Au commencement était la révolte...
Dans notre monde structuré par l’exploitation et l’oppression, des masses de gens n’ont à proprement parler aucune existence. Ils sont obligés de subir l’humiliation quotidienne à cause de leur statut social, racial ou politique. Ces gens sont présents dans ce monde mais absents des décisions concernant son avenir. Ils sont les sans-parts, les sans-voix de ce monde. Les règles qui nous sont imposées par la fin de l’histoire les obligent à se résigner face à leur destin. Le jour où ces gens commencent à prendre la parole et à se révolter, ils commencent à exister. C’est ce que scandaient les masses révolutionnaires dans les rassemblements en Égypte : on n’existait pas et maintenant on existe.
C’est cette conscience qui nous fait sortir de notre torpeur quotidienne pour confronter les forces qui veulent nous priver de nos droits. Plusieurs étudiants du Québec sont dans cet état d’esprit : on était couchés, on s’est levés et d’un coup , on se soulève.
Le parc Émilie Gamelin est devenu la place où les groupes antagonistes se rejoignent (retraités et étudiants, travailleurs et intellectuels, nationalistes et fédéralistes…) pour lutter ensemble. Cette foule n’a pas de programme préétabli. Elle souhaite juste faire part de sa colère face aux impasses de notre société. C’est à partir de ce type d’événements que s’ouvrent des possibilités inédites. Dans son orgueil , Charest, le premier ministre du Québec, croit satisfaire à une « demande » d’étudiants mais la colère qu’il provoque est beaucoup plus large. Elle démontre un problème d’ordre systémique. Indirectement, les manifestants montrent la limite de l’ensemble formé par l’économie de marché et la démocratie parlementaire, ensemble donné comme une norme indépassable. Chaque soir, on veut inventer notre propre réalité. Telle est la force créatrice qui habite le mouvement étudiant.
Vivons-nous une période d’émeutes ?
La première réponse qui me vient à l’esprit c’est oui. On n’a qu’à penser aux événements récents en Grèce, en Islande, en Angleterre… Au Québec, une tension forte peut être palpable à travers l’opposition au salon du Plan Nord ou à la lutte étudiante contre les injonctions anti-grèves.
Ce vent de mécontentement peut s’expliquer, bien entendu, par la crise systémique du capitalisme qui dure depuis quatre ans. Celle-ci ramène son lot d’impasses sociales et de misère. Face à cette situation, les faiblesses des régimes politiques en place sont devenues manifestes, avec comme unique substance d’être au service du système économique dominant. Les différents acteurs politiques ont réussi à se décrédité au près de la population toute alternative de gauche comme de droite. Le gouvernement Charest en est un bon exemple avec ses mesures d’austérité dans plusieurs domaines (éducation , santé …).
On est dans une séquence durant laquelle la logique de révolte n’est pas encore arrimée à un projet révolutionnaire qui se présenterait explicitement comme une alternative. C’est au cours de telles périodes que les forces de la réaction condamnent la violence spontanée des peuples contre le système.
Face à ce discours, il est important de rappeler aux étudiants que l’on ne peut pas définir un mouvement populaire à travers les désirs méprisants des dirigeants. Les étudiants sont en train de créer un nouvel espace de justice sociale et de démocratie au sens noble du terme : le pouvoir du peuple. Dans ce cadre, on ne peut pas condamner les révoltés et les exclus du système ainsi que leurs actes de rage contre la vitrine d’une institution financière ou n’importe quel signe d’injustice sociale. Même si ces actes ne sont pas encore des alternatives on doit les accepter et questionner le système qui les conditionne, à savoir Le Capitalisme.