Le Capital cherche à répondre à sa crise systémique en imposant le contrôle de l’eau, le pillage des territoires et du patrimoine naturel, la prédation, la production de combustibles fossiles, l’exploitation accrue des travailleurs et des travailleuses, la répression des mouvements sociaux et la violence physique et psychologique, de multiples formes de criminalisation croissante des luttes des peuples, la militarisation et le contrôle du territoire. Tout cela est encouragé par les entreprises médiatiques. En outre, à ces réalités, il faut ajouter l’assujettissement des États et de leurs bureaucraties par le pouvoir économique, le paiement de dettes injustes et la corruption, et une variété d’événements qui bénéficient seulement aux pouvoirs réels derrière des gouvernements soumis au mandat reçu des entreprises nationales et des sociétés transnationales et de leurs agents politiques.
Dans cette conjoncture, le Sommet des peuples représente la voix des secteurs exploités et opprimés du monde, des personnes marginalisées par un système économique et culturel qui les soumet à des secteurs racistes, fondamentalistes, machistes et patronaux qui profitent du modèle capitaliste. Durant cette période cruciale que traverse l’humanité, alors que nous faisons face à un très grave changement climatique qui exige une action urgente de la société mondiale, nous exigeons des gouvernements - et du système des Nations Unies -, réunis au COP 20, l’adoption d’accords respectant et reconnaissant la valeur de la vie des peuples autochtones, paysans et urbains, et qu’ils promeuvent la préservation de la biodiversité mondiale. Nous rejetons tout mécanisme de marché qui se pose comme une solution aux problèmes environnementaux et climatiques.
Ceux et celles qui se sont rencontrés lors de ce sommet, nous rassemblons et faisons partie du processus de luttes antérieures qui ont tissé des liens entre nos peuples. Nous sommes arrivés à créer cette force par un travail collectif. À partir de là, nous affirmons et demandons :
Aux gouvernements du monde, nous demandons qu’ils respectent nos territoires, nos droits et nos moyens de subsistance, nos cultures, nos coutumes et nos visions du monde sur la vie et le monde que nous habitons. Nous condamnons l’exploitation de nos ressources naturelles et de nos territoires par les industries extractives qui affectent nos moyens de subsistance, notre source d’identité et la relation harmonieuse de nos communautés avec la Terre-Mère.
Nous exigeons la reconnaissance de la propriété territoriale des communautés qui ont toujours vécu sur leurs terres. Nous n’acceptons pas le contrôle externe des territoires ou les processus de négociation et de mise en œuvre de fausses solutions sur le climat. Les gouvernements doivent fondamentalement respecter nos modes de vie ancestraux et reconnaître notre autodétermination comme nations et comme peuplesRetour ligne automatique
aborigènes.
De même, nous déclarons que l’ensemble des initiatives visant à inverser la tendance climatique destructrice qui s’est manifestée sur notre planète, doit tenir compte de la responsabilité historique des pays développés, reconnaître et réparer la dette historique et écologique envers les pays du Sud. En particulier, les sociétés transnationales du capital privé des pays développés devraient être tenues responsables de leurs actions et de leurs pratiques à l’échelle mondiale. Nous exigeons la justice complète dans les cas de pollution par Newmont, Doeran au Pérou, et par Chevron-Texaco, entre autres, qui, par sa présence en Amazonie, a provoqué un des plus grands écocides de l’histoire de la planète.
Des gouvernements et des entreprises, nous exigeons qu’ils acceptent et respectent notre droit à un travail décent, avec le plein exercice de nos droits individuels et collectifs, et qu’ils garantissent un processus de transition équitable vers un monde qui nous permettra d’améliorer notre qualité de vie. Nous exigeons des garanties pour un accès universel aux systèmes de protection et de sécurité sociale, le respect de notre liberté d’association et le partage juste et équitable de la richesse produite par notre travail et nos connaissances.
Nous croyons que toute action visant à lutter contre le changement climatique ne sera réalisable ou efficace que si elle est favorisée par des politiques publiques efficaces en faveur de la petite agriculture familiale et paysanne, de la réforme agraire, de la souveraineté et de la sécurité alimentaires de nos peuples, de l’auto-production durable avec la base agroécologique autochtone, libre des transgéniques et des agrotoxiques, orientée vers la consommation humaine et la préservation de notre biodiversité. Nous croyons que pour avancer vers un monde juste, une économie locale, solidaire, coopérative, féministe et communale, il est fondamental de reconnaître le droit humain à l’alimentation, comme le grand apport de l’agriculture familiale paysanne qui contribue pour plus de 70% à l’alimentation mondiale. Nous exigeons qu’un coup d’arrêt soit donné à la production et l’expansion des agrocarburants qui favorisent la déforestation, l’érosion d es sols, la contamination des sources d’eau et de l’air et qui constituent une forme de recolonisation territoriale.
Comme expression de cette stratégie du capital, au cours des dernières années, les processus de privatisation, de marchandisation et de financiarisation de la nature se sont aggravés, et ont été présentés comme une économie verte qui a défendu de fausses solutions à la crise climatique. Mentionnons en certaines : le Mécanisme de Développement Propre (MDP), la Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD), les OGM, les agrocarburants, la géo-ingénierie, l’hydroélectrique, les mégaprojets nucléaires, la fracturation hydraulique ("fracking"), l’agriculture climatiquement intelligente.
La stratégie du capital passe par ce que nous appelons l’architecture de l’ impunité des sociétés transnationales et des gouvernements, à travers le libre-échange et la protection des investissements, entre autres, en cherchant à privatiser les services essentiels comme l’eau, l’éducation, la santé et le logement, et en violant les droits fondamentaux des travailleurs, des travailleuses et des peuples. Le Sommet des peuples rejette toutes ces stratégies du capital.
Comme nous l’avons dit, nous dénonçons l’oppression capitaliste patriarcale qui favorise le contrôle du corps, du travail et de la vie des femmes et qui promeut la violence sexuelle et la traite qui font des femmes des parias dans divers domaines de la vie sociale et publique. Il est nécessaire d’aller vers une autre division sociale du travail qui élimine la subordination du travail des femmes, rendant invisible le travail de soins qui permet la reproduction sociale, qui refuse de subordonner ce travail aux diktats du marché. Nous exigeons un changement radical qui reconnaît le travail de reproduction comme la base de la soutenabilité humaine et des relations entre les personnes et les communautés.
Toutes les alternatives doivent intégrer la perspective féministe et promouvoir une relation plus équitable entre les hommes et les femmes.
Nous préconisons la promotion d’une consommation responsable et non aliénée, fondée sur l’adoption d’habitudes et de modes de consommation sains, selon les besoins humains,non soumis à l’ambition du capital. Nous préconisons une consommation qui ne contribue pas à la pollution de l’environnement ni au changement climatique. Nous encourageons l’utilisation responsable des ressources vitales, le recyclage et la gestion durable des déchets solides. Nous nous engageons à promouvoir la sensibilisation du public en ce qui a trait aux mesures qui peuvent nous faire avancer individuellement et collectivement vers un monde plus juste.
Les États doivent prendre des décisions et des mesures immédiates visant la protection, la conservation ou la restauration des bassins hydrographiques, des écosystèmes, des hautes montagnes, des marais, des marécages, eds déserts, des steppes, des forêts, des aquifères, des lacs, des rivières, des sources, des zones marines côtières qui nourrissent la Terre-Mère. Ces écosystèmes et les sources d’eau sont affectés par les activités des industries extractives comme l’exploitation minière, pétrolière, charbonnière et gazière, par les activités forestières et le déversement de déchets entre autres choses. Ils devraient garantir le droit humain à l’eau et l’égalité des conditions d’accès à l’assainissement. Cela ne peut être garanti que par des entreprises appartenant au secteur public.
Le Sommet des Peuples questionne l’incohérence du gouvernement péruvien en sa qualité de Président du COP 20. Par ses politiques environnementales, du travail et ses politiques fiscales adoptées récemment en faveur des investissements privés affectant les droits collectifs, environnementaux et culturels. Nous dénonçons la répression de représentants autochtones, des dirigeants syndicaux et des agriculteurs, des militants écologistes, ainsi que le harcèlement des délégations venues au sommet des peuples de diverses régions du pays et de l’étranger.
Le Sommet des Peuples questionne la mainmise des entreprises sur la rencontre des Nations Unies sur les changements climatiques. Les grandes sociétés transnationales "accompagnent" les gouvernements dans les négociations globales afin que les mesures adoptées aient comme seul but de soustraire les pays industrialisés de leurs responsabilités dans les émissions de gaz à effet de serre et d’être les principaux responsables du changement climatique. Nous exigeons que les paiements pour les services de la dette extérieure et intérieure, qui étouffent les peuples et limitent la capacité des États de répondre aux besoins de base des populations- soient consacrés à résoudre la crise environnementale et climatique, car la survie de l’humanité en dépens ainsi que celle de toutes les espèces vivant sur la planète.
Le Sommet des Peuples se félicite de la mobilisation engagée et enthousiaste de dizaines de milliers de citoyens du monde entier qui ont participé à la Grande Marche globale en défense de la Terre-Mère le 10 décembre dernier à Lima et dans d’autres villes du monde. Ce grand rassemblement d’organisations, de mouvements et de délégations du Pérou et de nombreux pays est l’expression la plus claire de la position du peuple en faveur d’un monde juste et démocratique qui garantit l’harmonie de l’existence humaine, des droits de la nature et de la Terre-Mère.
Nous continuerons à renforcer la coordination de nos luttes, de façon active et permanente, dans les multiples manifestations en 2015, et particulièrement autour du sommet de Paris, le COP21. Déjà, les mouvements sociaux du monde entier se préparent à poursuivre la lutte en défense de la vie, jusqu’à ce que nos demandes soient satisfaites. Nous continuerons à nous battre pour changer le système ... pas le climat !
Sommet des Peuples
Lima, 11 décembre 2014.