvement de grande ampleur au Brésil en juin et juillet derniers et des révoltes des banlieues de Stockholm peuplées par l’immigration dans cette Suède dirigée par la droite depuis 2006 (Voir mon analyse, La grande illusion de la social-démocratie suédoise : Plutôt un exemple de néolibéralisation au pas de course (1) et (2), 22/01/13 et 29/01/13, Presse-toi-à-gauche).
Marc Bonhomme, 28 septembre 2013
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