Selon la FAO, cette crise alimentaire a réduit à la famine 925 millions de personnes. Comme l’a noté son directeur général, Jacques Diouf, « avant l’augmentation des prix des aliments en 2007, le nombre de personnes sous-alimentées était de 850 millions. Seulement au cours de cette année il s’est accru de 75 millions pour atteindre 925 millions » [2].
Un chiffre qui atteindra 1,2 milliard d’affamés en 2017, selon le Département de l’agriculture états-unien [3]. Mais en réalité la crise alimentaire actuelle a déjà une incidence directe ou indirecte sur la moitié de la population mondiale, c’est à dire plus de 3 milliards de personnes [4].
Car le prix des denrées alimentaires n’a pas cessé de grimper.
Selon l’indice des prix des denrées alimentaires de la FAO, ces derniers ont augmenté de 12 % entre 2005 et 2006, de 24 % en 2007 et de près de 50 % entre janvier et juillet 2008. Les données de la Banque mondiale confirment cette hausse : au cours des années 2006-2008 le prix des produits alimentaires s’est accru de 83 %.
Les céréales et les autres aliments de base, qui constituent la nourriture de larges secteurs de la population, en particulier dans les pays du Sud (blé, soja, huiles végétales, riz…), ont subi les augmentations les plus importantes.
Le coût du blé s’est accru de 130 %, celui du soja de 87 %, du riz de 74 % et du maïs de 31 % [5]. Malgré les prévisions favorables de la production des céréales, la FAO estime que les prix resteront élevés au cours des années à venir et qu’en conséquence la majorité des pays pauvres continueront à souffrir des effets de la crise alimentaire [6].
Compte tenu de ces données, il n’est pas surprenant qu’une vague d’émeutes de la faim ait traversé le Sud, car ce sont précisément les produits dont les pauvres se nourrissent qui ont connu la hausse la plus importante.
A Haïti, au Pakistan, au Mozambique, en Bolivie, au Mexique, au Maroc, au Sénégal, en Ouzbékistan, au Bangladesh, au Niger… les gens sont descendus dans les rues pour crier « Assez ! ».
Certaines de ces révoltes ont provoqué des dizaines de morts et de blessés.
Elles ne sont pas sans rappeler celles qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990 dans la Sud contre les politiques d’ajustement structurel imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Un fois de plus, la cause en est l’augmentation du prix des denrées alimentaires, du transport, des services publics… qui a aggravé les conditions de vie de la majorité de la population de ces pays et entravé leur lutte quotidienne pour la survie. L’histoire se répète et les politiques néolibérales laissent derrière elles des millions d’affamés.
Le problème aujourd’hui ce n’est pas le manque de nourriture, mais l’impossibilité de l’obtenir.
En fait, la production mondiale de céréales a triplé depuis les années 1960, alors que la popu-lation mondiale a seulement doublé [7]. Jamais dans l’histoire autant d’aliments n’avaient été produits. Mais pour les millions de personnes qui, dans les pays du Sud, dépensent entre 50 % et 60 % de leur revenu (et même 80 % dans les pays les plus pauvres, alors que dans les pays du Nord on estime ces dépenses entre 10 % et 20 %) pour acheter la nourriture, la hausse du prix des denrées alimentaire les a rendus inaccessibles.
Esther Vivas, journaliste et sociologue, membre de la direction de Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste, État espagnol) est militante de la IVe Internationale.
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