Hebdo L’Anticapitaliste - 617 (26/05/2022)
Par Dan La Botz
Politiquement divisée sur la guerre, incapable et peu intéressée par l’organisation de débats internes sur la question, DSA n’a fait aucune analyse de fond, n’a publié pratiquement aucune littérature sur le sujet, et n’a ni organisé ni participé aux quelques manifestations contre la guerre.
La tentation du campisme
Les brèves déclarations que DSA a produites au cours des trois derniers mois ont condamné l’invasion russe mais ont attribué à l’Otan une responsabilité presque égale dans la guerre. DSA n’a pas appelé à soutenir l’Ukraine dans la guerre. Au lieu de cela, elle a déclaré, de manière très abstraite, qu’elle se tenait aux côtés des classes ouvrières d’Ukraine et de Russie et des manifestantEs antiguerre dans les deux pays et dans le monde entier. Cette position placerait DSA dans le camp pacifiste antiguerre qui s’oppose à la fourniture d’armes à l’Ukraine et appelle à la diplomatie, mais DSA n’a joué aucun rôle important dans ce petit mouvement. DSA n’a pas non plus participé aux grandes manifestations ukraino-étatsuniennes dans plusieurs villes.
Pourquoi DSA est-elle dans cette situation, celle d’une organisation politique sans position sur la question centrale de politique étrangère du moment ? Lorsque le sénateur Bernie Sanders s’est présenté en 2015 à la candidature démocrate pour la présidence en tant que socialiste démocratique, il a inspiré des centaines de milliers de jeunes, dont des dizaines de milliers ont rejoint DSA. Depuis, certainEs militantEs de DSA, se voulant anti-impérialistes, ont été attirés par les idées campistes, l’opinion selon laquelle les États-Unis sont la principale ou la seule puissance impérialiste et que la gauche devrait soutenir les États qui s’y opposent – comme l’Iran, la Syrie, la Chine et la Russie, le Venezuela et le Nicaragua, même s’ils s’agit de régimes autoritaires et dont la politique intérieure ne reflète pas les intérêts populaires.
Ayant atteint des dizaines de milliers de membres, DSA est également devenue la cible d’infiltrations par d’autres groupes de gauche : Parti communiste américain, plusieurs organisations trotskistes dogmatiques et divers autres groupes. Le Parti du socialisme et de la liberation (PSL), par exemple, a introduit des idées staliniennes dans DSA. Le PSL regarde avec regret la chute de l’Union soviétique, il exprime son soutien à la Corée du Nord, et dans la guerre actuelle de la Russie contre l’Ukraine, le PSL penche vers la Russie. Plusieurs de ces campistes ou staliniens ont été élus à l’organe de direction de DSA, le Comité politique national, où ils se sont heurtés à l’opposition d’un nombre égal d’internationalistes, ce qui a empêché DSA d’adopter une position significative sur la guerre russe en Ukraine.
Vifs débats internes
Malheureusement, DSA n’a ni la volonté politique ni la capacité d’organiser des débats politiques sur le sujet, de sorte que la discussion a tendance à se dérouler dans des revues de gauche, par le biais des publications des courants de DSA ou sur les réseaux sociaux. Avec d’autres camarades de DSA, nous avons écrit des articles plaidant pour un soutien à l’Ukraine. Certains courants ont également publié des articles soutenant l’Ukraine ou ont hébergé des débats dans leurs pages. Pour d’autres, qui ont condamné l’agression russe, la guerre devient maintenant essentiellement une guerre par procuration où l’impérialisme US combat la Russie, et ils s’opposent donc à l’aide à l’Ukraine, autre que l’aide humanitaire. Sur les réseaux sociaux – comme le forum de discussion de DSA, Facebook, Twitter et d’autres – les débats sont au mieux hargneux et souvent vicieux. Il a été suggéré que ceux qui critiquent la Chine, la Russie, la Syrie ou soutiennent l’Ukraine sont des agents du Département d’État. Certains membres de DSA ont appelé au « ice-picking » (frapper avec un piolet) d’autres membres de DSA qui s’opposent au campisme – « ice-picking » est clairement une allusion au meurtre de Léon Trotski.
Quelques branches de DSA ont cependant hébergé des webinaires Zoom avec des orateurs ukrainiens, y compris des invitéEs de Sotsіalniy Rukh (Mouvement social), une organisation socialiste démocratique en Ukraine qui s’oppose aux politiques néolibérales de Zelensky même si ses militantEs ont rejoint les bataillons de défense territoriale ukrainiens pour combattre l’invasion russe. Pour ce qui nous concerne, moi et mes camarades, nous continuerons à pousser DSA à organiser des discussions et des débats sur la guerre et à appeler à soutenir l’Ukraine et la gauche ukrainienne.
Traduction Henri Wilno
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