Des années de coupes budgétaires qui nous ont fragilisés
La première leçon est l’état d’inquiétante fragilité dans lequel se trouvait notre système public de santé au moment où la pandémie a gagné le Québec. Alors que notre économie et le PIB ont augmenté significativement depuis 30 ans, comment expliquer que les services publics et les soins de santé de première ligne, n’aient pas suivi la même courbe ? Le coronavirus a révélé une réalité que plusieurs voix, dont celle de la CSQ, dénoncent depuis longtemps : notre système public de santé a été fortement affaibli par un quart de siècle de politiques néolibérales à Québec.
Qu’on les connaisse sous les appellations créatives « d’austérité », de « rigueur budgétaire », de « redressement » ou « d’optimisation des services », les nombreuses coupes et compressions imposées par nos gouvernements, toutes couleurs confondues depuis 25 ans, ont fini par faire leur sinistre œuvre. À force d’éliminer la moindre ressource jugée superflue, au nom de la « saine gestion », ces politiques de gestion nous obligent à affronter un danger mortel sans disposer des armes nécessaires pour maintenir le front.
Des travailleuses et travailleurs sous-évalués
La deuxième leçon à tirer est à quel point nous avions sous-estimé la valeur précieuse de milliers de travailleuses et travailleurs, des secteurs public et privé, qui risquent leur propre santé pour assurer à notre société des services essentiels. Je pense, notamment, au personnel de la santé, aux travailleuses et travailleurs dans les services de garde ou en petite enfance, aux intervenantes et intervenants dans le secteur communautaire, mais aussi aux employées et employés des épiceries, des dépanneurs et autres personnes dont on sous-évalue la valeur du travail en temps normal.
Aux premiers soubresauts de la crise, des épiceries ont augmenté derechef le salaire de leurs employées et employés par crainte de les perdre, mais surtout pour les valoriser. Alors qu’on demande depuis des années de rehausser le salaire minimum à 15 $ l’heure, il a suffi de quelques semaines pour que nous nous rendions collectivement compte que ces personnes n’obtenaient pas une rémunération pouvant assurer un minimum de dignité. Lorsque tout sera revenu à la normale, nous aurons contracté une énorme dette envers ces milliers d’héroïnes et héros de l’ombre. Nous aurons une responsabilité collective de leur assurer un revenu et des conditions de travail décents. La CSQ sera là pour rappeler ce que nous leur devons.
L’importance de services publics forts
Une troisième leçon que je veux souligner est celle de l’importance de pouvoir compter – en temps de crise comme en tout temps – sur des services publics forts pour assurer le bien-être et la protection de notre population. Au cours des dernières années, plusieurs se sont laissé séduire par le chant des sirènes vantant les mérites du privé au détriment des services publics. Cette crise sanitaire a rompu le charme : délaisser le public pour le privé condamne tôt ou tard une société à faire naufrage. Dans les moments critiques, le dernier rempart qui existe pour garantir à la population un bien-être sont les services publics. Il est plus important que jamais de valoriser nos établissements publics pour maintenir le tissu social.
Les humains avant l’économie
La quatrième leçon est que ce puissant virus qui nous menace toutes et tous depuis quelques mois a rappelé à plusieurs gouvernements ce qu’ils semblaient avoir oublié : leur première responsabilité est celle d’être au service des citoyennes et citoyens, et non pas de l’économie. Cette menace mortelle qui pèse sur nos têtes a obligé nos dirigeantes et dirigeants à faire ce que nous aurions cru impossible, il n’y a pas si longtemps encore : sacrifier l’économie pour sauver la population. La vie humaine a enfin pris toute sa valeur. Il serait bon que nos gouvernements, ici comme ailleurs, s’en souviennent et s’en inspirent pour affronter une autre grave menace qui met en danger l’espèce humaine : le réchauffement climatique.
Vers une économie à l’échelle humaine
Finalement, à l’heure où les échanges internationaux n’ont jamais été aussi importants, cette crise jette un nouveau regard sur nos modes de production et de consommation. Sous le prétexte d’économies que la délocalisation à grande échelle entraînait, nos gouvernements ont consenti, au fil des ans, à la perte d’expertise et, surtout, au transfert d’emplois. Devant une mondialisation effrénée, où la production locale est systématiquement délaissée au profit d’un corporatisme déjanté depuis 30 ans, on entend maintenant de nombreuses et puissantes voix réclamer un retour à l’économie locale. Pour assurer notre redressement et préparer l’après-crise, il nous appartiendra d’adopter des politiques à la faveur de nos commerçants et de nos producteurs locaux qui assurent des emplois dans de bonnes conditions de travail, et de miser sur eux.
Voilà quelques leçons auxquelles il faut réfléchir. Nous avons toutes et tous hâte de revenir à une situation normale. Je souhaite vraiment que nos gouvernements aient compris qu’ils ne peuvent plus continuer à faire les choses comme avant. Désormais, le bien-être de toutes et tous devra guider et orienter leurs décisions politiques, bien avant les soubresauts de la bourse et la spéculation. C’est pourquoi il faut que nous mettions la main à la pâte dès maintenant afin de préparer adéquatement l’après-crise.
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