Entre Noël et le Jour de l’An, j’ai eu l’occasion de voir et d’entendre Alexandre Jardin, candidat « indépendant » à la présidentielle française. Le malheureux écrivain si disert lorsqu’il s’agit de raconter ses histoires n’arrivait pas à aligner trois phrases cohérentes sur des sujets politiques, domaine dont il ignore visiblement tout, ne s’y connaissant pas davantage en économie et encore moins en questions sociales.
Il vient de découvrir le mot co-construction, qu’il utilise au détour de chaque syntagme tout en ayant une très vague idée du concept que le vocable recouvre. Prétendant redonner sa voix au peuple, à « ceux d’en-bas », il promeut en fait le pouvoir des artisans et des petits commerçants. Il n’y a dans sa vision étriquée dix-huitiémiste de la structure sociale aucune place pour les ouvrières et les ouvriers, nulle idée concernant les travailleuses et travailleurs pauvres et absence totale de solution pour les exclus du système capitaliste, qui dorment dans la rue tous les jours.
Comme tous ceux qui se targuent de n’être ni à droite ni à gauche, il collectionne les idées disparates et propose une société droitisante où chacun est vu comme un entrepreneur. Sa France épicière ressemble au mieux à un poujadisme renaissant, au pire au corporatisme triomphant qui a fait la honte du Portugal sous Salazar. Dans tous les cas, une pareille société subsiste avec des bottes et des triques, favorise le capitalisme local, mais le capitalisme quand même, et ne dédaigne pas l’international quand il fait l’affaire des bons gérants, lesquels acceptent toujours les « offres qu’on ne peut refuser ».
Ce serait risible si un tel égaré ne faisait pas perdre du temps d’antenne, en plus des votes de gauche qui peuvent s’engouffrer (comme au temps de Poujade) dans ce miroir aux alouettes. Libéral comme lui, Voltaire savait tout de même qu’il faut cultiver son Jardin, ce qui, à l’évidence dans le cas de ce dernier, reste à faire.