Tout d’abord, il convient de dire clairement les choses telles qu’elles sont : l’écologique, le social et l’économique ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Ils visent des objectifs différents, parfois en tension, et qu’il convient donc d’équilibrer raisonnablement. Ce qui est nouveau dans cette donne, c’est bien sûr la réalisation des limites des écosystèmes, et de l’écosystème planétaire.
L’écologique prend acte de ces limites, et y répond, en refondant l’économique. Les biens et ressources écologiques ont une valeur économique qui n’est pas prise en compte dans les comptabilités nationales. Ils ont aussi une valeur sociale, culturelle, signifiante, qui est encore plus malaisée de prendre en compte, d’estimer. Il reste que ces biens, ces services aussi que nous rend l’environnement, ont une valeur. Il y a donc tout d’abord une entière révision de la notion de valeur basée sur le marché économique.
Au niveau politique, eh bien, la division droite-gauche doit être abandonnée. Il faut plutôt y préférer une vision tripolaire, avec l’écologique, le social et l’économique. Dans cette vision tripolaire, l’écologique est en tension avec l’économique, mais aussi avec le social. Moins de ressources économiques, c’est aussi moins de ressources à redistribuer, ou plutôt, la nécessité de les redistribuer plus équitablement. Je propose donc d’abandonner la notion même de socialisme, et d’y préférer une notion de social-écologisme.
Être social-écologique, c’est être lucide, lucide sur l’avenir, mais aussi sur les nécessités de socialiser les bienfaits économiques ne serait-ce que pour compenser la pression écologique. Ce n’est pas là dire qu’il faille négliger la dimension économique, source de plusieurs des bienfaits susmentionnés. Mais cette dimension devra être verdie, socialisée aussi, pour assurer qu’elle soit conforme et attelée à la tâche qu’il convient de réaliser : convertir nos économies en écolonomies. Il faut le dire, ces catégories, pratiquement devront être fondues en une seule science, si l’on veut que la division entre ces mondes ne fracture pas les consciences. Entre-temps, il convient néanmoins d’agir. La fusion des sciences ne se fera pas en un jour, et ne doit pas nécessairement précéder l’actualisation sociétale des prises de conscience écologiques.
Dans cette action, il faut dire que la mutation vers une société écologiquement viable ne se fera pas sans changements majeurs. L’une des points du Pacte, la proposition # 3, est énoncé comme suit :
« Nous proposons que les subventions agricoles soient progressivement transférées vers l’agriculture de qualité – biologique, labellisée, d’appellation d’origine contrôlée – en lui ouvrant le marché de la restauration collective : cantines scolaires, restaurants d’entreprises, d’universités, d’hôpitaux, de maisons de retraite, associations caritatives..., soit 2,6 milliards de repas chaque année et quelque 10 millions de repas par jours ouvrables.
L’organisation de ce marché s’effectuerait sur la base d’un cahier des charges selon des critères de qualité et de proximité des productions. Une telle redistribution relancerait la demande en produits de qualité, permettrait aux agriculteurs d’être rémunérés pour leur travail et créerait des emplois nécessaires à ce type d’agriculture. Elle diminuerait les coûts de transport et la consommation d’énergie, dynamiserait l’emploi local, permettrait l’accès des plus modestes à une alimentation de qualité. »
Il y a là une bonne proposition, de toute évidence. Mais ce que nos compères de France ratent, c’est le manger quoi ? La non consommation de viande est sans doute la meilleure façon de limiter son impact écologique sur l’environnement. Cela prend moins de terres agricoles, moins de consommation d’eau pour les irriguer, moins d’énergie sans doute pour les entretenir, et de surcroît, cela empêche l’émission de méthane, gaz à effet de serre plus nocif que le dioxyde de carbone. Ce n’est donc pas seulement dans la proximité et la qualité qu’il faut viser, mais il faut aussi être conscient que la consommation de produits animaux, particulièrement la viande, a des effets néfastes sur l’environnement. Vaudrait mieux ou autant couper la viande que mettre son papier au recyclage.
Il y a cependant des exceptions, bien sûr, mais la France et le Québec n’ont pas de problème de sécurité alimentaire, c’est bien davantage un problème de culture. Vos grands-parents et vos parents mangeaient de la viande, mais franchement, si vous avez moins de 40 ans et avez quelque peu des couilles, eh bien, il conviendrait de les laisser faire, mais de ne pas émuler leur exemple. J’insiste sur ce point, car je sais que beaucoup de gens vivent de la production de viande, et mon but n’est pas de tuer ces entreprises, mais de forcer, de stimuler une reconversion.
Cette reconversion doit être graduelle, mais un mouvement progressiste qui ne prend pas acte de cette donnée, eh bien, c’est là un progressisme qui doit se regarder dans le miroir avant de se doter de ce nom. Ne soyez tout de même pas déraisonnables, ne soyez pas impolis si vous êtes invités chez grand-mère, mangez de la viande au lieu de la gaspiller, mais ne venez pas me dire que vous êtes écologiste ou progressiste si vous n’êtes pas capables de réaliser que votre propre comportement contribue au problème que vous dénoncez. Gandhi avait raison d’une manière sans le savoir, consommer de la viande, c’est faire violence à la planète. Lavez donc le sang de vos assiettes !
Intégrer l’empreinte environnementale au prix des produits
Envolées lyriques ayant été faites, il convient de revenir sur la notion de taxe sur l’émission de gaz à effet de serre discutée dans un premier article. Il ne faudrait pas oublier qu’il y a d’autres activités humaines qui contribuent à ces émissions. Il ne faudrait pas non plus oublier que la diminution de la consommation elle-même, non seulement d’énergie, mais de la consommation tout court, contribuerait à construire une société plus viable écologiquement. Enfin, comme nous l’avons noté, il y a des choix à faire sur des priorités et des substituts, des alternatives comme les protéines végétales qui ont un impact moindre sur l’environnement.
Il y a aussi une critique à faire de consommations qui n’ont pas d’effets positifs sur l’humain, qui ne sont pas essentiels, et qui monopolisent des ressources importantes. Je me permets donc de faire une autre croisade lyrique, cette fois-ci contre le tabac et l’alcool, et tant qu’à y être sur le pot. Il y a des limites du raisonnable, mais ce ne sont pas là des habitudes qui contribuent exactement à réduire les terres utilisées par l’humain. Je ne suis pas un spécialiste, je ne connais pas la quantité de terres utilisées pour produire du tabac, ni pour produire les céréales nécessaires à la bière, ou le raisin nécessaire au vin. Je suis aussi conscient que ces deux derniers ont quelques bénéfices alimentaires, certains bénéfices de socialité, surtout dans les pays froids, mais je ne puis pas dire en revanche qu’elles me semblent essentielles à la survie humaine.
Peut-être qu’une socialité fondée sur autre chose que la bière et le vin serait de mise, profonde révolution culturelle et sociale, j’en suis conscient, mais j’invite du moins à la réflexion. Quant au tabac, en revanche, eh bien, je suis plus convaincu qu’il n’y a là pas de bénéfices ni pour l’humain, ni pour l’environnement, et ces entreprises sont aussi de grossières violatrices de toutes les règles d’éthique visant à humaniser les entreprises. Il y a donc une culture à gauche, je crois, qu’il convient de changer. Il y a aussi une culture à droite, qu’il convient de changer, il y a une révolution plus profonde que la simple dénonciation des actes des autres, une prise en main, une action commune et consciente qu’il convient de mener, pour se réformer et faire justice à la planète et aux générations qui nous suivront.
Le Pacte écologique se trouve à l’adresse suivante :
http://www.pacte-ecologique-2007.org