Des traces de caribou forestier s’enfoncent dans une coupe à blanc aux abords des Montagnes Blanches, au Nord du Lac St-Jean.
Quand Résolu MENT, les caribous tombent
Le concept était simple : les compagnies s’entendent pour ne pas aller couper de forêt dans des zones de moratoire, tandis que les groupes comme le notre arrêtent leur campagne sur les marchés internationaux. Le but étant de créer un espace à la négociation pour faire des propositions conjointes d’aires protégées aux gouvernements, améliorer les pratiques forestières et sauver des espèces en déclin comme le caribou forestier. Il y avait urgence d’agir compte tenu de la situation précaire du caribou, la quasi-absence d’aire protégée dans d’immense portion de la forêt boréale et les pratiques encore archaïques de l’industrie forestière.
Le projet était ambitieux, la cause nécessaire, l’Entente historique. Lorsque nous avons signé l’Entente sur la forêt boréale canadienne avec nos collègues environnementalistes et 21 compagnies forestières en mai 2010, plusieurs nous ont accusé de faire un pacte avec le diable. D’autre ont salué la trêve et souhaité voir des résultats concrets rapidement.
Or après 2 ans et demi de négociations ardues, l’Entente sur la forêt boréale n’a livrée aucun résultat tangible sur le terrain. Pire, nous avons publié la semaine dernière une enquête qui montre que le plus gros joueur de l’Entente, le géant Produits Forestiers Résolu (anciennement Abitibi-Bowater) a violé ses engagements en autorisant la construction de chemins en plein cœur des zones sous moratoire.
La question se posait donc : comment faire avancer une Entente dont le principal joueur (Résolu possède pratiquement tous les volumes de bois au Saguenay- Lac St-Jean et est le plus gros joueur au Québec) est un délinquant qui, vérification faites sur le terrain, n’a aucune intention de sauver le caribou, ni de créer d’aires protégées ? Devant la menace encore plus grande qui plane sur notre forêt, une seule réelle option crédible : quitter l’Entente sur la forêt boréale afin de poursuivre d’autres avenues.
De l’urgence d’agir
Le Québec protège à peine 5% de ses forêts, et malgré l’augmentation fulgurante de la certification forestière (plus de 80% du Québec est certifié FSC), la coupe à blanc est omni-présente sur notre territoire forestier. De toutes les régions nous contactent des citoyens inquiets de voir avancer toujours plus loin les coupes forestières, de voir disparaître ce qu’ils connaissaient de plus beau en forêt. Les dernières portions vierges de nos écosystèmes forestiers fondent à vue d’œil, au vu et au su de notre gouvernement, sans le moindre signe de ralentissement.
Quand les géants comme Résolu ont une influence directe sur nos gouvernements, et une emprise quasi-totale sur les décisions du Ministère des Ressources naturelles, il faut que les Premières Nations et tous les Québécois se lèvent et crient haut et fort leur attachement à leurs forêts. Quand notre forêt publique est coupée à rabais par des multinationales subventionnées par nos gouvernements (nous avons payé 389M$ cette année pour faire coupé nos forêts publiques), il faut que les contribuables se lèvent et dénoncent ce non-sens. Quand le lobby industriel bloque systématiquement la création d’aires protégées malgré le retard embarrassant en la matière, il faut que les Québécois disent haut et fort qu’il n’y a pas de saine gestion forestière sans la conservation de notre biodiversité.
L’heure des choix
Si Résolu se démène comme le diable dans l’eau bénite pour faire pression contre la protection de nos forêts, ce n’est pas tant parce qu’ils sont pour la disparition du caribou, mais bien parce qu’ils savent qu’ils sont bientôt au bout du rouleau. Greenpeace publiait en 2010 l’état des dernières forêts vierges du Québec et montrait que d’ici 2020, au rythme où les coupes avancent, la totalité des dernières grandes forêts vierges du Québec aura disparue. Ce que cela signifie pour l’industrie : fini le bar ouvert, l’écrémage de nos forêts, dans les portions les plus facile à exploiter, là où les arbres sont denses et matures. Les ingénieurs forestiers le savent, l’industrie le sait…et elle se dépêche pour siphonner les dernières parcelles avant de réduire drastiquement ses opérations.
Nous sommes donc confronté à un choix de société : ou bien nous poursuivons cette course effrénée vers le nord et les dernières parcelles de forêt vierge pour ensuite frapper le mur de la pénurie en bois et la crise écologique sans précédant qu’elle entraîne, ou bien nous nous dotons d’un réseau de grandes aires protégées, diversifions les industries en forêt, investissons dans la qualité plutôt que dans la quantité et transformons davantage notre bois ici afin d’optimiser le secteur forestier et ses dizaines
de milliers d’emplois. Vous connaissez mon choix…aidez nous à convaincre nos gouvernements.
Dès avril 2013, c’est notre gouvernement qui prendra en charge l’aménagement forestier, après avoir été pendant des décennies dans les mains de l’industrie. C’est donc Québec et les régions qui décideront où, comment et quand nos forêts seront exploitées. Cette prise en charge de la gestion forestière par l’État doit s’accompagner d’une mobilisation sans précédent des citoyens et des Nations autochtones pour une saine gestion de la ressource et une protection accrue de nos écosystèmes. En ferez-vous partie ?
Aux arbres citoyens !
Les Montagnes Blanches, au Nord du Lac St-Jean : une des dernières grandes forêts vierges du Québec menacée par les coupes de Résolu