Tiré de Courrier international.
Ils vivent dangereusement. La route nationale reliant Sukkur, dans le nord de la province du Sindh, à Moro, plus au sud, ayant été gravement affectée par les inondations, les cars et les autres véhicules contournent les blocages en prenant la route Mehran [route à deux voies qui suit un tracé plus à l’est]. Mais les survivants n’ont pas d’autres possibilités que de s’y installer. Les terres sont submergées des deux côtés de la route. Il n’y a pas suffisamment de bâtiments publics pour les accueillir et ils ne peuvent pas repartir dans leur village. Les femmes et les enfants se rendent parfois dans leur maison submergée pour récupérer ce qu’ils peuvent dans des taee – de grandes casseroles qui servent normalement à faire la cuisine.
“J’ai réussi à récupérer un peu de céréales. On est là depuis deux mois”, explique Abid Shar. Il vient d’Akri, dans le sous-district de Thari Mirwah, dans le district de Khairpur. Sa maison s’est effondrée pendant les inondations. Il a trouvé du travail dans une usine d’égrenage de coton pour nourrir sa famille.
Alors qu’Abid raconte ce qu’il vit, Afzal Shar s’approche pour partager ses doléances : “Vous au moins, vous êtres venus nous voir. Personne ne vient ici pour voir ce qu’on subit et à quel point c’est horrible.” Les conditions de vie empêchent nombre d’entre eux de dormir, ajoute-t-il. “On passe la nuit éveillés pour éviter une autre tragédie.”
Ils sont aussi la proie des spéculateurs
Les commerçants locaux tirent profit de leur malheur. Afzak a récemment dû se séparer d’une chèvre pour 5 000 roupies [23 euros] seulement. Selon lui, l’animal aurait été vendu au moins quatre fois plus cher, en des temps meilleurs. Paryal Lashari, un autre survivant, a été forcé de vendre sa chèvre pour 7 000 roupies [32 euros]. Les marchands de bétail de la région de Karki agissent comme un cartel et refusent de payer le juste prix aux vendeurs, se plaignent ces hommes.
Khairpur, une ancienne principauté dirigée par la dynastie Talpur [1783-1843], compte parmi les districts les plus touchés par les inondations. Des semaines après le pic de la catastrophe [août-septembre], les autorités locales ne savent toujours pas quoi faire de l’eau stagnante.
Le drainage des zones rurales de Khairpur incombe à une subdivision du service de l’Irrigation. Son ingénieur en chef a récemment été transféré en raison de son incapacité à faire le nécessaire.
“L’eau est coincée dans des dépressions. Il faudra la pomper dans les zones rurales qui n’ont pas de système de drainage correct, explique Mansoor Memon, son remplaçant. Nous avons fait passer la capacité des stations de pompage de 750 à 1 325 m3 par jour, soit deux fois plus, dans les zones où il existe un réseau de drainage.”
Des champs sous l’eau
Plus de 9 300 hectares ont été drainés au cours des neuf derniers jours – une amélioration par rapport aux 1 215 à 2 225 hectares de la semaine précédente.
Pendant ce temps, les personnes déplacées craignent l’arrivée de l’hiver. Tout va devenir extrêmement difficile si elles sont obligées de continuer à vivre le long de la route.
“L’hiver approche rapidement. Et nous avons des enfants”, s’inquiète Amin Shar. Il vit près du village submergé de Qadir Dino Shar. Les paysans cultivent du blé entre les plantations de dattiers. Les producteurs de dattes ont perdu de 80 à 90 % de leurs fruits parce que les pluies torrentielles ont coïncidé avec la récolte, qui commence en juin.
Pour Amin, la priorité numéro un, c’est le drainage. Il craint de ne pas pouvoir semer du blé pour la prochaine saison si ses champs demeurent sous l’eau. “Videz le village de son eau, elle sert de couvoir à moustiques. On a [déjà] trop de cas de paludisme.”
Les zones urbaines ne sont pas mieux loties
Retour dans les zones urbaines de Khairpur et Gambat. Elles ne sont pas mieux loties. Les personnes qui vivent dans l’agglomération se plaignent de mauvaises conditions de vie et de risques sanitaires.
L’eau qui entoure la ville est en train de devenir noire et jaune. “Nos enfants n’arrêtent pas de tomber dedans, on passe notre temps à les en sortir”, déclare Zubaida Katohar. Elle vit dans le village de Jamali, à Khairpur. Il est entouré d’eau insalubre.
Zubaida s’est fait une tente avec une bâche. Elle attend que la circulation s’arrête, après minuit, pour s’endormir. Elle en a assez des moustiques.
La route qui mène à Jamali coupe la terre en deux. Les plantations sont submergées des deux côtés. “Est-ce qu’il faut que j’entre dans l’eau pour que vous vous fassiez une idée de la profondeur ?” persifle un villageois.
“Faites quelque chose pour évacuer l’eau, s’il vous plaît”, supplie Farida Katohar. La vieille Mme Gulabi est du même avis et s’en contenterait même. Les femmes de la région ont perdu leur salaire quotidien avec la perte de la récolte de dattes. Elles travaillent désormais comme domestiques pour gagner de quoi vivre.
Nafisa Shah, la députée de la région, est également très inquiète. “L’hiver sera bientôt là. Il y aura une autre catastrophe si on n’évacue pas l’eau.”
Mohammad Hussain Khan
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