Chiara Cruciati, Socialist Project, 6 mars 2019
Traduction : Sophie Giroux-Tremblay
C’est le résultat du travail de la Commission d’enquête indépendante mise sur pieds par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, chargée d’examiner les événements le long de la frontière entre Gaza et Israël pendant près d’un an ; en particulier, la répression de la Marche du retour par le gouvernement israélien, le mouvement lancé le 30 mars 2018 pour revendiquer le droit des réfugiés palestiniens de revenir sur leur territoire (en accord avec la résolution 194 de l’ONU) et pour exiger la fin de l’occupation israélienne de la région, et qui perdure depuis douze ans.
Selon l’enquête de l’ONU, le fait que des tireurs d’élite israéliens aient tiré sans discernement sur des civils non armés « pourrait être considéré comme un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ». Le bilan des victimes est accablant : on compte plus de 250 morts (y compris 48 enfants) et plus de 26 000 blessés, dont plusieurs souffrent de séquelles permanentes. À tout cela s’ajoute l’état de décrépitude actuel du système médical de Gaza, causé par le blocus et la pénurie de médicaments. Ici, la population doit vivre avec seulement deux à quatre heures d’électricité par jour.
Ordre de tirer pour tuer
De plus, la Commission — dont le rapport repose sur des entrevues, des enregistrements vidéo, des dossiers médicaux et des images de drones récoltées jusqu’au 31 décembre — a entre les mains les noms des responsables : ceux des tireurs d’élite qui ont tué des civils et ceux des généraux qui, sur ordres de Tel-Aviv, ont immédiatement fait exécuter le principe barbare de « tirer pour tuer ». La Commission a des motifs raisonnables de croire que des tireurs d’élite israéliens ont fait feu, en toute connaissance de cause, sur des journalistes, des travailleurs médicaux, des enfants et des personnes handicapées. Une des membres de la Commission, Sara Hossaini, l’a souligné lors d’une conférence de presse à Genève : « L’armée israélienne a intentionnellement tiré sur des enfants, sur des personnes handicapées et sur des journalistes. »
Selon la Commission, l’identification des auteurs de ces actes permettrait de les traduire en justice devant un tribunal international. On a donc demandé que la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, partage le rapport avec la Cour Pénale internationale. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a également formulé une demande similaire le 28 février : « Il est temps qu’Israël soit tenu responsable de ces crimes. Aucun pays ne devrait être au-dessus des lois », a-t-il déclaré. Il a ensuite ajouté que le rapport de l’ONU « prouve ce que nous avons toujours martelé : qu’Israël commet des crimes de guerre contre notre peuple à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem. »
Le gouvernement israélien a immédiatement répondu hargneusement : Benjamin Netanyahou a accusé l’ONU « d’hypocrisie et de mensonges, découlant d’une haine obsessive envers Israël, l’unique démocratie du Moyen-Orient. »
« Personne ne peut nier à Israël son droit à l’autodéfense, » a affirmé le ministre intérimaire des Affaires étrangères, Yisrael Katz, en répétant la version de l’histoire répandue en Israël pendant la dernière année. Dans cette vision, les Palestiniens non armés se trouvant à quelques centaines de mètres de soldats, d’infrastructures ou de civils israéliens, représenteraient une supposée menace.
Ce que l’ONU dénonce est une réalité déjà bien connue de ceux qui suivent la situation de la Marche du retour de près, des organisations internationales qui accusent Tel-Aviv d’un usage aveugle et non provoqué de la force. Il s’agit notamment d’Amnesty International, qui a décrit jeudi les actions d’Israël comme étant « un mépris cruel et impitoyable du droit international humanitaire. »
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